CAA de NANTES, 6ème chambre, 10/03/2020, 18NT02537, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, de condamner la commune du Pouliguen à lui verser une indemnité de 85 260 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts, d'autre part, d'enjoindre à cette collectivité, de procéder à la reconstitution de sa carrière administrative, enfin, de mettre à la charge la commune du Pouliguen une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1600287 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 29 juin 2018, 10 octobre 2018 et 22 mai 2019, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2018 ;
2°) de dire que la commune du Pouliguen a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. D... ;
3°) de condamner la commune du Pouliguen à lui verser une indemnité de 85 260 euros en réparation du préjudice financier et moral subi, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015, date de réception de sa demande indemnitaire préalable, et de la capitalisation des intérêts ;
4°) d'enjoindre à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de sa carrière et de tirer toutes conséquences qui s'imposent à elle d'un point de vue économique et financier ;
5°) de mettre à la charge de la commune du Pouliguen les éventuels dépens ainsi que le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la commune du Pouliguen avait l'obligation de prendre l'initiative d'informer son agent des conséquences éventuellement défavorables de son choix de carrière ;
- il s'est vu également délivrer des informations erronées ce qui constitue une faute ; la responsabilité de la commune est engagée en raison de l'information qu'elle lui a dispensée ; la commune a, en effet, commis une erreur en lui indiquant dans le courrier du 20 avril 2015 que sa pension, était liquidée par la CNRACL depuis le 30 mars 2015 ; le courriel de la caisse des dépôts du 21 août 2015 qui indique que sa pension est liquidée au 1er juin 2015 confirme cette erreur (Voir PJ 26 PI);
- s'il a le 5 février 2015 indiqué vouloir faire valoir ses droits à la retraite, il n'a cependant pas précisé expressément qu'il souhaitait partir le 1er juin 2015 mais seulement qu'il " pouvait prétendre à prendre sa retraite à compter de cette date " ; or dès le 9 février 2015, un arrêté est pris qui énonce " qu'il est admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2015 sous réserve de l'avis conforme de la CNRACL " ;
- s'il a demandé sa mise à la retraite le 5 février 2015, il est revenu sur son choix dès le 23 mars 2015 et a demandé à bénéficier d'un congé de longue maladie et donc d'être maintenu en position d'activité ; il a confirmé sa volonté de bénéficier d'un congé de longue maladie et de ne pas partir à la retraite par courrier du 14 avril 2015 ; il a dès le 14 avril sollicité la suspension de liquidation de sa pension de retraite ; la commune devait donc retirer son arrêté du 9 février 2015 ; la poursuite de la procédure de mise à la retraite " sur demande " de l'agent est ainsi fautive ;
- la commune aurait dû l'informer du fait qu'il pouvait obtenir le bénéfice d'un congé de longue maladie et qu'un tel congé pouvait se poursuivre au-delà du 1er juin 2015 ; elle ne l'a pas informé de la possibilité de bénéficier d'un demi-traitement pendant toute la durée de la procédure de mise à la retraite pour invalidité, en application des articles 42 et 47 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, si cette procédure avait été menée jusqu'à son terme ;
- la responsabilité de la commune est également engagée en raison de la gestion administrative de son dossier ; elle a engagé la procédure de mise à la retraite pour invalidité sans l'avoir préalablement fait bénéficier de son droit à congé de longue maladie, la maladie de Parkinson étant une affection qui ouvre droit à un congé de longue maladie d'une durée de trois ans ; elle a refusé de faire droit à sa demande de suspension de liquidation de sa retraite ;
- il a été incité par la commune à présenter une demande de mise à la retraite dans le but d'accélérer son éviction du service ce qui caractérise l'existence d'un détournement de pouvoir ;
- son admission à la retraite à compter du 1er juin 2015 lui a fait perdre la possibilité de percevoir les mois de traitement dont il aurait pu bénéficier jusqu'à la date lui permettant de bénéficier d'une retraite à taux plein soit jusqu'au 16 mars 2017 ; il est constant en effet que la maladie de Parkinson donne droit à un congé de longue maladie ; il subit un préjudice financier tous les mois de 2 081 euros correspondant à la différence entre le montant de sa pension, soit 2 531 euros, et le montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, soit 4 612 euros ce qui représente au total une somme de 45 782 euros ; il a également été privé du bénéfice de certaines primes pour un montant de 10 366 euros ; l'indemnité totale due pour la période concernée, soit vingt-deux mois, s'élève à la somme de 56 148 euros ;
- il est également fondé à demander à être indemnisé du préjudice lié à la minoration de sa pension ; il subit un " préjudice prévisible de minoration de retraite " du fait qu'il aurait dû être mis à la retraite au-delà de la date du 1er juin 2015 qui a été retenue par la collectivité ; il sollicite ainsi, à hauteur de 26 112 euros, l'indemnisation d'une " perte de chance sérieuse " d'obtenir une meilleure pension de retraite du fait d'un écart de durée de cotisation imputable à son employeur à l'origine d'une minoration de sa pension mensuelle évaluée à 128 euros nets ;
