CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 12/12/2018, 16BX03817, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision12 décembre 2018
Num16BX03817
JuridictionBordeaux
Formation6ème chambre - formation à 3
PresidentM. LARROUMEC
RapporteurM. Axel BASSET
CommissaireMme MOLINA-ANDREO
AvocatsAMIEL VALERIE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...F...épouse D...E...a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la commune de Tarascon-sur-Ariège à lui verser une somme qu'elle a chiffré à 93 069,15 euros dans le dernier état de ses écritures, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de l'accident de service dont elle a été victime le 23 juin 2009.

Par un jugement n° 1305685 du 25 octobre 2016, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Tarascon-sur-Ariège à lui verser la somme de 60 623,70 euros en réparation de préjudice ainsi que la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 1er décembre 2016 et 20 mars 2017, la commune de Tarascon-sur-Ariège, représentée par la Scp Goguyer Lalande et Degioanni, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de débouter Mme A...F...de l'ensemble de ses demandes ;

3°) " de dire et juger n'y avoir lieu à application à 1'encontre de la commune de Tarascon-sur-Ariège des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ".

Elle soutient que :
- s'agissant de la responsabilité, il est pour le moins surprenant que, pour reconnaître l'existence d'une faute de la commune, le tribunal administratif ait estimé connaître les circonstances exactes de l'accident de l'intéressée alors que ces dernières sont demeurées floues tout le long de l'instruction du dossier, Mme F...ayant changé de version à plusieurs reprises, indiquant tantôt avoir été heurtée par l'échelle qui aurait chuté puis, dans un second temps, que l'échelle se trouvait au sol, de sorte qu'il est impossible de déterminer comment son accident a eu lieu ;
- à cet égard, l'attestation de M.C..., qui n'était d'ailleurs pas l'ancien responsable technique du centre culturel de la commune mais agent technique, se borne à indiquer que l'échelle était souvent retirée des coulisses et placée dans le hall principal afin de libérer de la place pour les artistes en représentation, ce qui confirme que l'échelle était toujours rangée dans les coulisses pour des raisons de sécurité, de sorte que Mme F...ne peut en déduire que l'échelle était laissée à l'abandon ou affectée d'un quelconque vice ;
- en réalité, diverses hypothèses peuvent être envisagées et, tout particulièrement, une mauvaise manipulation de l'échelle par l'agent, voire un manque de prudence ou d'attention de sa part, ce fait de la victime devant être pris en considération afin de limiter ou exclure la responsabilité de la commune ;
- s'agissant du lien de causalité entre l'accident de service et les préjudices dont l'intéressée fait état, le rapport de l'expert souligne, d'une part, que ce n'est qu'à la suite de l'intervention chirurgicale du 17 février 2010 que des complications sont apparues, consistant en une algodystrophie ainsi que des phénomènes douloureux neuropathiques et, d'autre part, que le problème à la marche rencontré par l'intéressée a été majoré depuis un accident survenu chez son dentiste, à l'origine d'une entorse interne remontant à la fin du mois de novembre 2012 ;
- or, conformément à la théorie de la causalité adéquate, seules les conséquences normales et directes de l'acte fautif de la commune, au demeurant non établi, peuvent être mises à sa charge ;
- à titre subsidiaire, si la cour devait entraîner en voie de condamnation, les prétentions indemnitaires de l'intéressée devront être réduites ;
- en effet, à la suite de l'accident, l'intéressée a continué de percevoir la prime de fin d'année, versée en deux fois (juin/novembre) ainsi que l'indemnité d'exercice de mission, jusqu'à son départ à la retraite depuis le 1er septembre 2016, de sorte que le tribunal ne pouvait prononcer aucune condamnation à ce titre, et ce jusqu'en 2022, date prévisible de son départ à la retraite ;
- il convient de préciser sur ce point que, contrairement à ce que fait valoir l'agent, le montant de la prime de fin d'année n'est pas de 720 euros mais de 432,36 euros, ainsi que cela ressort de ses bulletins de salaire, soit une somme totale de 2 594,16 euros sur une période de six ans ;
- de même, le montant dû au titre de l'indemnité d'exercice des missions ne saurait excéder 8 872,24 euros, à calculer sur la base d'une moyenne mensuelle de 116,74 euros ;
- en l'absence de faute de la collectivité, les seuls postes de préjudice indemnisables sont ceux relatifs aux souffrances physiques et morales, au préjudice esthétique et au préjudice d'agrément, qui ont été chiffrés par l'expert et pour lesquels la commune entend s'en remettre à la sagesse de la cour en ce qui concerne leur évaluation ;
- il convient de relever toutefois qu'en l'absence de preuve de l'existence d'un préjudice d'agrément et d'un préjudice sexuel, Mme F...a seulement droit à la réparation des souffrances endurées et du préjudice esthétique, qui devra donner lieu à un partage de responsabilité dès lors que l'intéressée, employée depuis 2001 en qualité d'agent d'entretien, ne pouvait ignorer la présence de l'échelle à son emplacement habituel et a donc concouru à la réalisation de l'accident et de son propre dommage ;
- les nouvelles demandes présentées par l'intéressée, tendant au paiement des sommes de 87 697,16 euros et 33 672 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, sont irrecevables dès lors que, conformément à la règle suivant laquelle il n'est dévolu qu'autant qu'il a été jugé en premier ressort, le chiffrage de l'indemnité ne peut pas être majoré en appel ;
- à cet égard, l'arrêt du Conseil d'Etat n° 278905, du 31 mai 2007, Herbeth, dont Mme F... se prévaut, rappelle qu'une des conditions de recevabilité d'une demande d'indemnisation de nouveaux chefs de préjudice réside dans le fait que les prétentions de la victime demeurent...,15 euros tous préjudices confondus, demande désormais en plus la somme de 131 369,16 euros au titre de la perte de gains professionnels ;
- d'ailleurs, une telle demande indemnitaire est d'autant plus irrecevable que l'intéressée ayant été mise à la retraite à compter du 1er septembre 2016, elle pouvait en faire état devant les premiers juges, sachant qu'elle n'avait jamais procédé auparavant au chiffrage d'un tel poste de préjudice ;
- la demande de remboursement de frais de taxi, à hauteur de 241 euros, devra être rejetée, dès lors qu'outre le fait que rien n'établit que l'intéressée en ait obtenu le remboursement par sa mutuelle, le transport en taxi ne s'avérait peut être pas nécessaire, étant donné qu'elle aurait pu se faire conduire à cette expertise par un proche.



Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 1er mars et 10 avril 2017, MmeF..., représentée par MeB..., conclut à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et à ce que la commune de Tarascon-sur-Ariège soit condamnée à lui verser une somme totale de 218 396,51 euros ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle fait valoir que :
- ainsi que l'a relevé le tribunal, la responsabilité pour faute de la commune doit être reconnue dans la survenance de l'accident, dès lors qu'elle avait alerté la mairie depuis 2004 sur le manque d'entretien et de sécurité des locaux dans lesquels elle travaillait et qu'en l'espèce, l'échelle qui a chuté sur elle alors qu'elle exerçait ses missions, provoquant un traumatisme de sa rotule droite, avait été laissée à l'abandon dans le hall d'entrée des locaux en dépit de sa dangerosité ;
- contrairement à ce que persiste à soutenir la commune, son problème de marche n'a pas été majoré depuis un accident chez le dentiste mais résulte uniquement de l'accident du travail dont elle a été victime ;
- s'agissant du préjudice, elle endure des souffrances importantes et chroniques depuis 2009, tant sur un plan physique que psychologique, décrites dans les différents rapports d'expertise, se déplace difficilement et fréquemment avec des cannes anglaises, et ne peut plus conduire, jardiner et se déplacer, ni s'occuper de ses petits-enfants ou rester assise plus de vingt minutes ;
- dès lors, elle est en droit de demander une juste indemnisation de son préjudice corporel et, notamment, les frais de santé restés à sa charge à ce jour (360,50 euros), la perte de la prime de fin d'année (5 040 euros) et de l'indemnité d'exercice des missions (9 477,20 euros) qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à son départ à la retraite prévu en 2022, les dépenses liées à la perte d'autonomie (15 000 euros), qui doit se faire au regard de la justification des besoins et non au regard de la justification de la dépense, les frais constitués par les honoraires de son médecin-conseil qu'elle a dû consulter à trois reprises (4 743,20 euros) ainsi que les frais de transport en taxi pour l'expertise médicale judiciaire du 18 juin 2014 (241 euros) ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle a droit au paiement de la somme de 10 908,65 euros au titre des frais de logement adapté, dès lors qu'elle ne peut plus dormir avec son époux du fait de ses insomnies récurrentes résultant des douleurs chroniques, ce qui les a conduit à transformer le garage en chambre à coucher ;
- au titre du pretium doloris, son préjudice peut être estimé à 10 000 euros dans la mesure où l'expert judiciaire a évalué ses souffrances à 4 sur une échelle de 1 à 7, au regard de ses douleurs profondes et du fait qu'elle marche avec une boiterie importante ;
- elle sollicite également la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, la somme de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent, évalué à 2/7 et la somme de 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément, dès lors qu'elle ne peut plus pratiquer certaines activités comme le vélo, la randonnée, l'aquagym et l'ULM ;
- au titre du préjudice sexuel et dans la mesure où elle ne peut plus dormir avec son mari, elle a droit à la somme de 5 000 euros ;
- son préjudice moral peut être évalué à la somme de 20 000 euros, ayant développé un état dépressif important confirmé par l'expert ;
- au titre de la perte de gains professionnels futurs, elle sollicite désormais la somme totale de 121 369,16 euros correspondant, d'une part, aux revenus qu'elle n'a pu percevoir du fait de sa mise à la retraite pour invalidité sachant qu'elle ne perçoit plus qu'une pension brute de 344 euros (87 697,16 euros) et, d'autre part, la différence entre le montant de la retraite qu'elle aurait dû percevoir jusqu'à son décès, si elle avait pu prendre sa retraite à 62 ans et le montant de la retraite qu'elle perçoit actuellement (33 672 euros).


