CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 02/02/2017, 15LY00460, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 février 2017
Num15LY00460
JuridictionLyon
Formation4ème chambre - formation à 3
PresidentM. d'HERVE
RapporteurMme Céline MICHEL
CommissaireM. DURSAPT
AvocatsSCP SEVAUX - MATHONNET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision par laquelle il a été mis fin, à partir de janvier 2011, au versement de la majoration pour assistance d'une tierce personne qui lui a été attribuée pour cinq ans à compter du 1er février 2010 par décision du 25 novembre 2009 du recteur de l'académie de Lyon, d'autre part, d'enjoindre au recteur de lui verser les arriérés assortis des intérêts.

Par un jugement n° 1105130 du 16 janvier 2014, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 mars et 13 juin 2014, M. C...a demandé au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de faire droit à ses conclusions de première instance.

Par une décision n° 376446 du 4 février 2015, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de M. C...à la cour administrative d'appel de Lyon.

Procédure devant la cour

La décision n° 376446 du 4 février 2015 du Conseil d'Etat a été reçue au greffe de la cour le 9 février 2015 et la requête et le mémoire de M. C...ont été enregistrés à cette même date sous le n° 15LY00460 ; des mémoires complémentaires présentés pour M. C...par la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet ont été enregistrés le 31 juillet 2015 et le 30 août 2016,

M. C...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 janvier 2014 ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance, et de prononcer la capitalisation des intérêts échus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'un magistrat statuant seul était incompétent ;
- le premier juge ne pouvait se fonder sur le dernier alinéa de l'article D. 712-28 du code de la sécurité sociale qui ne s'applique pas à sa situation dès lors qu'il bénéficiait de l'allocation temporaire d'invalidité ; l'arrêté du 10 mars 1989 l'admettant initialement au bénéfice de la majoration pour assistance d'une tierce personne a été pris au visa de la circulaire FP n° 1468 et B-2 A n° 80 du 10 juin 1982 ;
- le recteur a méconnu la circulaire du 10 juin 1982, à caractère réglementaire, qui ne prévoit pas la fin du versement de la majoration après la mise à la retraite du fonctionnaire ;
- en raison de leur caractère discriminatoire, les dispositions du 5° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires portent atteinte aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- la décision du recteur de mettre fin au versement de la majoration constitue un retrait illégal d'une décision créatrice de droit.


Par un mémoire en défense, enregistré le 3 août 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 10 juin 1982 est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.


Un mémoire présenté pour M. C...par la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, enregistré le 1er août 2016, n'a pas été communiqué.


Un mémoire présenté par M. C...enregistré le 5 août 2016, n'a pas été communiqué.
Par ordonnance du 26 août 2016, l'instruction a été close au 29 septembre 2016.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision n° 2014-433 QPC du 5 décembre 2014 statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M.C... ;


Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Michel,
- les conclusions de M.B...,
- et les observations de M.C....



1. Considérant qu'à la suite d'un accident de service, M.C..., professeur de lycée professionnel, a bénéficié, en raison de son handicap et à compter du 1er février 1989, de la majoration d'allocation d'invalidité temporaire prévue par l'article D. 712-18 du code de la sécurité sociale pour assistance d'une tierce personne, dont le versement a été étendu par une circulaire interministérielle du 10 juin 1982, et dont un arrêté du 25 novembre 2009 prévoyait qu'il en bénéficierait jusqu'au 31 janvier 2015 ; que, toutefois, à la suite de l'admission de l'intéressé à faire valoir ses droits à la retraite, l'administration a cessé de lui verser cette majoration à compter du mois de janvier 2011 ; que, par un jugement du 16 janvier 2014, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. C...tendant à l'annulation de la décision de cessation du versement de cette majoration et à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui verser les arriérés dus ; que M. C...a demandé au Conseil d'Etat d'annuler ce jugement et de faire droit à ses conclusions de première instance ; que, par une décision du 4 février 2015, le Conseil d'Etat a attribué le jugement de la requête de M. C... à la cour administrative d'appel de Lyon ;


Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue (...) : / 3° Sur les litiges en matière de pensions (...) " ;

3. Considérant qu'ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 4 février 2015, le litige opposant M. C...à son ancienne administration à propos du versement d'une prestation qui n'est ni un complément ni une majoration de pension n'est pas relatif à ses droits à pension ; qu'il ne relève d'aucun des cas prévus à l'article R. 222-13 du code de justice administrative dans lesquels le président du tribunal ou le magistrat désigné par lui peut statuer seul sur un litige ; que, par suite, M. C...est fondé à soutenir que le jugement a été rendu par une formation de jugement irrégulièrement composée et qu'il doit être annulé ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. C... ;


Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

5. Considérant, d'une part, que le paragraphe I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite fixe des conditions pour la liquidation de la pension ; qu'aux termes du 5° de ce paragraphe I : " La condition d'âge de soixante ans figurant au 1° est abaissée dans des conditions fixées par décret pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu'ils étaient atteints d'une incapacité permanente d'au moins 80 %, une durée d'assurance au moins égale à une limite fixée par décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions. / Une majoration de pension est accordée aux fonctionnaires handicapés visés à l'alinéa précédent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État " ; qu'aux termes de l'article L. 30 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Lorsque le fonctionnaire est atteint d'une invalidité d'un taux au moins égal à 60 %, le montant de la pension prévue aux articles L. 28 et L. 29 ne peut être inférieur à 50 % des émoluments de base. / En outre, si le fonctionnaire est dans l'obligation d'avoir recours d'une manière constante à l'assistance d'une tierce personne pour accomplir les actes ordinaires de la vie, il a droit à une majoration spéciale dont le montant est égal au traitement brut afférent à l'indice brut afférent à l'indice 100 prévu par l'article 1er du décret n° 48-1108 du 10 juillet 1948. Le droit à cette majoration est également ouvert au fonctionnaire relevant du deuxième alinéa de l'article L. 28. / En aucun cas, le montant total des prestations accordées au fonctionnaire invalide ne peut excéder le montant des émoluments de base visés à l'article L. 15. Exception est faite pour la majoration spéciale au titre de l'assistance d'une tierce personne qui est perçue en toutes circonstances indépendamment de ce plafond. " ; que, par la décision 2014-433 QPC du 5 décembre 2014 visée ci-dessus, le Conseil constitutionnel, à qui le Conseil d'Etat a transmis le 26 septembre 2014 la question prioritaire soulevée par M. C...à l'appui de son pourvoi, a jugé conforme à la Constitution le deuxième alinéa de l'article L. 30 ; que son moyen relatif à la méconnaissance du principe d'égalité par ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
6. Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article D. 712-13 du code de la sécurité sociale, les fonctionnaires atteints d'une invalidité réduisant au moins des deux tiers leur capacité de travail sans pouvoir reprendre immédiatement leurs fonctions ni être mis ou admis à la retraite peuvent sur leur demande être reconnus en état d'invalidité temporaire et bénéficier à ce titre des prestations d'invalidité temporaire prévues audit code ; que l'article D. 712-18 de ce code prévoit une majoration pour assistance d'une tierce personne servie aux fonctionnaires invalides et absolument incapables d'exercer une profession ; que cet article précise que l'allocation d'invalidité temporaire cesse d'être servie dès que le fonctionnaire est réintégré dans ses fonctions ou mis à la retraite et, en tout état de cause, à l'âge de soixante ans ;
7. Considérant que M. C...a bénéficié d'un départ anticipé à la retraite en application du 5° du paragraphe I de l'article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu'il ne peut dès lors utilement, dès lors qu'elles ne lui sont pas applicables, soutenir que les dispositions de l'article L. 30 du même code ne prévoient pas que le fonctionnaire mis à la retraite pour invalidité perd le bénéfice de la majoration pour assistance pour tierce personne;

8. Considérant que quelle que soit la portée de la circulaire FP n° 1468 et B-2 n° 80 du 10 juin 1982 qui a permis d'étendre la majoration d'allocation d'invalidité temporaire prévue par l'article D. 712-18 du code de la sécurité sociale au bénéfice du fonctionnaire qui, en raison de son handicap, est dans l'obligation d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie, l'article D. 712-18 dispose que l'allocation d'invalidité cesse d'être servie dès que le fonctionnaire est mis à la retraite ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la circulaire du 10 juin 1982 n'impose pas que le versement de la majoration cesse à la suite de la mise à la retraite de l'intéressé est inopérant ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. C...a demandé à faire valoir ses droits à la retraite le 17 février 2010 ; qu'il ne saurait faire grief au recteur de l'académie de Lyon de ne pas avoir indiqué dans la décision du 25 novembre 2009 portant renouvellement de la majoration d'assistance à tierce personne qu'elle cesserait de lui être versée lors de son départ à la retraite ; que dès lors que pour procéder à la suppression du versement de la majoration, le recteur s'est borné à tirer les conséquences du départ à la retraite de l'intéressé en sa qualité de fonctionnaire handicapé et non pour invalidité, le moyen tiré de ce qu'une décision aurait dû intervenir avant que la majoration cesse d'être versée est inopérant ;

10. Considérant que contrairement à ce qui est soutenu, la cessation du versement de la majoration à compter du 1er janvier 2011 ne procède pas au retrait d'une décision créatrice de droit mais à son abrogation ; que le recteur pouvait légalement faire cesser le versement de la majoration dès lors que M. C...n'avait pas droit à son maintien ;

11. Considérant, enfin, que la majoration pour assistance à tierce personne est une prestation distincte de la pension de retraite ; qu'elle ne peut donc être regardée comme un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. C...ne saurait dès lors utilement invoquer les stipulations de cet article, combinées avec celles de l'article 14 de cette convention ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de cessation de versement de la majoration d'assistance à tierce personne à compter du mois de janvier 2011 ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.


DECIDE :



Article 1er : Le jugement n° 1105130 du 16 janvier 2014 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : La demande de M. C...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus de sa requête devant la cour sont rejetés.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Lyon.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme Michel, président assesseur,
Mme Gondouin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 février 2017.
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N° 15LY00460