Conseil d'État, 2ème SSJS, 15/06/2015, 380446, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 juin 2015
Num380446
Juridiction
Formation2ème SSJS
RapporteurM. Luc Briand
CommissaireMme Béatrice Bourgeois-Machureau

Vu le pourvoi, enregistré le 19 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre des finances et des comptes publics, qui demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 0901509 du tribunal administratif de Poitiers en date du 27 mars 2014 en tant que, par ce jugement, le tribunal a fixé la date d'effet de la pension militaire d'ayant-cause concédée à Mme C...A...B...au 1er janvier 1999 ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

Vu le décret n° 2010-1691 du 30 décembre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;





1. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 : " I. - Les (...) pensions civiles et militaires de retraite (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants. / II. - La valeur (...) du point d'indice des pensions civiles et militaires de retraite visées au I est égale à la valeur du point applicable aux pensions et retraites de même nature servies, en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite, aux ressortissants français. / III. - Les indices servant au calcul (...) des pensions civiles et militaires de retraite (...) sont égaux aux indices des pensions et retraites de même nature servies aux ressortissants français tels qu'ils résultent de l'application des articles L. 9 et L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et des articles L. 15 et L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Les pensions en paiement mentionnées au précédent alinéa sont révisées à compter de la demande des intéressés, présentée dans un délai de quatre ans à compter de la publication du décret mentionné au VIII et auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension. / IV. - Les indices servant au calcul des pensions servies aux conjoints survivants (...) des titulaires d'une pension civile ou militaire de retraite visés au I sont égaux aux indices des pensions des conjoints survivants et des orphelins servies aux ressortissants français, tels qu'ils sont définis en application (...) du code des pensions civiles et militaires de retraite. / Les pensions en paiement mentionnées au précédent alinéa sont révisées à compter de la demande des intéressés, présentée dans un délai de quatre ans à compter de la publication du décret mentionné au VIII et auprès de l'administration qui a instruit leurs droits à pension. / V. - Les demandes de pensions présentées en application du présent article sont instruites dans les conditions prévues (...) par le code des pensions civiles et militaires de retraite. / VI. - Le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la quatrième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. D...A...B..., ressortissant marocain, a obtenu, par un arrêté du ministre de la défense en date du 5 septembre 1955, le bénéfice d'une pension militaire de retraite, dont le montant a été cristallisé en application des dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; qu'il est décédé le 26 juin 1996 ; que, par une décision en date du 13 février 1997, le ministre de la défense a rejeté la demande de sa veuve, Mme A...B..., tendant au bénéfice d'une pension de réversion ; que si l'intéressée a adressé une autre demande en ce sens le 28 octobre 2003, ce n'est qu'à l'occasion de la contestation du refus opposé à une nouvelle demande reçue le 26 janvier 2009 qu'elle a sollicité le versement de la pension en raison de l'incompatibilité de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif, le ministre de la défense a accordé à Mme A...B..., par décision du 12 novembre 2013, une pension de réversion avec effet au 26 janvier 2009, dont le montant a été fixé conformément aux dispositions précitées de l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ; que le ministre de la défense se pourvoit en cassation contre le jugement du 27 mars 2014 par lequel le tribunal administratif a jugé que la date d'effet de la pension de réversion concédée à Mme A...B...devait être fixée au 1er janvier 1999 ;

3. Considérant que, pour juger que Mme A...B...avait droit au bénéfice d'une pension de réversion à compter du 1er janvier 1999, le tribunal administratif de Poitiers a estimé qu'il y avait lieu d'appliquer les règles de prescription définies par les dispositions de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite à la demande adressée par l'intéressée au ministre de la défense le 28 octobre 2003 ; que, toutefois, le tribunal administratif ne pouvait, sans erreur de droit, se fonder sur cette demande qui ne se prévalait pas de l'incompatibilité de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 avec les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite le ministre est fondé à soutenir que le tribunal administratif a commis une erreur de droit en retenant, pour appliquer la règle de prescription, la demande du 28 octobre 2003 et non celle du 26 janvier 2009 ; que, dès lors, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il a fixé la date d'effet de la pension ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond dans cette mesure, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la date devant être prise en compte pour le bénéfice de la pension de réversion concédée par le ministre de la défense à Mme A... B...est celle du dépôt de la demande reçue le 26 janvier 2009 ; que, par suite, et par application des dispositions de l'article L. 53 du code des pensions civiles et militaires de retraite, l'intéressée est en droit de prétendre aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux quatre années antérieures, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2005 ; que, dès lors, les conclusions de Mme A...B...tendant au bénéfice de la pension à compter d'une date antérieure au 1er janvier 2005 ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 mars 2014 est annulé en tant qu'il a fixé au 1er janvier 1999 la date d'effet de la pension de réversion concédée à Mme A...B...par une décision du ministre de la défense en date du 12 novembre 2013.

Article 2 : Les conclusions de Mme A...B...tendant au bénéfice des arrérages de la pension à une date antérieure au 1er janvier 2005 sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à Mme C...A...B....


ECLI:FR:CESJS:2015:380446.20150615