CAA de MARSEILLE, 9ème chambre - formation à 3, 30/05/2017, 16MA04654, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision30 mai 2017
Num16MA04654
JuridictionMarseille
Formation9ème chambre - formation à 3
PresidentMme BUCCAFURRI
RapporteurM. Philippe PORTAIL
CommissaireM. ROUX
AvocatsBONNET

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, d'annuler la décision du 28 septembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de Montpellier a refusé de reconstituer sa carrière par l'attribution d'un congé maladie pour accident de service avec allocation d'un plein traitement et de condamner l'Etat à lui payer la somme de 46 746,71 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2011, en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'administration dans la gestion et la reconstitution de sa carrière et, d'autre part, d'enjoindre au recteur de procéder à cette reconstitution dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le recteur de l'académie de Montpellier l'a admis à la retraite à compter du 16 octobre 2010.

Par un jugement n° 1105258-1105865 du 27 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 septembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier en tant qu'elle refuse à M. C... l'attribution d'un congé maladie pour accident de service avec allocation d'un plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite le 16 octobre 2010, condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 13 036 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au demi-traitement non versé pour la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 et à la réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence ainsi qu'au paiement d'une somme, assortie des intérêts au taux légal, correspondant à la moitié de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE) dont il a été privé au cours de la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un arrêt n° 13MA04401 du 10 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête formée par M. C... contre ce jugement en tant qu'il ne fait que partiellement droit à ses conclusions.

Par une décision n° 393558 du 5 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi de M. C..., annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la Cour.



Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2013, et des mémoires, enregistrés les 7 avril 2015 et 23 février 2017, M. C..., représenté par Me D..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 27 septembre 2013 en tant qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté du 8 décembre 2011 le plaçant rétroactivement à la retraite et en tant qu'il limite le montant des indemnités réclamées ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 8 décembre 2011 par lequel le recteur de l'académie de Montpellier l'a admis à la retraite pour invalidité à compter du 16 octobre 2010 en raison de son incapacité définitive et absolue d'exercer ses fonctions, avec toutes conséquences de droit ;

3°) d'annuler la décision du recteur de l'académie de Montpellier en date du 28 septembre 2011 refusant de régulariser la situation statutaire de sa carrière, à compter du 16 octobre 2009 jusqu'à sa mise à la retraite, sans caractère rétroactif ;

4°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Montpellier de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte, et de procéder à la reconstitution, à compter du 16 octobre 2010, de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension de retraite avec toutes conséquences de droit ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser une somme globale et forfaitaire correspondant à la perte de traitement de 632 euros par mois jusqu'à la notification du nouvel arrêté le plaçant à la retraite pour invalidité, et, en tout état de cause, d'un montant minimum de 9 480 euros, somme à liquider et à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts légaux à compter du 6 septembre 2011, date de la réception de sa réclamation préalable ;

6°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme globale et forfaitaire correspondant à l'indemnité ISOE de 100 euros par mois jusqu'à la notification du nouvel arrêté le plaçant à la retraite pour invalidité, et, en tout état de cause, d'un montant minimum de 1 500 euros, somme à liquider et à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, assortie des intérêts légaux à compter du 6 septembre 2011, date de la réception de sa réclamation préalable ;

7°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme totale de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, assortie des intérêts légaux à compter du 6 septembre 2011 ;