- il est également fondé à demander une indemnité de 3 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence ;
- son préjudice s'élève ainsi à la somme totale de 85 260 euros.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 août 2018 et le 16 mai 2019, la commune du Pouliguen, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., substituant Me A..., représentant M. D... et de Me G..., représentant la commune du Pouliguen.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ingénieur principal titulaire, recruté en 2003 par la commune du Pouliguen a été nommé en 2005 directeur général des services techniques et urbain. Compte tenu de la dégradation de son état de santé au cours de l'année 2014, M. D... qui est atteint de la maladie de Parkinson, s'est rapproché de son employeur en exprimant le souhait d'être mis à la retraite pour invalidité. La commune a alors saisi le 23 mai 2014 la commission de réforme de cette question. Par un courrier du 2 juin 2014, le président de cette commission, après avoir indiqué que la mise à la retraite pour invalidité impliquait l'inaptitude définitive de l'agent et l'impossibilité de pourvoir à son reclassement, a refusé de donner suite à cette demande tout en indiquant à la collectivité les solutions qui s'offraient à elle selon que l'agent décide de présenter ou non un arrêt de travail. M. D..., qui a eu connaissance de courrier, n'a pas sollicité d'arrêt de travail et la commune du Pouliguen de son côté n'a pas estimé, selon ses propres termes, nécessaire de placer cet agent d'office en congé de maladie ordinaire. Après avoir soldé ses congés et ses droits à la réduction du temps de travail du 16 octobre 2014 au 4 décembre 2014, M. D... a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 5 décembre 2014. Par un courrier du 5 février 2015, il a demandé à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er juin 2015. Par un arrêté du 9 février 2015, le maire du Pouliguen a fait droit à cette demande sous réserve de l'avis conforme de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). M. D... a alors demandé, par un courrier du 23 mars 2015, à bénéficier d'un congé de longue maladie puis, par un courrier du 14 avril 2015, la suspension de la procédure de mise à la retraite. La commune a refusé de faire droit à cette seconde demande par une décision du 20 avril 2015 confirmée sur recours gracieux le 4 mai suivant. Le 18 juin 2015, le comité médical a estimé que l'état de santé de M. D... justifiait qu'il soit placé en congé de longue maladie du 5 décembre 2014 jusqu'à la date d'effet de sa retraite, fixée au 1er juin 2015. Par un arrêté du 19 juin 2015, M. D... a été placé en congé de longue maladie pour la période du 5 décembre 2014 au 31 mai 2015.
2. Estimant que sa situation administrative n'avait pas été correctement gérée par la commune du Pouliguen laquelle, en particulier, l'aurait mis dans l'impossibilité de pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie au-delà du 1er juin 2015, M. D... a, le 23 octobre 2015, saisi cette collectivité d'une demande indemnitaire pour un montant de 85 260 euros au titre de la perte de traitements (salaires et indemnités), de la réduction du montant de sa pension et du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence qu'il estime avoir subis. La commune a rejeté cette demande le 17 décembre 2015. M. D... relève appel du jugement du 16 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à la condamnation de cette collectivité à lui verser une indemnité du même montant.
Sur la responsabilité de la commune du Pouliguen :
3. En premier lieu, M. D... soutient que la commune du Pouliguen aurait commis une faute en méconnaissant l'obligation générale pesant sur toute administration de prendre l'initiative d'informer ses agents des conséquences éventuellement défavorables de leurs choix de carrière. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n'imposent à l'administration une telle obligation. Il appartient aux fonctionnaires d'apprécier eux-mêmes, compte tenu des services qu'ils ont accomplis antérieurement, les avantages et les inconvénients qu'ils peuvent retirer de leur demande de mise à la retraite. Ainsi M. D... ne saurait reprocher à la commune du Pouliguen un défaut d'information ou d'accompagnement concernant le déroulement de sa procédure de mise à la retraite et notamment de ne pas l'avoir informé dès l'été 2014 des droits à congés de maladie dont il était susceptible de bénéficier en raison de la dégradation de son état de santé. Il est d'ailleurs constant sur ce dernier point que l'intéressé a reçu comme tous les agents de la commune " un livret de bord du personnel communal " détaillant l'ensemble des congés dont peuvent bénéficier les fonctionnaires territoriaux. Il ne saurait non plus faire grief à la commune de ne pas l'avoir informé de la possibilité d'obtenir un éventuel congé de maladie au-delà du 1er juin 2015. Ainsi, aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune ne saurait, sur ces points, être retenue.
