CAA de LYON, 6ème chambre - formation à 3, 26/07/2018, 16LY03972, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder le bénéfice de l'exonération du ticket modérateur ainsi que les dix titres de paiement mis à sa charge pour un montant total de 114 143 euros ou, à titre subsidiaire, de fixer à 114 143 euros la créance des Hospices civils de Lyon, de dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts et de lui accorder de plus larges délais pour s'acquitter de cette dette au moyen de versements de 200 euros par mois.
Par un jugement n° 1306332 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2016, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2016 ;
2°) à titre principal, d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder le bénéfice de l'exonération du ticket modérateur ainsi que les dix titres de paiement mis à sa charge pour un montant total de 114 143 euros ou, à titre subsidiaire, de fixer à la somme de 114 143 euros la créance des Hospices civils de Lyon et de dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts ;
4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le refus, par la décision attaquée, de lui accorder le bénéfice de l'exonération du ticket modérateur pour des soins effectués entre le 24 septembre et le 9 décembre 2009 méconnaît la décision du 21 janvier 2010 par laquelle le service médical de l'assurance maladie de Rhône Alpes lui a accordé le bénéfice d'une prise en charge à 100 % pour une période de six mois à compter du 24 septembre 2009.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2018, les Hospices civils de Lyon, représentés par leur directeur général, par MeA..., concluent au rejet de la requête et demandent à la cour de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils font valoir :
- que la requête est tardive ;
- qu'elle est mal dirigée ;
- que la créance est fondée, M. C...ne bénéficiant d'aucune couverture à la date à laquelle il a reçu des soins.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteur public.
1. Considérant que M.C..., ressortissant malgache, est entré régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un visa touristique délivré par les autorités polonaises le 10 septembre 2009 ; qu'il a été pris en charge dans différents établissements médicaux relevant des Hospices civils de Lyon entre le 21 septembre et le 9 décembre 2009 ; que le montant total de ses frais d'hospitalisation s'est élevé à 115 333 euros, somme que l'intéressé s'est engagé à payer le 21 septembre 2009 ; que, toutefois, M. C...a par la suite refusé de procéder au paiement des sommes dues ; que les Hospices civils de Lyon ont alors émis des titres de recettes les 19 octobre, 16 novembre, 21 décembre 2009 puis les 18 janvier, 3 février et 21 avril 2010, et enfin les 9 et 23 mai 2011 et le 18 juin 2012 ; que M. C...a procédé un paiement partiel des montants exigés à hauteur de 10 645,20 euros et a formé un recours gracieux auprès du directeur général des Hospices civils de Lyon afin de bénéficier de l'exonération du ticket modérateur ; que ce recours gracieux a été rejeté par une décision du 8 août 2013 ; qu'il a demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'annuler la décision du 8 août 2013 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon a refusé de lui accorder le bénéfice de l'exonération du ticket modérateur ainsi que les dix titres de paiement mis à sa charge pour un montant total de 114 143 euros ou, à titre subsidiaire, de fixer à 114 143 euros la créance des Hospices civils de Lyon, de dire qu'il n'y a pas lieu à paiement d'intérêts et de lui accorder de plus larges délais pour s'acquitter de cette dette au moyen de versements de 200 euros par mois ; que, par la présente requête, M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 27 septembre 2016 rejetant ses demandes ;
Sur les conclusions principales à fin de décharge de l'obligation de payer les frais liés à son hospitalisation :
2. Considérant que les titres de recettes émis à l'encontre de M. C...comprennent le forfait hospitalier, d'une part, et les frais d'hospitalisation à proprement parler, d'autre part ;
En ce qui concerne le forfait hospitalier :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 174-4 du code de la sécurité sociale : " Un forfait journalier est supporté par les personnes admises dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, à l'exclusion des établissements mentionnés à l'article L. 174-6 du présent code et au 6° du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles. Ce forfait n'est pas pris en charge par les régimes obligatoires de protection sociale, sauf dans le cas des enfants et adolescents handicapés hébergés dans des établissements d'éducation spéciale ou professionnelle, des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, des bénéficiaires de l'assurance maternité et des bénéficiaires de l'article L. 115 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que des donneurs d'éléments et produits du corps humain mentionnés à l'article L. 1211-2 du code de la santé publique. /(...) " ; que ces dispositions excluent de la prise en charge par les régimes obligatoires de protection sociale le forfait journalier correspondant à la participation financière du patient aux frais d'hébergement et d'entretien entraînés par son hospitalisation exception faite de certaines situations, dont il n'est pas soutenu qu'elles trouveraient à s'appliquer en l'espèce ; que, par suite, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Lyon, la circonstance, invoquée par M. C..., selon laquelle il aurait fait l'objet d'une prise en charge à 100 % par le service médical de l'assurance maladie de Rhône-Alpes à compter du 24 septembre 2009 est sans incidence sur la mise à sa charge des sommes correspondant au forfait hospitalier par les titres de recette en litige ;
En ce qui concerne les frais d'hospitalisation :
4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 160-1 du code de la sécurité sociale : " Toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé dans les conditions fixées au présent livre (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : (...) / 2° Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d'hébergement prévu à l'article L. 211-3, s'il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d'Etat relatifs, d'une part, à l'objet et aux conditions de son séjour et, d'autre part, s'il y a lieu, à ses moyens d'existence, à la prise en charge par un opérateur d'assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d'aide sociale, résultant de soins qu'il pourrait engager en France, ainsi qu'aux garanties de son rapatriement ( ...) ";