8°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction dans ses motifs en estimant qu'il devait bénéficier d'un congé pour accident de service en application du 2ème alinéa de l'article 34-2° de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 mais que ce congé devait nécessairement s'interrompre au terme d'une seule année et en jugeant que le recteur était en situation de compétence liée pour le placer en retraite à effet du 16 octobre 2010 ;
- le placement à la retraite ne pouvant pas être rétroactif, il devait continuer à bénéficier de l'indemnité ISOE à taux plein ;
- le recteur devait procéder à la reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux et à pension de retraite à compter du 16 octobre 2010 ;
- l'arrêté du 8 décembre 2011 a été signé par une autorité incompétente, car la délégation produite était trop générale et imprécise, et a été consentie en méconnaissance des dispositions des articles D. 222-20 et suivants du code de l'éducation ;
- l'arrêté du 8 décembre 2011 ne pouvait pas être rétroactif puisqu'il pouvait bénéficier d'un congé pour maladie de service ;
- le recteur ayant fait droit à sa demande tendant à ce qu'un nouvel avis soit émis par la commission de réforme, il était tenu d'attendre ce nouvel avis avant de le placer en retraite pour invalidité ;
- il est fondé à demander la condamnation de l'Etat au paiement d'une somme compensant la perte de traitement au-delà du 16 octobre 2010, jusqu'à son placement effectif en retraite, déduction faite de la pension de retraite effectivement perçue à compter de cette date, soit une perte de 632 euros mensuels, jusqu'à la notification du nouvel arrêté le plaçant à la retraite pour invalidité, et au minimum 9 480 euros, correspondant à 15 mois d'octobre 2010 à décembre 2011 ;
- il peut prétendre également au versement de l'indemnité ISOE après le 16 octobre 2010, de 100 euros par mois, jusqu'à la notification du nouvel arrêté le plaçant à la retraite pour invalidité, et au minimum de 1 500 euros, correspondant à 15 mois d'octobre 2010 à décembre 2011 ;
- il a perdu le bénéfice de la prolongation de son congé de maladie pour accident de service à partir du 16 octobre 2009, alors qu'il pouvait y prétendre, et a, ainsi, subi des troubles dans ses conditions d'existence qui peuvent être évalués à 5 000 euros eu égard aux difficultés financières qu'il a alors rencontrées ;
- l'administration a tardé à saisir la commission de réforme, pour son placement en retraite et a ainsi commis une faute ;
- l'administration lui a également imposé plusieurs expertises psychiatriques, sans lien avec son accident de service, dans le but de le priver du bénéfice du régime de l'accident de service, et a commis à ce titre également une faute ;
- il en est résulté pour lui un préjudice moral qui doit être évalué à 5 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 janvier 2014 et 12 janvier 2015, la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.


Elle soutient que :
- le signataire de la décision plaçant M. C... en retraite justifie d'une délégation de signature ;
- l'intervention d'un nouvel avis de la commission de réforme, postérieurement à la décision plaçant M. C... en retraite pour invalidité, est sans influence sur la légalité de cette décision ;
- l'administration était tenue de placer M. C... en retraite à la date à laquelle il avait épuisé ses congés de maladie ;
- l'administration n'a pas commis de faute en plaçant M. C... en retraite à effet du 16 octobre 2010 ;
- le requérant ne justifie pas du préjudice moral dont il demande réparation.

Un mémoire, présenté par la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, a été enregistré le 16 mars 2017, et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de l'éducation ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Portail,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de M. C....

