CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 16/06/2020, 18BX01235, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision16 juin 2020
Num18BX01235
JuridictionBordeaux
Formation3ème chambre
PresidentM. NAVES
RapporteurMme Agnès BOURJOL
CommissaireMme MOLINA-ANDREO
AvocatsLELONG

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers l'annulation de la décision du 5 décembre 2016 par laquelle la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a rejeté sa demande de carte d'invalidité à double barre rouge.

Par un jugement n° 1700309 du 31 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 28 mars 2018 et le 5 juillet 2018, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler cette décision ;

4°) d'enjoindre à la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui délivrer une carte d'invalidité à double barre rouge dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de sa demande sous les mêmes conditions de délais et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il avait fondé sa demande sur la circulaire du 16 décembre 1946 et qu'il ne pouvait se prévaloir de la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011 ;
- l'attribution de la carte d'invalidité à double barre rouge trouve son fondement dans les dispositions des articles L. 320 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011 est invocable tant par l'administration que par le demandeur, de sorte que lui refuser le bénéfice des dispositions de la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011 porte une atteinte disproportionnée au principe d'égalité entre les administrés ;
- la décision contestée lui refusant le bénéfice de la carte d'invalidité à double barre rouge est entachée du vice d'incompétence, et méconnaît l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, en l'absence de toute référence à la qualité de sa signataire ;
- la décision contestée est insuffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'elle se borne à renvoyer à l'avis du médecin-expert, sans autre précision, et ne permet pas de connaître les motifs qui ont conduit au rejet de sa demande ; cette motivation relève un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- la décision contestée lui refusant le bénéfice de la carte d'invalidité à double barre rouge est entachée d'erreur de droit, dès lors que l'administration s'est crue tenue par l'avis rendu par le médecin-expert et a méconnu ainsi l'étendue de sa compétence ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il établit, par les certificats médicaux qu'il produit, que ses infirmités justifient, à elles seules, la nécessité d'un accompagnateur durant ses déplacements ; son état de santé s'est aggravé, comme le constate son médecin traitant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2018, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre conclut au rejet de la requête de M. D....

Il fait valoir que :
- la requête introductive d'instance est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... C...,
- et les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. D... est titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 60 % depuis le 5 juin 2006. Par un courrier reçu par la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre le 29 septembre 2016, il a sollicité le bénéfice d'une carte d'invalidité à double barre rouge, instituée par la circulaire en date du 16 décembre 1946 dont le régime a été défini en dernier lieu par la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011 du directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Par une décision en date du 5 décembre 2016, et au vu de l'avis rendu par le médecin de la commission consultative médicale le 7 octobre 2016, la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a refusé de lui délivrer la carte d'invalidité sollicitée pour le motif que " le médecin-expert a estimé que les infirmités actuellement pensionnées n'expliquent pas et ne justifient pas à elles-seules, la nécessité d'un accompagnateur ". M. D... relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 avril 2018, M. D... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. En premier lieu, pour rejeter la demande présentée devant eux par M. D... tendant à la délivrance de la carte d'invalidité à double barre rouge, les premiers juges ont considéré que les mesures prévues par la circulaire en date du 16 décembre 1946 et les circulaires ultérieures du ministre des anciens combattants et victimes de guerre susvisées relatives à l'attribution de la carte d'invalidité à double barre rouge ne trouvent leur fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire, que dans ces conditions, ces circulaires, et en particulier la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011, actualisée le 23 décembre 2013, qui établit en dernier lieu le régime des cartes d'invalidité à double barre rouge, n'ont pu conférer aux intéressés aucun droit au bénéfice des mesures qu'elles prévoient et que, dès, lors, ces derniers ne sont pas fondés à contester les décisions leur refusant ou leur retirant une telle carte.

4. Pour critiquer le motif du jugement, le requérant soutient qu'il n'a pas entendu se prévaloir dans sa demande introductive d'instance tendant à l'annulation de la décision contestée, ni des prescriptions de la circulaire du 16 décembre 1946, mais de celles alors applicables de la directive n° 13-1/C du 23 décembre 2011, de sorte qu'en lui refusant l'avantage qu'elle institue, l'administration a porté une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant la loi. Toutefois, ce moyen doit être écarté dès lors que cette carte d'invalidité constitue l'une des mesures prévues par la circulaire du 16 décembre 1946 et des circulaires ultérieures du ministre des anciens combattants et victimes de guerre ainsi que par la directive générale n° 13 1/C du 23 mai 2011 modifiée du directeur général de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui ne trouvent leur fondement dans aucune disposition législative ou réglementaire. Dans ces conditions, ces circulaires et cette directive n'ont pu conférer aux intéressés aucun droit au bénéfice des mesures qu'elles prévoient. Par suite, les moyens tirés de ce que, au regard de cette directive, la décision contestée serait entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés comme inopérants.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Contrairement à ce que soutient M. D..., outre le prénom et le nom de la personne signataire, la décision contestée fait mention en son en-tête de la qualité de la signataire comme étant celle de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

6. En troisième lieu, dès lors que la décision contestée ne constitue pas le refus d'un avantage dont l'attribution constituerait un droit, elle n'est pas de celles qui, en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées.

7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 5 décembre 2016 par laquelle la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a refusé à M. D... la délivrance de la carte d'invalidité à double barre rouge, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. D... demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


DECIDE :


Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande présentée par M. D... tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.





Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. F... Naves, président,
Mme E... G..., présidente-assesseure,
Mme A... C..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,
Dominique NAVES
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 18BX01235