Par un mémoire enregistré le 6 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Ariège, dûment mise en cause, a informé la cour de ce qu'elle n'avait pas de créance à faire valoir.
Par ordonnance du 1er juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 juin 2018.



Vu les autres pièces du dossier.



Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.



Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Axel Basset,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant Mme D...-E....



Considérant ce qui suit :

1. Le 23 juin 2009, Mme A...F...épouse D...E..., fonctionnaire titulaire du grade d'adjoint technique principal de 2ème classe employée depuis 2000 par la commune de Tarascon-sur-Ariège en qualité d'agent d'entretien, a été victime d'un accident alors qu'elle effectuait le ménage dans les locaux du centre multimédia de la commune, à l'origine d'un traumatisme important de son genou droit, compliqué par la suite par une algodystrophie et des douleurs neuropathiques. Placée en arrêt de travail de manière continue depuis cette date, l'intéressée a fait l'objet d'un suivi psychologique et psychiatrique à compter d'octobre 2012 puis a été déclarée inapte de manière totale et définitive à son poste ainsi qu'à toutes fonctions par la commission de réforme, réunie le 6 juin 2013. Après avoir adressé à la commune de Tarascon-sur-Ariège une réclamation du 12 décembre 2013 tendant à la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de la survenance de cet accident, qui a été implicitement rejetée, Mme F...a saisi le tribunal administratif de Toulouse aux fins d'obtenir la condamnation de la collectivité territoriale à lui verser une somme chiffrée à 93 069,15 euros dans le dernier état de ses écritures. Saisi concomitamment par l'intéressée, le juge des référés de ce tribunal a ordonné, le 6 février 2014, une expertise médicale, au terme de laquelle l'expert a rendu son rapport le 18 juillet 2014. La commune de Tarascon-sur-Ariège relève appel du jugement du 25 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à Mme F... la somme de 60 623,70 euros. MmeF..., placée à la retraite pour invalidité depuis le 1er septembre 2016 par arrêté du 10 août précédent, demande, par la voie de l'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Tarascon-sur-Ariège :

2. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou le soient pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges, sauf à ce que le dommage se soit aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

3. Il ressort de l'examen du dossier de première instance que le montant total de l'indemnisation sollicitée devant le tribunal administratif de Toulouse par Mme F...s'élevait à 93 069,15 euros et que l'intéressée n'a pas invoqué le chef de préjudice correspondant à la perte de gains professionnels futurs liée à sa mise à la retraite pour invalidité consécutive à son accident de service. Si ce nouveau chef de préjudice, que Mme F... chiffre en appel à la somme de 121 369,16 euros, se rapporte au même fait générateur que ses autres réclamations indemnitaires, les conclusions de l'intéressée, présentées pour la première fois en appel et tendant à l'indemnisation de celui-ci, ont pour effet, dès lors que l'intimée n'a pas réduit devant la cour le montant de ses autres demandes, de porter à 218 396,51 euros le montant de l'indemnisation totale sollicitée, excédant le quantum total indiqué en première instance. En outre, Mme F... ayant été mise à la retraite pour invalidité à compter du 1er septembre 2016, soit avant l'audience publique fixée par le tribunal le 4 octobre 2016, il lui était loisible de faire état devant les premiers juges de ce chef de préjudice, lequel ne peut, dès lors, être regardé comme étant apparu postérieurement au jugement contesté. Il s'ensuit qu'ainsi que le fait valoir à juste titre la commune de Tarascon-sur-Ariège, les conclusions de Mme F..., présentées pour la première fois en appel, et tendant au paiement de la somme de 121 369,16 euros, ne sont pas recevables et doivent être rejetées.


Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'étendue du droit à réparation de MmeF... :

4. Les dispositions précitées des articles L. 27 et L. 28 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente viagère d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle. Les dispositions instituant ces prestations, si elles déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les fonctionnaires concernés peuvent prétendre, au titre de ces chefs de préjudice, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions, ne font en revanche obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui subit, du fait de l'invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d'une autre nature, tels que les dépenses de santé restées à sa charge ou les frais divers liés à l'invalidité, ou des préjudices personnels, et notamment des souffrances physiques ou morales ainsi que des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de la personne publique qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager sa responsabilité. Compte tenu des conditions posées à son octroi et de son mode de calcul, la rente viagère d'invalidité et l'allocation temporaire d'invalidité doivent être regardées comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité physique causée par un accident de service ou une maladie professionnelle.

5. En premier lieu, pour solliciter la réparation intégrale du préjudice qu'elle estime avoir subi consécutivement à son accident du 23 juin 2009, Mme F...s'est prévalue devant les premiers juges de ce qu'elle avait été heurtée ce jour-là au genou droit par une échelle entreposée dans le hall d'accueil du centre multimédia de la commune de Tarascon-sur-Ariège. Toutefois, l'intéressée, qui a d'ailleurs indiqué de manière contradictoire, da ns un premier temps, que l'échelle en cause était tombée sur elle puis, dans un second temps, que ladite échelle se trouvait posée à même le sol, ne fournit, par ses seules allégations, pas d'élément factuel suffisamment probant de nature à établir les circonstances précises dans lesquelles l'accident dont elle a été victime est intervenu. A cet égard, ni la fiche individuelle de notation de Mme F... établie au titre de l'année 2004, d'ailleurs antérieure de quatre ans et demi aux faits litigieux et dans laquelle l'intéressée avait seulement déploré que le bâtiment de la régie culturelle ne soit pas assez sécurisé à défaut de mise en place d'une alarme et de la fermeture systématique de la porte, ni le formulaire de rapport hiérarchique d'accident de service de la CNRACL établi par l'intéressée et le maire le 6 juillet 2009, qui mentionne seulement " la chute d'une échelle sur le genou droit de l'agent ", ni l'attestation établie le 30 avril 2014 par un ancien agent technique du centre culturel, qui se borne à relever que l'échelle en cause, habituellement entreposée derrière les tentures des coulisses en vue d'éviter toute gêne et tout accident aux artistes en représentation, est souvent retirée des coulisses et placée dans le hall principal, ne suffisent pas à établir que l'accident du 23 juin 2009 serait imputable à une carence de la collectivité territoriale à assurer la protection de ses agents et, partant, se rattacherait à un comportement fautif de nature à engager sa responsabilité. Dans ces conditions, Mme F...est seulement fondée, en l'absence de faute de la commune appelante, à demander la réparation de ses préjudices personnels et des préjudices patrimoniaux d'une autre nature que ceux couverts par une rente viagère ou une allocation temporaire d'invalidité. Dès lors, c'est à tort que le tribunal a condamné la commune à verser à son agent la somme de 19 440 euros à titre de remboursement de la prime de fin d'année et de l'indemnité d'exercice des missions, lesquelles, au demeurant, avaient été intégralement versées chaque mois à Mme F...par la commune jusqu'à son départ à la retraite, le 1er septembre 2016.

6. En second lieu, il ne résulte pas de l'instruction qu'ainsi que la soutient la commune de Tarascon-sur-Ariège, Mme F...aurait elle-même adopté le jour des faits litigieux un comportement imprudent de nature à exonérer la collectivité territoriale, fût-ce de manière partielle, de sa responsabilité.



En ce qui concerne l'évaluation des préjudices de Mme F...:

S'agissant des préjudices patrimoniaux d'une autre nature :

7. En premier lieu, Mme F...a sollicité devant le tribunal administratif, au titre des frais liés aux dépenses de santé restées à sa charge et à son invalidité, d'une part, la somme de 15 000 euros, incluant, selon ses propres indications chiffrées fournies dans ses écritures de première instance, les honoraires de son médecin conseil (4 743,20 euros) et, d'autre part, la somme de 360,50 euros. La commune appelante ne conteste ni l'existence ni le quantum de ces deux chefs de préjudice. Dès lors, il y a lieu de mettre à sa charge la somme totale de 15 360,50 euros.

