CAA de NANTES, 3ème chambre, 09/12/2016, 15NT00978, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 et de condamner l'Etat à lui verser l'indemnité prévue par ce texte, soit une rente viagère de 457,35 euros par mois.
Par un jugement n° 1102039 du 22 janvier 2015, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2015 M. A...C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 janvier 2015 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de l'aide instituée par le décret n° 2004-751du 27 juillet 2004.
Il soutient qu'il doit bénéficier de la réparation prévue à l'article 1er du décret du 27 juillet 2004, dès lors qu'il était mineur de moins de vingt et un ans au moment des faits et que son père a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.
Par un courrier du 12 novembre 2015, le Premier ministre a été mis en demeure de produire, dans un délai d'un mois, ses conclusions en réponse à la requête.
Par ordonnance du 2 mai 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 27 mai 2016 à 12h00 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gauthier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant M.C....
1. Considérant que M. A...C..., né le 7 décembre 1940, a perdu à l'âge de 5 mois et demi son père Jean-Baptiste, disparu avec d'autres marins le 15 mai 1941 alors qu'il servait à bord du trois mâts goélette le " Notre Dame du Chatelet ", navire civil canonné et mitraillé en mer par un sous-marin allemand ; que M. A...C...a sollicité le bénéfice des dispositions du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale ; qu'il relève appel du jugement du 22 janvier 2015 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre lui a refusé le bénéfice de cette aide et à la condamnation de l'Etat à lui verser l'indemnité prévue par ce texte ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ. " ; qu'aux termes de l'article L. 290 du même code : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, bénéficient du statut des internés politiques, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ. " ; que le bénéfice du régime en cause, qui a vocation à réparer spécifiquement la barbarie des persécutions et des crimes nazis, est subordonné à la condition que les victimes aient été appréhendées avant d'être exécutées ;
3. Considérant qu'à supposer même, ce qu'aucune des pièces soumises à l'instruction ne permet d'établir, que, comme le soutient M.C..., le morutier " Notre Dame du Châtelet ", en route vers le Groenland depuis le port de La Rochelle, aurait été coulé en raison du refus de l'équipage et de son capitaine d'embarquer les appareils de transmission radio permettant de renseigner la puissance occupante sur les mouvements de navires alliés dans l'Atlantique Nord, il est constant que le père du requérant, marin à bord de ce navire, n'a pas été arrêté et exécuté par l'ennemi au sens des dispositions précitées des articles L. 274 et L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; qu'en particulier si, le 14 mai 1941 vers midi, le navire a bien été arraisonné en mer par un sous-marin, il a pu reprendre sa navigation, et ce simple arrêt du navire à des fins de contrôle ne peut être assimilé à une arrestation des membres de son équipage au sens des mêmes dispositions ; que, par suite, les conditions dans lesquelles son père a trouvé la mort ne permettent pas au requérant de bénéficier de l'aide instituée par le décret précité du 27 juillet 2004 ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au Premier ministre.
Délibéré après l'audience du 24 novembre 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Gauthier, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 décembre 2016.
Le rapporteur,
E. GauthierLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT00978