4. En deuxième lieu, M. D... soutient qu'il n'aurait pas en réalité sollicité de la commune du Pouliguen qu'il soit mis à la retraite à compter du 1er juin 2015. Il résulte toutefois de l'instruction que M. D... a, le 5 février 2015, adressé à la commune du Pouliguen un courrier par lequel il indiquait " qu'il pouvait prétendre à prendre sa retraite à compter du 1er juin 2015 ". Il a, ainsi qu'en attestent les pièces versées au dossier de première instance par la commune au soutien du mémoire présenté le 26 mai 2016, confirmé cette intention dans un courriel échangé le 6 février 2015 avec Mme F... du service des ressources humaines de la commune en rappelant qu'il avait la veille " déposé dans la boite aux lettres de la mairie sa demande de mise à la retraite à la date du 1er juin " tout en interrogeant son interlocuteur sur le caractère avantageux de cette date compte tenu de sa date d'entrée dans la fonction publique. M. D... n'a pas contesté les termes de la réponse qui lui a été apportée le même jour par Mme F... qui prenait acte de ce que " le dossier de retraite était lancé " en expliquant à l'agent que la date du 1er juin ne lui était pas défavorable. Dans ces conditions, et compte tenu également des démarches déjà engagées par M. D... depuis l'été 2014 et des termes des échanges avec son employeur le 23 mars et 14 avril 2015, la collectivité n'a commis aucune faute et ne s'est pas méprise, contrairement à ce qu'avance le requérant, en estimant qu'elle était ainsi bien saisie par M. D... d'une demande qui visait à faire valoir ses droits à la retraite à compter de la date du 1er juin 2015.
5. En troisième lieu, pour soutenir " qu'il se serait déterminé sur la base d'informations erronées " délivrées par la commune, M. D... se réfère aux termes du courrier du 20 avril 2015 par lequel la commune a rejeté sa demande de suspension de la procédure de liquidation de sa retraite au motif que sa pension avait été liquidée par la CNRACL le 30 mars 2015. Si le terme de " liquidation " est effectivement inapproprié et inexact dès lors qu'il apparaît, au vu des éléments figurant dossier, que cette date correspond à l'instruction et à la validation de la demande de retraite de cet agent auprès de cette caisse et non pas au versement effectif de la pension qui ne pouvait au mieux intervenir que le 1er juin 2015 sur acceptation expresse de l'agent, il n'est cependant pas établi, indépendamment à ce stade de la pertinence du motif avancé par la commune, que cette information ait eu des conséquences sur les démarches que M. D... a ensuite effectivement entreprises, ce dernier réitérant dès le 26 avril 2015 sa demande de suspension de la procédure de mise à la retraite et son souhait que " la procédure de congé de longue maladie soit menée à son terme avant de définir une date de retraite ".
6. Cependant, M. D... soutient également que la commune du Pouliguen devait retirer l'arrêté du 9 février 2015 dès lors qu'il avait, dès le 23 mars 2015, exprimé son souhait de bénéficier d'un congé de longue durée et donc d'être maintenu en position d'activité et que cette collectivité a ainsi commis une faute en poursuivant la procédure de mise à la retraite " sur demande " de l'agent, la décision prise par la collectivité devant alors être qualifiée de mise à la retraite d'office intervenue irrégulièrement.
7. Aux termes de l'article 30 du décret n°2003-1306 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée. ".
8. Il résulte tout d'abord de l'instruction que, contrairement à ce qu'a estimé la commune du Pouliguen, la pension de M. D... n'a pas été liquidée le 30 mars 2015, cette date correspondant seulement, ainsi que l'atteste le courrier du 25 avril 2017 de la CNRACL, au moment où le dossier de cet agent a alors été traité et validé par cet organisme. De surcroît, le paiement - ou liquidation - de la pension ne pouvait intervenir que sur demande écrite de l'agent, demande que le requérant n'avait pas formulée à la date du 30 mars 2015. Il ressort ensuite également de la lettre du 25 avril 2017 qu'à la suite de la demande du 6 mai 2015 que M. D... lui avait adressée par laquelle il sollicitait la suspension de la procédure de mise à la retraite, la CNRACL a le 21 mai 2015 décidé d'annuler tout versement à cet agent au titre de sa pension de retraite. Par ailleurs, et compte tenu de la demande de M. D... faite auprès de la commune du Pouliguen le 23 mars 2015 puis réitérée le 14 avril 2015 sollicitant la suspension de sa mise à la retraite, cette collectivité ne se trouvait plus saisie d'aucune demande en ce sens de ce fonctionnaire. Ainsi l'arrêté du 9 février 2015 qui prend effet le 1er juin est fondé sur des faits matériellement inexacts.