8. En second lieu, en revanche, si Mme F...demande la condamnation de la collectivité territoriale à lui rembourser la somme de 10 908,65 au titre des frais d'aménagement de son garage et, pour la première fois en appel, la somme de 241 euros au titre des frais de déplacement en taxi, elle ne démontre pas que son accident du 23 juin 2009 aurait rendu nécessaires de telles dépenses. Dès lors, ces réclamations indemnitaires doivent être rejetées.


S'agissant des préjudices personnels :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, que Mme F...souffre, depuis son accident de service du 23 juin 2009, d'une boiterie importante la conduisant à se déplacer souvent à l'aide de cannes et que ses séquelles physiques, qui lui occasionnent des douleurs, notamment à la marche, ont conduit à l'apparition d'un état dépressif majeur venant interférer avec la focalisation des souffrances décrites sur l'articulation de son genou droit, en considération desquelles l'expert a chiffré à 4 sur une échelle de 1 à 7 le préjudice lié aux souffrances endurées. En outre, ce même rapport relève que l'intéressée a subi un préjudice esthétique temporaire et permanent évalué par l'expert à 2 sur une échelle de 1 à 7. En reproduisant, dans sa quasi-totalité, ses écritures de première instance, Mme F...n'établit ni même n'allègue qu'en lui allouant les sommes de 6 000 euros et 2 000 euros à ce titre, les premiers juges auraient fait une appréciation insuffisante de ces deux chefs de préjudice.

10. En deuxième lieu, le préjudice d'agrément vise à indemniser l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. Il résulte sur ce point de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal administratif, ainsi que plusieurs attestations de proches, que Mme F...ne peut plus, depuis son accident du 23 juin 2009, pratiquer diverses activités comme le vélo, les randonnées ainsi que l'ULM. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la commune appelante, l'existence de ce chef de préjudice est suffisamment établie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de ce que Mme F...a subi par ailleurs des complications médicales consécutivement à une intervention chirurgicale le 17 février 2010 (arthroscopie) et un accident chez son dentiste en novembre 2012, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément de l'intéressée résultant de son accident du 23 juin 2009 en lui accordant une indemnité de 2 000 euros, que la commune de Tarascon-sur-Ariège devra être condamnée à lui verser.

11. En troisième lieu, en se bornant à faire état de ce qu'elle ne peut plus dormir avec son mari la nuit en raison des douleurs dont elle souffre, Mme F...n'établit pas avoir subi, consécutivement à son accident de service du 23 juin 2009, un préjudice sexuel, que l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ne mentionne d'ailleurs pas dans son rapport définitif du 18 juillet 2014. Dès lors, et contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, elle n'est pas fondée à obtenir une quelconque indemnité à ce titre.

12. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui a déjà été au point 9 que, pour fixer à 4 sur une échelle de 1 à 7 le préjudice lié aux souffrances endurées par Mme F..., l'expert désigné par le président du tribunal administratif a tenu compte de ce qu'elle souffrait d'un état dépressif majeur venant interférer avec la focalisation des souffrances physiques. En se bornant à faire état, en des termes non circonstanciés, de l'existence de cet état dépressif, l'intimée n'établit pas avoir subi un préjudice moral distinct des souffrances psychiatriques précédemment réparées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par Mme F... consécutivement à son accident de service du 23 juin 2009 doivent seulement être évalués à la somme totale de 25 365,50 euros (soit 2 000 euros + 6 000 euros + 2 000 euros + 15 000 euros + 360,50 euros). Dès lors, la commune de Tarascon-sur-Ariège est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse l'a condamnée à verser à Mme F...la somme globale de 60 623,70 euros et à demander la réformation du jugement dans cette mesure. Par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de Mme F...ne peuvent être accueillies.


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Tarascon-sur-Ariège, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à verser à Mme F... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F...la somme que la commune appelante demande sur le fondement de ces mêmes dispositions.








DECIDE :



Article 1er : La somme de 60 623,70 euros que la commune de Tarascon-sur-Ariège a été condamnée à verser à Mme F...en réparation des préjudices résultant de son accident de service du 23 juin 2009 est réduite à 25 365,50 euros.
Article 2 : Le jugement n° 1305685 du 25 octobre 2016 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Les conclusions d'appel de Mme F...sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Tarascon-sur-Ariège et Mme A...F...épouse D...E.... Copie en sera transmise au préfet de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Pierre Bentolila, président assesseur,
M. Axel Basset, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2018.

Le rapporteur,
Axel BassetLe président,
Pierre LarroumecLe greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au préfet de l'Ariège et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
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N° 16BX03817