Conseil d'État, 2ème chambre, 24/07/2019, 419265, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision24 juillet 2019
Num419265
Juridiction
Formation2ème chambre
RapporteurM. François Weil
CommissaireM. Guillaume Odinet
AvocatsCARBONNIER

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 21 janvier 2013 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître droit à pension pour infirmité de chondropathie fémoro-tibiale du genou droit. Par un jugement n° 13/000154 du 8 avril 2016, le tribunal des pensions lui a accordé une pension au taux global de 15 %.

Par un arrêt n° 16/00002 du 22 janvier 2018, la cour régionale des pensions de Nîmes a, sur appel de la ministre des armées, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 juillet et 23 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de renvoyer l'affaire devant une cour régionale des pensions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 600 euros à verser à Me Carbonnier, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

-les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Carbonnier, avocat de M. B...;





Considérant ce qui suit :

1. Au nombre des règles générales de procédure que les juridictions des pensions sont tenues de respecter figure celle selon laquelle leurs décisions doivent mentionner les textes dont elles font application.

2. Pour juger que la preuve de l'imputabilité au service des infirmités dont se plaint M. B...n'était pas rapportée, la cour régionale des pensions de Nîmes s'est nécessairement fondée sur les dispositions, alors en vigueur, de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, aux termes desquelles : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) " et sur celles de l'article L. 3 du même code, aux termes desquelles : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : [...] 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". L'arrêt attaqué ne faisant mention de ces textes ni dans ses visas ni dans ses motifs, M. B...est fondé à soutenir qu'il est entaché d'irrégularité. Par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens du pourvoi, M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 2 et L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans leur rédaction applicable au litige, que le demandeur d'une pension, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité au service, doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

5. Pour rattacher au service l'infection dont il souffre, M. B...fait valoir qu'il a été victime le 7 janvier 1995 d'un accident dans le cadre d'un parcours du combattant, ayant donné lieu à une intervention chirurgicale le 9 février 1995 à l'hôpital militaire de Châlons-en-Champagne. Toutefois, si son livret médical fait mention, à la date du 8 février 1995, de son hospitalisation, ni ce document, ni aucun document médical avancé par M. B...ne renseigne sur l'épisode factuel ayant conduit à cette opération. En outre, si le rapport d'expertise médicale du 14 décembre 2015 conclut que l'infirmité dont se plaint M. B...est partiellement imputable à l'accident du 7 janvier 1995 et à l'acte chirurgical réalisé le 9 février 1995, il résulte des termes mêmes dudit rapport que celui-ci se borne à transcrire les déclarations de l'intéressé s'agissant des circonstances de l'accident dont il se dit avoir été victime. Enfin, la circonstance que l'intéressé ait été opéré dans un établissement hospitalier militaire n'est pas de la nature à démontrer que la blessure est intervenue suite à un accident de service. Dans ces conditions, la preuve de l'imputabilité de l'affection pour laquelle a été formée la demande de pension à un fait précis ou à des circonstances particulières de service, comme l'exige l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, n'est pas rapportée.

6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Nîmes a accordé à M. B... une pension au taux global de 15 % pour " chondropathie fémoro-tibiale du genou droit ".

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'arrêt du 22 janvier 2018 de la cour régionale des pensions de Nîmes et le jugement du 8 avril 2016 du tribunal des pensions de Nîmes sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le tribunal des pensions de Nîmes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la ministre des armées.



ECLI:FR:CECHS:2019:419265.20190724