CAA de NANTES, 3ème chambre, 23/02/2018, 17NT02778, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision23 février 2018
Num17NT02778
JuridictionNantes
Formation3ème chambre
PresidentMme PERROT
RapporteurM. François LEMOINE
CommissaireM. GAUTHIER
AvocatsPLATEAUX

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 28 janvier 2015 de la directrice générale de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) refusant de lui reconnaître la qualité de combattant.

Par un jugement n° 1502284 du 5 juillet 2017 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 septembre 2017 M.A..., représenté par Me Plateaux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 juillet 2017 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler cette décision de la directrice générale de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre ;
3°) d'enjoindre à la directrice générale de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui délivrer une carte de combattant dans un délai de 2 mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 400 euros au titre de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la minute du jugement n'est pas signée, en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- l'article L. 253 bis du code des pensions militaires et des victimes de guerre est illégal et son application devra être écartée dès lors qu'il est contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel de cette même convention ; la carte du combattant constitue un bien au sens de ces stipulations ; la discrimination entre combattants est contraire à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le législateur a méconnu le principe de non-discrimination, lors de l'attribution d'un "bien" au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en conditionnant l'attribution de la carte du combattant, au profit des administrés ayant servi sous les drapeaux, au cours de la guerre d'Algérie, postérieurement à la date du 2 juillet 1962, à la démonstration d'un service effectif de plus de quatre mois, entamé avant cette date.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 novembre 2017 l'office national des anciens combattants et victimes de guerre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par M. A...n'est fondé.

Par une ordonnance n°17NT02778 QPC du 21 décembre 2017 la présidente de la 3ème chambre de la cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'État la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A...tirée de l'inconstitutionnalité des dispositions du huitième alinéa de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lemoine,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, avocat de M.A....


1. Considérant que M. A...relève appel du jugement du 5 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 28 janvier 2015 de la directrice générale de l'office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) refusant de lui reconnaître la qualité de combattant et de lui délivrer la carte correspondante ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative auraient été méconnues ;

Sur la légalité de la décision du 28 janvier 2015 :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ; que, selon ces stipulations, une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans sa rédaction applicable au litige : " Ont vocation à la qualité de combattant et à l'attribution de la carte du combattant, selon les principes retenus pour l'application du présent titre et des textes réglementaires qui le complètent, sous la seule réserve des adaptations qui pourraient être rendues nécessaires par le caractère spécifique de la guerre d'Algérie ou des combats en Tunisie et au Maroc entre le 1er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 : / Les militaires des armées françaises, / Les membres des forces supplétives françaises, / Les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, / qui ont pris part à des actions de feu ou de combat au cours de ces opérations. / Une commission d'experts, comportant notamment des représentants des intéressés, est chargée de déterminer les modalités selon lesquelles la qualité de combattant peut, en outre, être reconnue, par dérogation aux principes visés à l'alinéa précédent, aux personnes ayant pris part à cinq actions de feu ou de combat ou dont l'unité aura connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat. / Les adaptations visées au premier alinéa ci-dessus ainsi que les modalités d'application du présent article, et notamment les périodes à prendre en considération pour les différents théâtres d'opérations, seront fixées par décret en Conseil d'Etat ; un arrêté interministériel énumérera les catégories de formations constituant les forces supplétives françaises. / Une durée des services d'au moins quatre mois dans l'un ou l'autre ou dans plusieurs des pays mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat exigée au cinquième alinéa, y compris lorsque ces services se sont poursuivis au-delà du 2 juillet 1962 dès lors qu'ils n'ont connu aucune interruption " ; que ces dispositions ont pour objet d'attribuer, en témoignage de la reconnaissance de la République française, la carte du combattant aux militaires, aux membres des forces supplétives françaises et aux civils qui ont servi pendant la guerre d'Algérie ou les combats en Tunisie et au Maroc ; que le huitième alinéa de cet article, dans sa rédaction issue de l'article 109 de la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, a étendu le bénéfice de la carte du combattant aux militaires justifiant d'une durée des services d'au moins quatre mois en Algérie à condition que ces services aient débuté avant le 2 juillet 1962 et se soient poursuivis au-delà de cette date sans interruption ; qu'à cet égard, M. A..., qui a servi en qualité d'appelé du contingent du 23 juillet 1962 au 6 juillet 1963 en Algérie était dans une situation différente de celle prévue par l'article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre qui réserve la qualité de combattant aux militaires affecté en Algérie avant l'indépendance de ce pays, soit le 2 juillet 1962 ; que, quels que soient les risques auxquels M. A... a pu être exposé, il n'était pas placé dans une situation analogue à celle des militaires impliqués personnellement dans des opérations de guerre les exposant au sacrifice de leur vie ou de leur intégrité physique compte tenu de l'intensité des combats qui ont précédé l'indépendance de l'Algérie ; qu'ainsi, la différence de traitement instaurée par les dispositions en litige est fondée sur des justifications objectives et raisonnables en rapport avec les buts de la loi, au sens des stipulations rappelées ci-dessus de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions seraient contraires aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du protocole n°1 à cette convention ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et à l'office national des anciens combattants et victimes de guerre et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 8 février 2018 à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. Lemoine, premier conseiller,

Lu en audience publique le 23 février 2018.

Le rapporteur,




F. Lemoine
Le président,




I. Perrot Le greffier,




M. B...

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.



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N° 17NT02778