Conseil d'État, 4ème - 1ère chambres réunies, 02/03/2020, 417144

Information de la jurisprudence
Date de décision02 mars 2020
Num417144
Juridiction
Formation4ème - 1ère chambres réunies
RapporteurMme Yaël Treille
CommissaireM. Frédéric Dieu
AvocatsSCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler le titre de pension qui lui a été concédé par arrêté du ministre des finances et des comptes publics le 20 avril 2015 en tant qu'il lui a refusé l'octroi d'une rente viagère d'invalidité et d'enjoindre au ministre de lui accorder une rente viagère d'invalidité avec effet rétroactif à compter de la date de sa mise à la retraite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. Par un jugement n°1501044 du 9 novembre 2017, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 8 janvier et 9 avril 2018, au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Yaël Treille, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. B..., agent administratif principal des finances publiques, a été placé en congé de longue durée entre janvier 2009 et janvier 2014. Anticipant l'expiration de ce congé, il a demandé, en décembre 2013, à être admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité imputable au service. A la suite d'un avis de la commission départementale de réforme du 20 juin 2014, qui a constaté l'inaptitude absolue et définitive de l'intéressé à toutes fonctions et retenu que l'invalidité au taux de 40 % depuis le 16 janvier 2009 n'était pas imputable au service, M. B... a été radié des cadres et admis à la retraite pour invalidité par arrêté du 24 septembre 2014. Sa pension a été liquidée avec effet au 16 janvier 2014 par un titre de pension concédé le 29 septembre 2014. Ces deux actes ont été pris en application de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite. A la suite d'un recours administratif formé par M. B... contre le titre de pension du 29 septembre 2014, en tant que celui-ci ne lui accordait pas le bénéfice d'une pension pour invalidité imputable au service, ce qui n'ouvrait pas droit, pour l'intéressé, à une rente viagère d'invalidité, et d'un nouvel avis de la commission départementale de réforme en date du 27 février 2015, fixant à 60 % le taux d'invalidité tout en maintenant l'appréciation sur l'absence d'imputabilité au service de l'invalidité affectant l'intéressé, un nouveau titre de pension prenant en compte ces deux éléments a été émis le 20 avril 2015. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Limoges du 9 novembre 2017 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre de pension en tant qu'il lui a refusé l'octroi d'une rente viagère d'invalidité et à ce qu'il soit enjoint au ministre, sous astreinte, de lui accorder une telle rente avec effet rétroactif à la date de sa mise à la retraite.

Sur le cadre juridique du litige :

2. Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées (...) en service (...) peut être radié des cadres par anticipation (...) ". Aux termes de l'article L. 28 du même code : " Le fonctionnaire civil radié des cadres dans les conditions prévues à l'article L. 27 a droit à une rente viagère d'invalidité (...) ". Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que seuls les fonctionnaires civils radiés des cadres sur le fondement de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, c'est-à-dire en raison d'une incapacité permanente imputable au service, peuvent percevoir une rente viagère d'invalidité.

3. Aux termes des dispositions de l'article L. 31 du même code : " La réalité des infirmités invoquées, la preuve de leur imputabilité au service, le taux d'invalidité qu'elles entraînent, l'incapacité permanente à l'exercice des fonctions sont appréciés par une commission de réforme selon des modalités qui sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. / Le pouvoir de décision appartient, dans tous les cas, au ministre dont relève l'agent et au ministre des finances (...) ". Aux termes de l'article R.* 4 du même code : " L'acte de radiation des cadres spécifie les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales invoquées à l'appui de cette décision. / Les énonciations de cet acte ne peuvent préjuger ni la reconnaissance effective du droit, ni les modalités de liquidation de la pension, ces dernières n'étant déterminées que par l'arrêté de concession ". Aux termes de l'article R. 38 du même code : " Le bénéfice de la rente viagère d'invalidité prévue à l'article L. 28 est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité surviennent avant la limite d'âge et sont imputables à des blessures ou maladies résultant par origine ou aggravation d'un fait précis et déterminé de service ou de l'une des autres circonstances énumérées à l'article L. 27. (...) ". Aux termes de l'article R. 49 bis du même code, issu du décret du 18 avril 2011 relatif à la procédure d'admission à la retraite pour invalidité des fonctionnaires civils de l'Etat : " Dans tous les cas, la décision d'admission à la retraite pour invalidité, prise en application de l'article L. 31, est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget ". Enfin, l'article R. 65 du même code dispose que : " Le service chargé de la mise en oeuvre de la gestion administrative et financière du régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat constitue, pour chaque fonctionnaire, magistrat et militaire, à compter de la date de son affiliation au régime du présent code, un compte individuel de retraite. A partir de ce compte et après contrôle des informations y figurant, ainsi que, le cas échéant, des durées d'assurance et des périodes reconnues équivalentes validées dans un ou plusieurs autres régimes de retraite de base obligatoires, la pension de l'intéressé ou celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, la rente viagère d'invalidité est liquidée et concédée par arrêté du ministre chargé du budget. / Les administrations ou établissements de l'Etat ou tous autres organismes employeurs de fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires transmettent au service mentionné au premier alinéa, dans des conditions fixées par décret, tout au long de la carrière des intéressés, les informations à porter à leur compte individuel de retraite ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision de procéder à la radiation des cadres en vue de l'admission à la retraite d'un fonctionnaire civil de l'Etat pour invalidité, qui énonce les circonstances susceptibles d'ouvrir droit à pension et vise les dispositions légales en cause, appartient au ministre dont relève l'agent et est subordonnée à l'avis conforme du ministre chargé du budget. En application de cette décision, le ministre chargé du budget, qui dispose des informations portées par les administrations ou établissements de l'Etat ou tous autres organismes employeurs de fonctionnaires de l'Etat, magistrats et militaires, tout au long de la carrière des intéressés, à leur compte individuel de retraite, procède ensuite, par arrêté, à la liquidation et à la concession de la pension de l'intéressé ou de celle de ses ayants cause ou, le cas échéant, de la rente viagère d'invalidité.

Sur les moyens du pourvoi :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 qu'en jugeant que le ministre chargé du budget ne peut, lorsqu'un fonctionnaire a été radié des cadres pour une invalidité qui n'a pas été regardée comme imputable au service, lui allouer une pension pour invalidité imputable au service et lui attribuer une rente viagère d'invalidité, le tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit, ni, en tout état de cause, irrégulièrement soulevé d'office un moyen qui n'aurait pas le caractère d'un moyen d'ordre public.

6. En second lieu, en retenant qu'en l'espèce, l'arrêté du 24 septembre 2014 du ministre du budget portant admission à la retraite de M. B... ne visait pas l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et ne mentionnait pas que l'invalidité fondant la décision d'admission à la retraite était imputable au service, alors même qu'à un stade antérieur de la procédure le service gestionnaire avait pu préconiser que l'invalidité soit regardée comme imputable au service, le tribunal administratif a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation. En en déduisant que M. B..., dont il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond qu'il n'a pas contesté, par la voie de l'exception, l'arrêté du 24 septembre 2014 l'ayant admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité en application de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, n'était pas fondé à réclamer le bénéfice d'une rente viagère d'invalidité, le tribunal a exactement apprécié les faits de l'espèce et n'a pas entaché son jugement d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque. Son pourvoi doit donc être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.



ECLI:FR:CECHR:2020:417144.20200302