CAA de DOUAI, 3e chambre - formation à 3, 22/11/2018, 16DA01350, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 novembre 2018
Num16DA01350
JuridictionDouai
Formation3e chambre - formation à 3
PresidentM. Albertini
RapporteurM. Hervé Cassara
CommissaireM. Arruebo-Mannier
AvocatsNAVY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 21 juin 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de La Poste a refusé de reconnaître à sa chute survenue le 23 mai 2013 le caractère d'un accident de service.

Par un jugement n°1305068 du 24 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2016, M. C...F..., représenté par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de La Poste du 21 juin 2013 ;

3°) de mettre à la charge de La Poste la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,
- et les observations de Me B...E...représentant la société anonyme La Poste.


Considérant ce qui suit :

1. M. C...F...relève appel du jugement du 24 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 juin 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de la société anonyme La Poste (" La Poste ") a refusé de reconnaître à sa chute survenue le 23 mai 2013 le caractère d'un accident de service.

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".

3. M. F...soutient que, le 23 mai 2013, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans la plateforme industrielle du courrier du Nord pour prendre son service qui débutait à 14 h 30, il a fait une chute sur le parvis de cette plateforme vers 14 h, après avoir trébuché sur des dalles descellées de ce parvis, qu'il s'est, en conséquence de cette chute, blessé à la main droite, et qu'ainsi, cet accident doit être regardé comme imputable au service.

4. En premier lieu, il est constant que plusieurs dalles du parvis de la plateforme du courrier Nord étaient abîmées, ce qui a été attesté sur le registre du personnel le 6 mai 2013, et que des travaux de réfection étaient d'ailleurs programmés mais non encore réalisés à la date de l'accident, le 23 mai 2013. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si personne n'a été témoin de la chute de M. F..., ainsi qu'il le reconnaît lui-même, aucune personne ne l'a non plus vu entrer dans les locaux de la plateforme du courrier Nord, pas même les agents de sécurité, à supposer qu'ils aient été présents à cet instant au poste de sécurité à l'entrée de la plateforme comme La Poste l'affirme sans l'établir, aucune attestation de ces agents n'étant produite. En troisième lieu, si M. F... relate qu'il s'est écoulé environ trente minutes entre la chute et le moment où la douleur est devenue suffisamment aigue pour qu'il en avertisse son supérieur afin d'être autorisé à se rendre à l'infirmerie, il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces médicales produites par M.F..., qu'un tel délai, au demeurant bref, est compatible avec la survenance d'un oedème résultant d'une entorse du pouce à la suite d'une chute, sans même qu'il soit besoin de tenir compte de la circonstance, à la supposer établie, que M. F...aurait pris un traitement par antalgique de classe II le matin même de l'accident. En quatrième lieu, il est constant que l'infirmière de la plateforme Nord a suspecté une entorse sévère au pouce droit vers 15 h le 23 mai 2013, diagnostic qui sera confirmé vers 16 h 30, le même jour, par la clinique SOS mains à laquelle M. F... a été conduit, ce qui rend plausible la survenance d'une chute ayant entraîné ladite entorse peu de temps avant les premières constatations. Dès lors, eu égard aux circonstances particulières de temps et de lieu, et compte tenu de l'ensemble des pièces du dossier, l'entorse dont M. F... a été victime doit être regardée comme résultant d'une chute survenue sur le parvis de la plateforme du courrier Nord vers 14 h, le 24 mai 2013, ainsi qu'il le soutient. Par suite, cet accident est survenu à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, au sens des dispositions du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 citées au point 2.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, M. F...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 21 juin 2013 par laquelle la directrice des ressources humaines de La Poste a refusé de reconnaître à sa chute survenue le 23 mai 2013 le caractère d'un accident de service. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.F..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que La Poste demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de La Poste une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. F... et non compris dans les dépens.



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du 24 mai 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La décision du 21 juin 2013 de la directrice des ressources humaines de La Poste est annulée.

Article 3 : La Poste versera une somme de 1 500 euros à M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de La Poste présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F...et à la société anonyme La Poste.


N°16DA001350 2