CAA de BORDEAUX, 2ème chambre - formation à 3, 13/12/2016, 14BX03560, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...A...a demandé au tribunal administratif de Guadeloupe :
1°) sous le n° 1200246, d'annuler les décisions en date du 15 septembre 2011 et du 26 septembre 2011 par lesquelles le recteur de l'académie de la Guadeloupe a refusé de prendre en considération une rechute d'un accident du travail, l'a informée de la retenue sur traitement réalisée pour les jours non travaillés et l'a mise en demeure de reprendre son service ;
2°) sous le n°1200538, d'annuler l'arrêté en date du 2 avril 2012 par lequel le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 10 octobre 2011 et en congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 janvier 2012 ;
3°) sous le n°131080, d'annuler l'arrêté en date du 31 mai 2013 par lequel le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 mars 2012.
Par un jugement n° 1200246, 1200538, 1301080 en date du 23 octobre 2014, le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté les demandes de MmeA....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 décembre 2014, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de Guadeloupe ;
2°) d'ordonner une contre expertise médicale afin que soit déterminé notamment si les arrêts de travail dont elle fait l'objet depuis le mois de septembre 2011 sont la conséquence de l'accident de travail dont elle a été victime en 2001 ;
3°) d'annuler les décisions en date du 15 septembre 2011 et du 26 septembre 2011 par lesquelles le recteur de l'académie de la Guadeloupe a refusé de prendre en considération une rechute d'un accident du travail, l'a informée de la retenue sur traitement réalisée pour les jours non travaillés et l'a mise en demeure de reprendre son service, du 2 avril 2012 par lequel le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 10 octobre 2011 et en congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 janvier 2012 et du 31 mai 2013 par lequel le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 mars 2012 ;
4°) d'ordonner son rétablissement dans ses droits eu égard aux retenues sur traitement dont elle a pu faire l'objet et qui n'ont pas été régularisées ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Philippe Delvolvé ;
- et les conclusions de M. David Katz, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., enseignante en éducation physique et sportive, a été victime de deux accidents survenus le 6 mars 2001 et le 14 mars 2001 reconnus imputables au service. A la suite de ces accidents de service, elle a été déclarée inapte à la profession de professeur d'éducation physique et sportive. Elle a été maintenue en congé de maladie jusqu'au 27 octobre 2009 date à laquelle elle a été reclassée dans un emploi de documentaliste puis elle a de nouveau été en congé de maladie jusqu'en septembre 2011. Malgré des propositions de reclassement, Mme A... a continué de produire des arrêts de travail qu'elle estime imputables à des rechutes des accidents de service survenus en 2001. Elle a demandé au tribunal administratif de Guadeloupe, d'une part, l'annulation, des décisions des 15 septembre 2011 et 26 septembre 2011 par lesquelles le recteur de l'académie de la Guadeloupe a refusé de prendre en considération la rechute invoquée par la requérante au titre des accidents du travail, l'a informée de la retenue sur traitement réalisée pour les jours non travaillés et l'a mise en demeure de reprendre son service et, d'autre part, l'annulation de la décision du 2 avril 2012 par laquelle le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé de maladie ordinaire à plein traitement à compter du 10 octobre 2011 et en congé maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 janvier 2012 et, enfin, l'annulation de la décision du 31 mai 2013 par laquelle le recteur de l'académie de la Guadeloupe l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement à compter du 10 mars 2012. Mme A...relève appel du jugement du 23 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Sur le bien fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité des décisions du 15 septembre 2011 et du 26 septembre 2011 :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L.27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite.[...] " Aux termes de l'article 63 de cette même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...). "
