Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 08/11/2017, 408329, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision08 novembre 2017
Num408329
Juridiction
Formation3ème - 8ème chambres réunies
RapporteurM. François Monteagle
CommissaireM. Vincent Daumas
AvocatsSCP FOUSSARD, FROGER ; SCP DE NERVO, POUPET

Vu la procédure suivante :

Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision du président du syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) du plateau d'Eu lui refusant de lui verser des allocations d'assurance chômage.

Par une ordonnance n° 1700155 du 6 février 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a fait droit à cette demande.

Par une ordonnance n° 17DA00317 du 21 février 2017, enregistrée le 23 février 2017 au secrétariat du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Douai a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 16 février 2017 au greffe de cette cour, présenté par le SIVOS du plateau d'Eu. Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 27 mars 2017, le SIVOS du plateau d'Eu demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 6 février 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de rejeter les conclusions présentées par Mme A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat du SIVOS du Plateau d'Eu et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de Mme B...A....




Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que Mme B...A..., fonctionnaire territoriale du syndicat intercommunal à vocation scolaire (SIVOS) du Plateau d'Eu titulaire d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie, a été licenciée pour inaptitude physique à compter du 1er février 2016. Le SIVOS demande l'annulation de l'ordonnance du 6 février 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a ordonné la suspension de la décision implicite par laquelle il a refusé de verser un revenu de remplacement à MmeA....

3. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale : " En vue de la détermination du montant de la pension, les invalides sont classés comme suit : 1°) invalides capables d'exercer une activité rémunérée ; 2°) invalides absolument incapables d'exercer une profession quelconque ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5411-5 du code du travail : " Les personnes invalides mentionnées aux 2° et 3° de l'article L. 341-4 du code de la sécurité sociale, bénéficiaires à ce titre d'un avantage social lié à une incapacité totale de travail, ne peuvent être inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi pendant la durée de leur incapacité. ". Aux termes de l'article L. 5424-1 du même code : " Ont droit à une allocation d'assurance dans les conditions prévues aux articles L. 5422- et L. 5422-3 : 1° Les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de l'Etat et de ses établissements publics administratifs, les agents titulaires des collectivités territoriales ainsi que les agents statutaires des autres établissements publics administratifs ainsi que les militaires ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5421-1 du même code : " En complément des mesures tendant à faciliter leur reclassement ou leur conversion, les travailleurs involontairement privés d'emploi (...) aptes au travail et recherchant un emploi, ont droit à un revenu de remplacement dans les conditions fixées au présent titre. ".

4. En jugeant qu'était, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée le moyen tiré de ce que le président du SIVOS du Plateau d'Eu avait, en refusant de verser un revenu de remplacement à Mme A..., méconnu les dispositions du code du travail, alors, d'une part, que l'intéressée se bornait à produire devant lui une attestation de Pôle emploi relative à son inscription sur la liste des demandeurs d'emploi, qui ne saurait constituer une preuve irréfragable établissant qu'était remplie la condition d'aptitude posée par les dispositions précitées de l'article L. 5421-1 du code du travail, et alors, d'autre part, que le SIVOS soutenait, sans être contredit, que Mme A...était titulaire d'une pension d'invalidité de deuxième catégorie et n'avait, en tout état de cause, pas fait vérifier son aptitude au travail par le médecin de main d'oeuvre, le juge des référés a commis une erreur de droit. Par suite, le SIVOS est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que l'unique moyen invoqué par Mme A... à l'appui de sa demande de suspension, tiré de ce que le président du SIVOS du plateau d'Eu a, en lui refusant le versement d'un revenu de remplacement, méconnu les dispositions du code du travail, ne paraît pas, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée. Par suite, l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen tendant à ce que soit ordonnée la suspension de la décision du président du SIVOS du plateau d'Eu lui refusant de lui verser des allocations d'assurance chômage doit être rejetée.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le SIVOS du plateau d'Eu au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du SIVOS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.




D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Rouen du 6 février 2017 est annulée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme A...devant le juge des référés du tribunal administratif de Rouen ainsi que ses conclusions présentées en cassation au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du syndicat intercommunal à vocation scolaire du plateau d'Eu est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au syndicat intercommunal à vocation scolaire du Plateau d'Eu.

ECLI:FR:CECHR:2017:408329.20171108