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale : " La participation de l'assuré mentionnée au premier alinéa de l'article L. 160-13 peut être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, dans les cas suivants (...) / 3° Lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 324-1 de ce code : " En cas d'affection de longue durée et en cas d'interruption de travail ou de soins continus supérieurs à une durée déterminée, le médecin traitant détermine le traitement que le bénéficiaire de l'assurance maladie doit suivre si les soins sont dispensés sans interruption ; la continuation du service des prestations est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire : /1° De se soumettre aux traitements et aux mesures de toute nature prescrits par le médecin traitant et, en cas de désaccord avec le service du contrôle médical, par un expert ; / 2° De se soumettre aux visites médicales et aux contrôles spéciaux organisés par la caisse ; : 3° De s'abstenir de toute activité non autorisée ; / 4° D'accomplir les exercices ou les travaux prescrits en vue de favoriser sa rééducation ou son reclassement professionnel. / En cas d'inobservation des obligations ci-dessus indiquées, la caisse peut suspendre, réduire ou supprimer le service des prestations. / Le médecin traitant, qu'il exerce en ville ou en établissement de santé, établit un protocole de soins. Ce protocole, périodiquement révisable, notamment en fonction de l'état de santé du patient et des avancées thérapeutiques, définit, compte tenu des recommandations établies par la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37, les actes et les prestations nécessités par le traitement de l'affection et pour lesquels la participation de l'assuré peut être limitée ou supprimée, en application des 3° et 4° de l'article L. 322-3. La durée du protocole est fixée compte tenu des recommandations de la Haute Autorité mentionnée à l'article L. 161-37. / Le protocole établi par le médecin traitant est adressé au service du contrôle médical, qui fait connaître son avis à la caisse d'assurance maladie dont relève l'assuré. A défaut d'observations transmises dans un délai fixé par voie réglementaire, l'avis est réputé favorable. Le directeur de l'organisme notifie à l'assuré la décision statuant sur la suppression ou la limitation de la participation de ce dernier. / Sauf en cas d'urgence, le patient ou son représentant légal est tenu de communiquer son protocole au médecin consulté pour bénéficier de la limitation ou de la suppression de sa participation. / Le médecin, qu'il exerce en ville ou en établissement de santé, est tenu de certifier, lors de l'établissement des documents nécessaires au remboursement ou à la prise en charge, qu'il a pris connaissance du protocole et de se conformer aux dispositions réglementant la limitation ou la suppression de la participation de l'assuré " ; qu'aux termes de l'article R. 324-1 du même code : " En l'absence de demande adressée par un médecin, tout assuré estimant pouvoir bénéficier de l'application de l'article L. 324-1 peut solliciter sa caisse à cet effet. La caisse invite le service du contrôle médical, après s'être rapproché du médecin traitant de l'assuré s'il en a un, à prendre toutes dispositions utiles en vue de lui transmettre un avis. / Le directeur de la caisse peut, si l'assuré est en cas d'interruption de travail ou de soins continus supérieurs à six mois, proposer au médecin conseil de se rapprocher du médecin traitant, qui décidera de la nécessité d'élaborer un protocole de soins (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 424-2 : " La décision intervenant en application de l'article L. 324-1 est prise par le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie, ou par le directeur de tout organisme assurant la prise en charge des frais de santé, après avis du service du contrôle médical (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M.C..., ressortissant malgache qui séjournait en France sous couvert d'un visa touristique au moment de son hospitalisation, n'avait pas la qualité d'assuré au sens des dispositions précitées de l'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale ; que si le courrier du service médical de l'assurance maladie de Rhône-Alpes du 21 janvier 2010 a reconnu son droit à bénéficier d'une exonération du ticket modérateur à compter du 24 septembre 2009 au regard de sa pathologie, sous réserve qu'il soit affilié au régime de base de l'assurance maladie obligatoire, il n'avait pas lui-même pour objet ou pour effet de lui ouvrir des droits au régime de base ; que M. C...n'ayant obtenu le bénéfice de l'aide médicale d'Etat qu'à compter du 10 décembre 2009, il n'est pas fondé à soutenir qu'il bénéficiait lors de ses multiples hospitalisations entre le 21 septembre et le 9 décembre 2009 d'une couverture par le régime d'assurance maladie ;
Sur les conclusions subsidiaires tendant à ce que la créance des Hospices civils de Lyon soit fixée à la somme de 114 143 euros et ne soit pas assortie des intérêts légaux :
7. Considérant que si le requérant demande que sa dette à l'égard de l'établissement hospitalier soit fixée à la somme de 114 143 euros, il n'appartient pas au juge administratif, après qu'il a rejeté les conclusions à fin de décharge ou de réduction de l'obligation de payer résultant de l'émission de titre de recettes, d'arrêter le montant de la créance dont dispose la personne publique à l'encontre de l'intéressé, alors au demeurant que les Hospices civils de Lyon font valoir sans être contredits qu'il demeure redevable de la somme de 104 687,80 euros ;
8. Considérant qu'il n'appartient pas davantage au juge administratif, saisi d'un litige relatif au bien-fondé de l'obligation de payer résultant de titres de recettes, d'exonérer l'intéressé du paiement des intérêts légaux susceptibles d'être mis à sa charge ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par les Hospices civils de Lyon que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ;
Sur les frais liés au litige :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...la somme que demandent les Hospices civils de Lyon au même titre ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les Hospices civils de Lyon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C...et aux Hospices civils de Lyon.
Délibéré après l'audience du 5 juillet 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Carrier, président-assesseur,
Mme Beytout, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 juillet 2018.
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