Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 28/02/2020, 427529
Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 12 octobre 2018 par laquelle le directeur de l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique (EPFP) a rejeté son recours gracieux formé à l'encontre de la décision du 31 juillet 2018 rejetant sa demande d'attribution d'une allocation du fonds de prévoyance militaire, d'autre part, d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa situation et de lui octroyer l'allocation précitée sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 1821879 du 5 décembre 2018, le président du tribunal administratif de Paris a, sur le fondement du premier alinéa de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis le dossier de la demande de M. B... au tribunal administratif de Nantes.
Par une ordonnance n° 1811503 du 30 janvier 2019, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le président du tribunal administratif de Nantes a, sur le fondement du troisième alinéa de l'article R. 351-6 du code de justice administrative, transmis le dossier de la demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la défense ;
- le décret n° 2007-890 du 15 mai 2007 ;
- le décret n° 2015-690 du 18 juin 2015 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le présent litige porte sur le refus de l'Etablissement public national des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de verser une allocation à un ancien militaire.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 312-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'il n'en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée dans sa rédaction applicable au litige ". Il résulte de ces dispositions que le tribunal administratif, dans le ressort duquel l'autorité administrative qui a pris la décision attaquée a son siège, est compétent pour connaître du litige lorsque celui-ci ne relève pas des dispositions d'un texte spécial ou des exceptions mentionnées aux articles R. 312-6 à R. 312-19 relevant de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la partie réglementaire du code de justice administrative.
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 312-12 du même code : " Tous les litiges d'ordre individuel, y compris notamment ceux relatifs aux questions pécuniaires, intéressant les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que les agents ou employés de la Banque de France, relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le lieu d'affectation du fonctionnaire ou agent que la décision attaquée concerne ". Et, aux termes de l'article R. 312-13 du même code : " Les litiges relatifs aux pensions des agents des collectivités locales relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le siège de la personne publique dont l'agent intéressé relevait au moment de sa mise à la retraite. / Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises en application du livre Ier et des titres Ier à III du livre II du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre relèvent du tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le domicile du demandeur lors de l'introduction de sa requête. / Pour les autres pensions dont le contentieux relève de la juridiction des tribunaux administratifs, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le lieu d'assignation du paiement de la pension ou, à défaut, soit qu'il n'y ait pas de lieu d'assignation, soit que la décision attaquée comporte refus de pension, la résidence du demandeur lors de l'introduction de sa réclamation ".
4. Il résulte par ailleurs des dispositions du code de la défense que l'établissement public administratif créé par un décret du 15 mai 2007 et dont les statuts ont été fixés par le décret du 18 juin 2015, codifié aux articles R. 3417-1 et suivants du code de la défense, est notamment chargé de gérer le fonds de prévoyance militaire et, ce faisant, de verser des allocations aux militaires ou anciens militaires. Aux termes de l'article L. 4123-5 de ce code : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'Etat couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. / Les allocations de ces fonds sont incessibles et insaisissables ". Aux termes de l'article R. 3417-3 du même code, l'établissement public national des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique a notamment pour mission de " 1° verser aux personnels affiliés au fonds de prévoyance militaire ou au fonds de prévoyance de l'aéronautique ou à leurs ayants cause les allocations instituées par voie réglementaire ou des secours ". Aux termes de l'article D. 4123-2 du même code : " Les militaires, à l'exception de ceux qui sont affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, sont affiliés au fonds de prévoyance militaire destiné à verser, hors le cas de mobilisation générale ou de participation à des opérations qualifiées d'opérations de guerre par décret en conseil des ministres, des allocations en cas de blessure, d'infirmité ou de décès imputable au service dans le cas où la blessure, l'infirmité ou le décès n'ouvre pas droit aux allocations du fonds de prévoyance de l'aéronautique ". Un tel dispositif revêt le caractère d'un mécanisme de prévoyance collective obligatoire.
5. Le présent litige, opposant, au sujet du versement d'une allocation, un agent à cet établissement public chargé de gérer un mécanisme de prévoyance collective obligatoire qui, même s'il est étroitement lié au ministère de la défense, n'est pas son employeur, ne peut être regardé comme un litige d'ordre individuel intéressant un fonctionnaire ou agent de l'Etat au sens de l'article R. 312-12 du code de justice administrative. Il ne relève pas non plus de l'article R. 312-13 du code de justice administrative, les allocations versées par le fonds de prévoyance militaire n'étant pas un élément de la pension et leur contentieux n'étant pas soumis par une disposition expresse aux règles applicables aux pensions. Il ne relève enfin d'aucune autre disposition de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre III de la partie réglementaire du code de justice administrative, ni de celles d'un texte spécial. Par suite, il y a lieu, en application de l'article R. 312-1 du code de justice administrative, de désigner le tribunal administratif de Paris, dans le ressort duquel l'établissement public a son siège, pour connaître de la demande de M. B....
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement de la demande de M. B... est attribué au tribunal administratif de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B....
Copie en sera adressée à la ministre des armées, à l'établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique, à la Caisse des dépôts et consignations et aux présidents des tribunaux administratifs de Paris et de Nantes.