9. Dans ces conditions et en se fondant sur le motif erroné en fait et en droit rappelé au point 3, pour décider, à plusieurs reprises, les 20 avril et 4 mai 2015, qu'elle était dans l'impossibilité d'accueillir la demande de suspension faite par M. D..., puis en maintenant son arrêté du 9 février 2015, qui n'était pas devenu définitif comme faisant suite à une demande présentée par son agent, et en estimant finalement qu'il y avait lieu de limiter la période de placement en congé de longue durée de ce fonctionnaire jusqu'à la date du 1er juin 2015, la commune du Pouliguen a commis plusieurs illégalités fautives de nature à ouvrir, à M. D..., droit à réparation.
10. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la mise en jeu de la responsabilité pour fautes de la commune du Pouliguen. Par suite, M. D... est fondé à demander réparation du préjudice subi du fait de ces fautes.
Sur l'indemnisation des préjudices :
S'agissant de l'indemnité correspondant à la perte de traitement :
11. M. D... soutient que son admission à la retraite à compter du 1er juin 2015 lui a fait perdre la possibilité de percevoir les traitements dont il aurait pu bénéficier jusqu'à la date du 16 mars 2017 lui permettant de percevoir une retraite à taux plein. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été rappelé au point 1, que M. D... a après avis du comité médical, été placé rétroactivement en congé de longue maladie entre le 5 décembre 2014 et le 31 mai 2015. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce congé, d'une durée maximum de trois ans, justifié par le caractère invalidant de la maladie dont il souffre nécessitant un traitement prolongé, n'aurait pas, été renouvelé jusqu'au 16 mars 2017. Le traitement indiciaire est versé intégralement au fonctionnaire placé en congé de longue maladie pendant un an, puis réduit de moitié les deux années suivantes. Compte tenu de ces différents éléments, M. D... pouvait prétendre à bénéficier de l'intégralité de son traitement d'un montant de 4 430 euros - base octobre 2014 - pour la période courant du 1er juin 2015 jusqu'au 4 décembre 2015 (soit six mois et quarante-quatre jours) puis de la moitié de ce montant pour la période courant du 4 décembre 2015 au 16 mars 2017 (soit quatorze mois et quarante-quatre jours jours). Il résulte également de l'instruction que le montant de la pension de retraite perçu par M. D... s'élève à la somme de 2 531 euros par mois, somme qu'il convient de déduire du traitement qu'il aurait perçu pour procéder au calcul de l'indemnité à laquelle il peut prétendre pour les deux périodes considérées. Ainsi, pour la première période courant du 1er juin 2015 au 4 décembre 2015, l'indemnité doit être arrêtée à la somme de 11 639 euros (Intégralité du traitement 27152 - pension 15513). Pour la période courant du 4 décembre 2015 au 16 mars 2017, le montant de la pension perçue par M. D... s'élève à la somme de 39 041 euros (2531 x 14 mois et 44 jours) qui est supérieure au traitement d'un montant de 34 156 euros (demi traitement 2215 x 14 mois et 44 jours) qu'il aurait pu alors percevoir. Aucune indemnité n'est, par suite, due au titre de cette seconde période. M. D... est ainsi seulement fondé à obtenir de la commune du Pouliguen la somme de 11 639 euros au titre du préjudice invoqué.
S'agissant de l'indemnité correspondant à la perte de la prime annuelle et au versement de la GIPA (Garantie individuelle du pouvoir d'achat) :
12. D'une part, il résulte de l'instruction que si M. D..., qui aurait alors été placé en congé de longue maladie, pouvait prétendre à percevoir une prime annuelle, son montant aurait cependant été réduit du fait de cette position administrative conformément à la délibération du conseil municipal du 18 novembre 1988. Compte tenu des modalités de calcul arrêtées par la collectivité territoriale (forfait de six jours + application d'une déduction de 1/300e par jour de maladie + déduction des samedis, dimanches et jours fériés) et de la somme perçue par l'intéressé en juin 2015, l'indemnité qui doit être mise à la charge de la commune du Pouliguen pour la période litigieuse s'élève à la somme totale de 952 euros, soit 201 euros au titre de l'année 2015, 619 euros au titre de l'année 2016 et 132 euros au titre de l'année 2017.
