CAA de NANTES, 6ème chambre, 01/10/2019, 18NT00605, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision01 octobre 2019
Num18NT00605
JuridictionNantes
Formation6ème chambre
PresidentM. LENOIR
RapporteurM. Olivier COIFFET
CommissaireM. LEMOINE
AvocatsCABINET ROLLAND MAIRE GOURDIN ET ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, la décision par laquelle le directeur de DCN Services a implicitement rejeté sa demande formée le 8 juin 2016 tendant à l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante et, d'autre part, la décision par laquelle le ministre de la défense a implicitement rejeté sa demande formée le 17 février 2017 tendant à l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante.

Par un jugement nos 1604066, 1702425 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2018 M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant l'annulation de la décision implicite de rejet opposé par le ministre de la défense ;

2°) d'annuler cette décision ;
3°) d'enjoindre à l'Etat, à titre principal, de faire droit à sa demande d'ASCAA avec effet au 1er novembre 2016, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, le tout dans le délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif, qui a ajouté aux conditions prévues par les textes, a rejeté sa demande au motif qu'il n'était plus fonctionnaire à la date de sa demande d'allocation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018 la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 98-1194 modifiée du 23 décembre 1998 ;
- la loi n°2003-1312 du 30 décembre 2003 ;
- le décret n° 2006-418 du 6 avril 2006 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de M. B....


Considérant ce qui suit :

1. M. B..., après avoir été employé, du 18 juin 1979 au 30 septembre 1997, en tant qu'ouvrier de l'Etat au sein des ateliers de DCN Services de Lorient et d'Indret, a été affecté, en tant que fonctionnaire de l'Etat, à la base aéronavale de Lann Bihoué. Il a, le 1er septembre 2013, démissionné de ses fonctions dans le cadre d'un plan de restructuration du ministère de la défense et a été rayé des contrôles à cette date. M. B... a demandé, à DCN Services, le 8 juin 2016, et au ministre de la défense, le 17 février 2017, le bénéfice de l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante. L'intéressé s'est vu opposer deux décisions implicites de rejet. Il relève appel du jugement du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Rennes en tant seulement que cette juridiction a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite opposé par le ministre de la défense.
Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 96 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificatives pour 2003 : " Les fonctionnaires et les agents non titulaires exerçant ou ayant exercé certaines fonctions dans des établissements ou parties d'établissement de construction ou de réparation navales du ministère de la défense pendant les périodes au cours desquelles y étaient traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, ainsi que les fonctionnaires et agents non titulaires relevant du ministère de la défense reconnus atteints de certaines maladies professionnelles provoquées par l'amiante, peuvent demander à bénéficier d'une cessation anticipée d'activité et percevoir à ce titre une allocation spécifique qui peut se cumuler avec une pension militaire de retraite et une allocation temporaire d'invalidité. ". Aux termes de l'article 1erdu décret susvisé du 6 avril 2006 pris pour son application : "Une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité est versée, sur leur demande, aux fonctionnaires et agents non titulaires relevant du ministère de la défense qui sont ou ont été employés dans des établissements ou parties d'établissement de construction ou de réparation navales de ce ministère, sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes (...) ". Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de ce dispositif est subordonné à la double condition que le salarié ait démissionné de sa propre initiative et qu'il cesse toute activité professionnelle en vue de percevoir l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité.
3. Il ressort des écritures en défense présentées par le ministre tant en première instance qu'en appel que la décision implicite refusant à M. B... le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité est fondée sur la circonstance que, à la date de sa demande, l'intéressé, ancien ouvrier et ancien fonctionnaire de l'Etat, était rayé des contrôles et ne relevait plus des effectifs du ministère de la défense.
4. Toutefois, les dispositions de l'article 96 de la loi du 30 décembre 2003 ne subordonnent pas le versement de l'ASCAA aux fonctionnaires et agents non titulaires des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante à la condition que le demandeur n'ait pas cessé son activité à la date de sa demande. Par ailleurs, les dispositions de l'article 1er du décret du 6 avril 2006, qui ne précisent la procédure à suivre que pour les seuls fonctionnaires et agents non titulaires encore en activité lors du dépôt de leur demande, n'ont pas davantage pour objet d'exclure du bénéfice de cette allocation ceux de ces agents publics qui auraient cessé leur activité au sein des établissements y ouvrant droit.
5. Par suite, le ministre de la défense n'a pu légalement rejeter la demande de M. B..., né le 23 novembre 1961, dont il n'est pas contesté qu'il a effectivement cessé toute activité professionnelle, en se fondant comme il le soutient, sur les dispositions de l'article 1er du décret du 6 avril 2006.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle il s'est vu refuser le bénéfice de l'allocation de cessation anticipée d'activité.
Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Les motifs qui fondent l'annulation de la décision contestée du ministre de la défense impliquent nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de la défense d'accorder à M. B... le bénéfice de l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.



DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1604066, 1702425 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... dirigée contre la décision par laquelle le ministre de la défense a implicitement rejeté sa demande formée le 17 février 2017 tendant à l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante.
Article 2 : La décision du ministre de la défense rejetant implicitement la demande formée par M. B... le 17 février 2017 tendant à l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante est annulée.
Article 3 : Il est enjoint à la ministre des armées d'accorder à M. B... le bénéfice de l'attribution de l'allocation spécifique de cessation anticipée d'activité (ASCAA) des travailleurs de l'amiante.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur
O. COIFFETLe président
H. LENOIR

La greffière,
E. HAUBOIS

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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