3. Les accidents de service dont a été victime Mme A...les 6 et 14 mars 2001 lui ont occasionné un traumatisme de la cheville gauche et une entorse du ligament latéral externe. Son état a été regardé comme consolidé au 1er septembre 2004 avec une incapacité permanente partielle au taux de 12 %. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise déposé le 18 avril 2013 par le docteur Istria devant le tribunal administratif de Guadeloupe, que les suites des accidents de service de Mme A...ont été caractérisées par un syndrome algodystrophique de la cheville gauche, dont les signes radiologiques ont progressivement diminué à partir du mois de juin 2003 pour se stabiliser à un stade III non évolutif. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le syndrome douloureux chronique dont souffre Mme A...a un lien avec les accidents de service du mois de mars 2001, quand bien même ils ne seraient sous-tendus par aucune lésion anatomique véritable. Alors que la consolidation de l'état de santé de l'intéressée avait été fixée au 4 septembre 2011, l'expert souligne que, compte tenu de ces douleurs persistantes, le taux d'incapacité permanente partielle initialement fixé à 12 % devrait faire l'objet d'une réévaluation à 16 %. La littérature médicale citée par l'expert indique que " la douleur chronique [accompagnant l'algodystrophie] peut être accompagnée de manifestations psychopathologiques, d'une demande insistante par le patient de recours à des médicaments ou à des procédures médicales souvent invasives, alors qu'il déclare leur inefficacité à soulager, d'une difficulté du patient à s'adapter à la situation ". Il résulte de l'instruction, et des constatations faites par l'expert, que de telles conséquences, même uniquement psychologiques et auxquelles Mme A...a été confrontée à l'occasion d'une rechute depuis 2011, sont désignées comme relevant des caractéristiques propres de l'algodystrophie et trouvent ainsi leur origine dans les accidents de service de mars 2001 qui en est l'unique cause. Si l'expertise affirme que les arrêts maladie de Mme A...ne sont pas imputables aux accidents de service dont elle a été victime, cette affirmation, contradictoire avec l'affirmation selon laquelle Mme A...souffre toujours d'algodystrophie à l'état séquellaire, n'est assortie d'aucune explication autre que le contexte psychologique lequel, ainsi qu'il vient d'être dit, est une des manifestations de l'algodystrophie. Une telle affirmation doit, dès lors, être regardée comme résultant d'une maladresse de rédaction. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à demander l'annulation des décisions des 15 et 26 septembre 2011 par lesquelles le recteur de l'académie de Guadeloupe a refusé de rattacher les arrêts maladie de la requérante aux accidents en litige.
En ce qui concerne la légalité des décisions du 2 avril 2012 et du 31 mai 2013 :
4. Il résulte de l'instruction qu'en raison de son état de santé qui, comme il a été dit au point 3, est imputable aux accidents de service de mars 2001, Mme A...n'a pas été en mesure d'exercer les fonctions de documentaliste dans lesquelles elle avait été reclassée. Les arrêts maladie dont elle a bénéficié en 2011, 2012 et 2013 doivent, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des souffrances endurées par la requérante et de l'état psychologique généré par elles, tous être rattachés à ces accidents. Il y a lieu, dans ces circonstances, d'annuler les arrêtés en date du 2 avril 2012 et du 31 mai 2013 en tant qu'ils fixent les périodes au cours desquelles Mme A...n'a bénéficié que d'un demi traitement et de renvoyer la requérante devant l'administration à fin de régulariser sa situation au regard de ce qui est dit dans le présent arrêt.
5. Il résulte de tout ce qui précède et, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guadeloupe a rejeté ses demandes.
Sur les frais d'expertise :
6. Il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés par ordonnance du 27 septembre 2013, à la somme de 2 277,57 euros, à la charge définitive de l'Etat.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre des frais exposés par Mme A...et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1200246, 1200538, 1301080 en date du 23 octobre 2014 du tribunal administratif de Guadeloupe est annulé.
Article 2 : Les décisions du 15 septembre 2011 et du 26 septembre 2011 du recteur de l'académie de Guadeloupe sont annulées.
Article 3 : Les arrêtés du 2 avril 2012 et du 31 mai 2013 du recteur de l'académie de Guadeloupe sont annulés en tant qu'ils fixent les périodes au cours desquelles Mme A...n'a bénéficié que d'un demi traitement.
Article 4 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 277,57 euros, sont mis à la charge définitive de l'Etat.
Article 5 : L'Etat versera à Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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No 14BX03560