1. Considérant que M. E... C..., professeur de Lycée professionnel de classe normal, été victime le 18 octobre 2007 d'un accident de service alors qu'il occupait l'emploi de professeur de mécanique automobile au sein du Lycée professionnel Joan Miro de Perpignan ; que le recteur de l'académie de Montpellier l'a placé en congé pour accident de service à plein traitement jusqu'au 15 octobre 2009, puis en congé ordinaire de maladie, à plein traitement jusqu'au 15 janvier 2010, et à demi-traitement jusqu'au 15 octobre 2010 ; que, par une décision du 28 septembre 2011, le recteur a refusé la prise charge des congés de maladie de M. C... postérieurs au 15 octobre 2009 au titre d'une maladie imputable au service ; que, par une décision du 8 décembre 2011, le recteur de l'académie de Montpellier a admis M. C... à la retraite pour invalidité sur sa demande, en raison de son incapacité définitive et absolue à exercer ses fonctions, à compter du 16 octobre 2010 ; que M. C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler ces deux décisions, d'ordonner la reconstitution de sa carrière, et de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi de son fait ; que, par un jugement du 27 septembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 28 septembre 2011 du recteur en tant qu'elle refuse à M. C... l'attribution d'un congé maladie pour accident de service avec allocation d'un plein traitement jusqu'à sa mise à la retraite le 16 octobre 2010, condamné l'Etat à verser à M. C... la somme de 13 036 euros, assortie des intérêts au taux légal, correspondant au demi traitement non versé pour la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 et à la réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence ainsi qu'une somme, correspondant à la moitié de la part fixe de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, dont il a été privé au cours de la période du 16 janvier 2010 au 15 octobre 2010 ; que, par un arrêt n° 13MA04401 du 10 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté la requête formée par M. C... contre ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions ; que par une décision n° 393558 du 5 décembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a, sur pourvoi de M. C..., annulé, cet arrêt au motif que la Cour avait commis une erreur de droit en jugeant que l'administration était tenue, afin de régulariser sa situation, de le mettre rétroactivement à la retraite à compter du 16 octobre 2010, à l'issue d'un congé de maladie d'une durée de douze mois et renvoyé l'affaire devant la présente Cour ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Montpellier aurait entaché son jugement d'une contradiction de motifs alléguée par le requérant est sans influence sur la régularité du jugement attaqué ;

Sur la légalité de la décision du 8 décembre 2011 par laquelle le recteur de l'académie de Montpellier a admis M. C... à la retraite pour invalidité à effet du 16 octobre 2010 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. (...) " ; qu'aux termes de l'article 63 de la même loi : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. (...). Le reclassement (...) est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " ; qu'aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si cette dernière a été prononcée en application des 2° et 3° de l'article 34 de la même loi ou à la fin du congé qui lui a été accordé en application du 4° du même article. " ;


4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente d'exercer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emploi, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes ; que, s'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation ; qu'il appartient à l'autorité compétente de se prononcer sur la situation de l'intéressé au vu des avis émis par le comité compétent, sans être liée par ceux-ci ; qu'en l'absence de modification de la situation de l'agent, l'administration a l'obligation de le maintenir en congé de maladie avec plein traitement jusqu'à la reprise de service ou jusqu'à sa mise à la retraite, qui ne peut prendre effet rétroactivement ;


5. Considérant qu'il résulte du jugement du 27 septembre 2013 du tribunal administratif de Montpellier, devenu définitif sur ce point, et dès lors revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, et en particulier du motif de ce jugement qui constitue le soutien nécessaire de l'annulation prononcée, que les congés de maladie de M. C... postérieurs au 15 octobre 2009 étaient des congés de maladie pour accident de service à plein traitement, consécutifs à l'accident dont il a été victime le 18 octobre 2007 ; que, d'une part, le recteur de l'académie de Montpellier n'était pas tenu d'admettre l'intéressé à la retraite, puisque ses droits à congés de maladie pour accidents de service n'étaient pas épuisés ; que, d'autre part, en l'absence d'épuisement de ses droits à congé, cette mise à la retraite ne pouvait pas présenter de caractère rétroactif ;


6. Considérant, en deuxième lieu, que l'article D. 222-20 du code de l'éducation dispose : " Le recteur est autorisé à déléguer sa signature : a) Au secrétaire général de l'académie et, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à l'administrateur de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche chargé des fonctions d'adjoint au secrétaire général d'académie, et aux chefs de division du rectorat dans la limite de leurs attributions ; b) Aux inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale et, en cas d'absence ou d'empêchement de ceux-ci, aux inspecteurs d'académie adjoints et au secrétaire général de l'inspection académique ou au chef des services administratifs de l'inspection académique. Les inspecteurs d'académie, directeurs des services départementaux de l'éducation nationale, dans le cadre des délégations de pouvoir qui leur sont conférées, sont autorisés à déléguer leur signature : a) Aux inspecteurs d'académie adjoints et au secrétaire général de l'inspection académique ou au chef des services administratifs de l'inspection académique ; b) Aux inspecteurs de l'éducation nationale adjoints aux inspecteurs d'académie. Ces délégations fixent les actes et les corps des fonctionnaires auxquels elles s'appliquent. " ;