13. D'autre part, s'agissant du versement de la Garantie individuelle du pouvoir d'achat, la commune du Pouliguen ne remet pas en cause le montant de 2 131 euros réclamé par M. D... pour l'année 2015 sur la base de la somme d'un même montant qu'il justifie avoir perçue effectivement en 2014. En revanche, M. D... ne fournit aucun élément chiffré permettant de considérer que le montant de 1 340 euros qui lui a été alloué à ce titre pour l'année 2016 par un arrêté du 4 juillet de la même année, et sur laquelle la collectivité lui a apporté des explications, serait inexact et qu'il pourrait prétendre au versement d'une nouvelle somme de 2 131 euros. Ainsi, et dès lors qu'aucune demande n'a été présentée au titre de l'année 2017, une indemnité d'un montant total de 2 131 euros doit être mise à la charge de la commune du Pouliguen au titre de la GIPA due au requérant.
14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 et 13 que l'indemnité totale qui doit être versée à M. D... au titre de la perte de la prime annuelle et du versement de la GIPA s'élève à la somme de 3083 euros.
S'agissant de l'indemnité correspondant à la réduction du montant de sa retraite :
15. M. D... évoque dans ses écritures l'existence d'un " préjudice prévisible de minoration de retraite " du fait qu'il aurait dû être mis à la retraite au-delà de la date du 1er juin 2015 retenue par la collectivité et sollicite l'indemnisation d'une " perte de chance sérieuse " d'obtenir une meilleure pension de retraite du fait d'un écart de durée de cotisation imputable à son employeur à l'origine d'une minoration de sa pension mensuelle évaluée à 128 euros nets. Si M. D... a droit effectivement à être indemnisé de ce chef de préjudice dès lors qu'il a été mis illégalement à la retraite à compter du 1er juin 2015, la cour ne dispose pas toutefois au dossier des éléments précis lui permettant de l'évaluer. Il y a lieu, en conséquence, de renvoyer l'intéressé devant la commune du Pouliguen sur ce point.
S'agissant de l'indemnité due au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral :
16. Il sera fait une juste appréciation des troubles dans ses conditions d'existence ainsi que du préjudice moral subi par M. D... du fait de la gestion de sa situation administrative et des fautes retenues à l'encontre de la commune du Pouliguen, en l'évaluant à la somme de 6 000 euros.
17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 16 que l'indemnité globale à laquelle peut prétendre M. D..., et qui sera mise à la charge de la commune du Pouliguen, s'élève à la somme totale de 20 722 euros, laquelle demeure inférieure en tout état de cause à l'indemnité totale réclamée par le requérant.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
18. M. D... a droit aux intérêts sur la somme de 20 722 euros que la commune du Pouliguen est condamnée à lui verser à compter du 24 octobre 2015, date de réception de la demande préalable qu'il a adressée à la collectivité. Les intérêts échus à compter du 24 octobre 2016 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
19. Il y a lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points précédents, en particulier au point 15, d'enjoindre à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D....
20 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande indemnitaire, et d'autre part, que la commune du Pouliguen doit être condamnée à lui verser immédiatement la somme globale de 20 722 euros en réparation des préjudices subis, sans préjudice des sommes qui lui seraient dues à la suite de la reconstitution de carrière opérée en application de l'injonction mentionnée au point 19.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie principalement perdante, le versement à la commune du Pouliguen la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette collectivité le versement à M. D... d'une somme de 2 000 euros au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600287 du tribunal administratif de Nantes du 16 mai 2018 est annulé.
Article 2 : La commune du Pouliguen est condamnée à verser immédiatement à M. D... une somme de 20 722 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 octobre 2015 et de la capitalisation de ces intérêts à compter du 24 octobre 2016 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Il est enjoint à la commune du Pouliguen de procéder à la reconstitution de la carrière de M. D..., dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt. M. D... est renvoyé devant la commune du Pouliguen afin qu'il soit procédé au calcul de l'indemnité correspondant à la réduction du montant de sa retraite qui serait constatée à la suite de cette reconstitution.
Article 5 : La commune du Pouliguen versera à M. D... une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 7 : Les conclusions de la commune du Pouliguen tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et à la commune du Pouliguen.
Copie en sera transmise à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Délibéré après l'audience du 21 février 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mars 2020.
Le rapporteur,
O. B...Le président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT02537 2