Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28/06/2016, 15PA00970, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 juin 2016
Num15PA00970
JuridictionParis
Formation4ème chambre
PresidentM. EVEN
RapporteurM. Jean-Claude PRIVESSE
CommissaireM. CANTIE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 21 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande du 19 février 2013 tendant à son reclassement à un indice équivalent ou immédiatement supérieur à celui qui était le sien lorsqu'il était militaire, et de lui enjoindre de procéder à ce reclassement, rétroactivement, à la date de sa nomination le 30 décembre 2011.

Par un jugement n° 1306814/5-1 du 8 janvier 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M.A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 3 mars et le 24 septembre 2015, M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 janvier 2015 ;

2°) de le reclasser à un indice équivalent ou immédiatement supérieur à celui qui était le sien lorsqu'il était militaire, avec effet rétroactif à compter de sa date de nomination le 30 décembre 2011 ;

Il soutient que :

- il a été reclassé au grade le plus bas de la catégorie C ;
- il est ainsi positionné statutairement en dessous d'autres collègues moins expérimentés que lui ;
- il ne peut en outre se présenter à des concours seulement ouverts aux adjoints administratifs de 1ère classe, alors qu'il a désormais une ancienneté de 21 ans dans la fonction publique ;
- il produit des documents concernant une personne ayant eu le même mode de reconversion que lui-même, et qui a été reclassée à un indice et à un grade supérieurs ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M.A..., en faisant valoir que :
- il résulte les termes des articles L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que des articles L. 4139-1, 3 et 12 du code de la défense, que le moyen tiré de l'erreur d'appréciation reprochée à l'administration doit être rejeté, l'intéressé ayant été radié des cadres à sa demande, à compter 16 mars 2010, soit plus d'un an et demi avant d'être reclassé au sixième échelon du grade d'adjoint administratif de seconde classe ;
- ayant librement candidaté pour un recrutement sans concours à ce grade, il ne pouvait être nommé à un autre grade ;
- la rupture d'égalité de traitement invoquée est sans incidence sur la légalité de la décision critiquée, alors que l'intéressé ne cite qu'un seul exemple dont il n'est pas établi que l'agent concerné se serait trouvé dans une situation statutaire identique ;

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 94-1016 du 18 novembre 1994 fixant les dispositions statutaires communes applicables à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B ;
- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2005-1228 du 29 septembre 2005 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C ;
- le décret n° 2011-469 du 28 avril 2011 relatif à la rémunération et au classement des militaires détachés et intégrés dans un corps ou cadre d'emplois au titre des articles L. 4139-1 à L. 4139-3 du code de la défense ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Privesse,
- et les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.


1. Considérant que M. B...A..., engagé volontaire dans l'armée de l'air à compter du 8 septembre 1992, promu sergent-chef du corps du personnel non navigant, a été radié des cadres sur sa demande, à compter du 16 mars 2010, et admis à compter de cette date à faire valoir ses droits à une pension de retraite ; que, par un arrêté du 19 décembre 2011, il a été recruté sans concours sur un emploi réservé en qualité d'adjoint administratif stagiaire de deuxième classe au ministère de l'intérieur, à l'indice majoré 305, au 6ème échelon, puis titularisé le 30 décembre 2012 ; que, par un recours gracieux du 19 février 2013, M. A...a sollicité son reclassement à un indice équivalent ou immédiatement supérieur à celui qui était le sien en tant que militaire, soit à l'indice 405, puis a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision du 21 mars 2013 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté ce recours ; qu'il relève appel du jugement du 8 janvier 2015 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2011 en tant qu'il porte sur le niveau de l'échelon et l'indice de reclassement en faisant notamment valoir l'absence de prise en compte de ses acquis professionnels ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ;

3. Considérant que ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée ; qu'en revanche, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., ayant été radié des cadres sur sa demande à compter du 16 mars 2010, n'avait plus la qualité de militaire au jour de son recrutement sans concours sur un emploi réservé par l'arrêté contesté du 19 décembre 2011 ; que, par suite, les dispositions susrappelées, notamment celles énoncées par l'article R. 4139-7 du code de la défense, ne lui étaient pas applicables à la date de son recrutement au ministère de l'intérieur ; qu'il s'ensuit M. A...ne peut se prévaloir du grade qu'il détenait en qualité de sous-officier de l'armée de l'air pour revendiquer l'attribution d'un indice au moins équivalent dans son nouveau corps ;

5. Considérant, en second lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que la différence de traitement appliquée en matière de reclassement entre les militaires et les anciens militaires, est justifiée par la spécificité des conditions d'emploi de ces derniers, ainsi que par le fait que ces deux catégories d'agents bénéficient de régimes de protection sociale différents ; qu'elle est ainsi en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit ; qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient ; que, par suite, le moyen tiré de l'existence d'une rupture d'égalité entre fonctionnaires appartenant à un même corps doit être écarté ;

6. Considérant, enfin, qu'aucune disposition ne prévoit que l'administration devrait prendre en compte l'expérience professionnelle acquise au titre de la carrière militaire, pour reclasser un ancien militaire admis à accéder à un emploi réservé ; que M. A... ne peut donc se prévaloir utilement de son passeport professionnel, au demeurant sans portée juridique, pour demander sa nomination sur un emploi de reclassement qui lui serait plus favorable ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Even, président de chambre,
- M. Privesse, premier conseiller,
- M. Dellevedove, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 juin 2016.

Le rapporteur,
J-C. PRIVESSE
Le président,
B. EVEN
Le greffier,
A-L. CALVAIRE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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