7. Considérant que l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel M. C... a été admis à la retraite à compter du 16 octobre 2010 a été signé de Mme F...J..., en vertu d'une délégation consentie par l'arrêté du 14 septembre 2011 du recteur de l'académie de Montpellier, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la région Languedoc-Roussillon ; qu'aux termes dudit arrêté : " Article I : En cas d'absence ou d'empêchement de M. I... G..., recteur de l'académie de Montpellier, délégation de signature est donnée à M. A... B...(...), directeur des ressources humaines, adjoint au secrétaire général de l'académie, et à M. K... H...(...)chargé des affaires générales et financières, adjoint au secrétaire général de l'académie. Article II : en cas d'absence ou d'empêchement de M. A... B...(...), directeur des ressources humaines, adjoint au secrétaire général de l'académie, et de M. K... H..., chargé des affaires générales et financières, adjoint au secrétaire général de l'académie, délégation est donnée, dans la limité de leurs attributions(...) à Mme F...J..., responsable du service commun des retraites, du chômage et de l'action sociale. " ;


8. Considérant que ces dispositions, qui se bornent à donner délégation de signature à Mme J... dans la limite de ses attributions, ne fixent pas les actes pour lesquels l'intéressée bénéficie d'une délégation de signature, ni les corps de fonctionnaires auxquels la délégation s'applique, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 222-20 du code de l'éducation ; que l'arrêté du 14 septembre 2011 est, dès lors, entaché d'illégalité ; que M. C... est donc fondé à soutenir que l'arrêté du 8 décembre 2011 a été pris par une autorité incompétente, à défaut pour son signataire de justifier d'une délégation régulière, et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;


9. Considérant, en troisième lieu, que l'article 27 du décret du 14 mars 1986 susvisé dispose : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir. Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu'à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d'admission à la retraite. " ;



10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, à la suite de l'avis rendu le 27 octobre 2011 par la commission de réforme, qui avait estimé que la pathologie dont souffre M. C..., différente de celle liée à son accident de service, le plaçait, à elle seule, dans l'incapacité d'exercer ses fonctions, le recteur de l'académie de Montpellier a, à la demande de M. C..., sollicité de cette commission le réexamen de la situation de l'intéressé ; que si le recteur de l'académie de Montpellier n'était pas tenu d'effectuer cette nouvelle consultation, il ne pouvait, toutefois, prendre de décision sur l'admission à la retraite du requérant avant que la commission de réforme n'ai rendu un nouvel avis dès lors qu'il avait accepté d'y procéder ; qu'en prononçant par l'arrêté contesté du 8 décembre 2011 l'admission à la retraite de M. C..., alors que la commission de réforme n'a rendu son nouvel avis que le 13 décembre 2011, le recteur de l'académie de Montpellier a méconnu les dispositions précitées du décret du 14 mars 1986 ;

11. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte ;

12. Considérant qu'en prenant une décision de mise à la retraite de M. C... alors que la commission de réforme saisie à nouveau n'avait pas rendu son nouvel avis, le recteur de l'académie de Montpellier a privé l'intéressé d'une garantie ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que le recteur a ainsi entaché sa décision d'illégalité ;

13. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit aux points 4 et 5, la décision admettant M. C... à la retraite ne pouvait pas présenter de caractère rétroactif ; que, dès lors, M. C... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée en tant qu'elle fixe au 16 octobre 2010 la date d'effet de son admission à la retraite ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2011 par lequel le recteur de l'académie de Montpellier l'a admis à la retraite à compter du 16 octobre 2010, et à demander l'annulation dudit arrêté ainsi que, dans cette mesure, du jugement attaqué du 27 septembre 2013 ;

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

Sur la faute :

15. Considérant qu'en prenant la décision illégale du 8 décembre 2011 admettant M. C... à la retraite, le recteur de l'académie de Montpellier a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'en revanche, il ne résulte pas de l'instruction que des erreurs fautives auraient été commises lors du traitement administratif de son dossier de retraite ; qu'en particulier, eu égard au syndrome dépressif aigu dont était affecté l'intéressé, la circonstance que l'administration lui a demandé de se soumettre à une étude psychiatrique pour déterminer les causes de son incapacité à reprendre ses fonctions ne révèle pas l'existence d'une faute de l'Etat ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne le préjudice matériel :

16. Considérant, d'une part, qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;

17. Considérant, d'autre part, que lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision l'admettant à la retraite, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière ;

18. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C..., qui devait bénéficier d'un congé de maladie pour accident de service, a été privé, du fait de son admission illégale à la retraite, de son plein traitement ; que, par ailleurs, l'intéressé perçoit depuis le 16 octobre 2010 une pension de retraite ; que, cependant, il résulte de l'instruction que la décision admettant l'intéressé à la retraite pour invalidité aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière à compter du 13 décembre 2011, date à laquelle la commission de réforme, à nouveau saisie par le recteur de l'académie de Montpellier, a émis un avis favorable à l'admission à la retraite de M. C... pour invalidité imputable au service ; que M. C... est, dès lors, seulement fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser une somme correspondant à la différence entre son plein traitement, majoré de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves, (ISOE), dont la ministre ne conteste pas que l'intéressé avait une chance sérieuse de bénéficier durant son congé de maladie, et sa pension de retraite, pour la période du 16 octobre 2010 au 13 décembre 2011 ;

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :

19. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. C... a été privé de la moitié de ses revenus du fait de son admission illégale à la retraite à compter du 16 octobre 2010 ; qu'il en est résulté pour lui des troubles dans les conditions d'existence, dont il sera fait une juste évaluation en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une indemnité de 5 000 euros ;


En ce qui concerne le préjudice moral :

20. Considérant que si M. C... allègue avoir subi un préjudice moral en raison des conditions dans lesquelles a été traité son dossier de mise à la retraite, il n'établit pas l'existence d'une faute de l'Etat à cet égard, ainsi qu'il a été dit au point 15 ; que ses conclusions aux fins d'indemnisation d'un tel préjudice ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;

21. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser, tous intérêts confondus, une somme correspondant à la différence entre son plein traitement, majoré de l'ISOE, et sa pension de retraite pour la période du 16 octobre 2010 au 13 décembre 2011, ainsi qu'une indemnité de 5 000 euros et la réformation, dans cette mesure, du jugement attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

22. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

23. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que le recteur de l'académie de Montpellier procède, à effet du 16 octobre 2010, à la reconstitution de la carrière de M. C..., et de ses droits sociaux et à pension de retraite ; que, par suite, il y a lieu d'enjoindre au recteur d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et de réformer, dans cette mesure, le jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :

Article 1er : L'arrêté du recteur de l'académie de Montpellier du 8 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C..., tous intérêts confondus, une indemnité de 5 000 euros.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. C..., tous intérêts confondus, une indemnité correspondant à la différence entre son plein traitement, majoré de l'ISOE, et sa pension de retraite pour la période du 16 octobre 2010 au 13 décembre 2011. L'intéressé est renvoyé devant le recteur de l'académie de Montpellier pour la liquidation de cette indemnité.
Article 4 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Montpellier de procéder, à effet du 16 octobre 2010, à la reconstitution de la carrière de M. C... et de ses droits sociaux et à pension de retraite dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er, 2, 3 et 4 du présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : L'Etat versera à M. C... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., au recteur de l'académie de Montpellier et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Délibéré après l'audience du 5 mai 2017, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Carassic, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 mai 2017.

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N° 16MA04654