CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 15/07/2020, 19MA04747, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 12 juillet 2018, M. D... A... a demandé au tribunal des pensions militaires de Marseille d'annuler la décision du 26 juin 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de pension militaire d'invalidité pour les infirmités " Séquelles de névralgie cervico-brachiale gauche", "Raideur cervicale arthrosique" et " Séquelles de névralgie cervico-brachiale droite".
Par un jugement n° 18/00088 du 16 août 2019, le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle rejetait la demande de pension pour les infirmités en cause et reconnu à M. A... un droit à pension, à compter du
24 septembre 2014, au taux de 20% au titre des séquelles de contusion du tendon du supra épineux de l'épaule gauche, de " 20% + 5 " au titre d'une séquelle de névralgie importante cervico-brachiale C5 gauche avec un déficit moteur distal C4-C5 postéro-latéral et foraminal gauche ayant fait l'objet d'une exérèse, de " 20% + 10 " au titre d'une au titre d'une raideur cervicale arthrosique avec douleur, de " 10% + 15 " au titre d'une névralgie cervicale droite modérée par hernie discale C4-C5 postéro-latérale et foraminale ayant fait l'objet d'une exérèse, droits à pension renouvelés à compter du 14 mars 2016, date à compter de laquelle un droit à pension supplémentaire est reconnu à l'intéressé, au taux de " 20% + 15 " au titre des séquelles de fracture déplacée de la malléole externe de la jambe droite avec lésions ligamentaires ostéosynthésées.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2019, sous le n° 19/00118, par la Cour régionale des pensions militaires d'Aix-en Provence, la ministre des armées relève appel du jugement du tribunal des pensions militaires de Marseille du 16 août 2019 et demande à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il reconnaît à M. A... un droit à pension au titres des infirmités " Séquelles de névralgie cervico-brachiale gauche"; "Raideur cervicale arthrosique" et " Séquelles de névralgie cervico-brachiale droite".
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont reconnu à M. A... un droit à pension au titre de ces infirmités dès lors que n'est pas établie la relation médicale directe, certaine, et déterminante entre ces infirmités et des faits de service.
Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.
Par un mémoire, enregistré par la Cour le 19 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C..., conclut à la confirmation du jugement précité du 16 août 2019 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les infirmités au titre desquelles il demande à être pensionné sont imputables aux traumatismes survenus en service les 21 mai 2008, 24 août 2009,
18 décembre 2012 et 5 novembre 2013.
Par un mémoire, enregistré le 16 décembre 2019, la ministre des armées réitère ses conclusions initiales, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., né le 25 avril 1975, a souscrit un contrat d'engagement dans la Légion étrangère à compter du 26 août 1998 et a été admis dans le corps des sous-officiers sous contrat à compter du 1er juin 2002. Il a été rayé des corps de l'armée le 29 août 2019, alors qu'il avait atteint le grade d'adjudant de l'armée de terre. Le 24 septembre 2014, il a formulé une demande de pension militaire d'invalidité du fait d'une hernie discale cervicale C4-C5 et,
le 14 mars 2016, il a formulé une nouvelle demande de pension d'invalidité au titre des suites d'une double fracture de la cheville droite. Par décision du 25 juin 2018, la ministre des armées lui a concédé, à compter du 24 septembre 2014, une pension temporaire, au taux de 20%, au titre des séquelles de contusion du tendon supra épineux de l'épaule gauche et, à compter du
14 mars 2016, a renouvelé cette pension temporaire et lui a concédé, en outre, une pension temporaire, au taux de 20%, au titre des séquelles de fracture déplacée de la malléole externe de la jambe droite avec lésions ligamentaires ostéosynthésées. Elle a, en revanche, refusé d'accorder une pension au titre des " séquelles de névralgie cervico-brachiale gauche", d'une "raideur cervicale arthrosique" de " séquelles de névralgie cervico-brachiale droite". La ministre des armées relève appel du jugement du 16 août 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé l'arrêté de la ministre en tant qu'elle refusait de concéder à M. A... une pension au titre des infirmités en cause.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors applicable : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service, constatée dans les conditions qu'elles prévoient.
3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. Pour contester l'imputabilité à des faits de service des infirmités au titre desquelles elle a refusé de concéder à M. A... un droit à pension, la ministre des armées soutient que le traumatisme de l'épaule gauche, survenu en service le 5 novembre 2013, à l'origine des séquelles de contusion du tendon du supra épineux de l'épaule gauche pour laquelle il a obtenu une pension au taux de 20%, ne peut en revanche être regardé comme la cause directe et certaine de la hernie discale cervicale C4-C5 présentée par l'intéressé, elle-même responsable des cervicalgies avec névralgies des deux membres supérieurs dont il souffre. Si ce seul accident ne permet d'expliquer les infirmités en cause, ainsi qu'il ressort de l'avis technique du médecin chef Delprat, qui a procédé à un examen du dossier médical à la demande de l'administration, il résulte, toutefois, de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du docteur Azaïs, mandaté par l'administration pour évaluer les infirmités de M. A... et en déterminer les causes, que les névralgies cervico-brachiales, gauche et droite, de même que la raideur cervicale arthrosique avec douleurs, sont en lien direct et certain avec plusieurs faits de service, impliquant des traumatismes répétés à l'épaule gauche impactant par contrecoup le rachis cervical, et dont la succession a causé la hernie cervicale à l'origine des infirmités. Cette analyse de l'expert, qui n'est pas présentée comme une hypothèse ni une probabilité, mais comme l'explication médicale des infirmités dont souffre M. A..., est d'abord corroborée par le livret médical de l'intéressé, qui fait état de doléances répétées de M. A... impliquant la région cervico-scapulaire, avant qu'il ne fasse spécifiquement état de douleurs du rachis cervical et de névralgies, le
19 février 2014. Elle est ensuite confirmée par les rapports circonstanciés établis à la suite de chute de l'intéressé pendant le " challenge Camerone ", le 1er mai 2008, de la chute d'escalier survenue le 24 août 2009 alors qu'il se rendait au rassemblement réglementaire, de la chute dans une ravine le 8 juillet 2010 alors qu'il était en service à Mayotte, de la chute en avant dont il a été victime le 17 décembre 2012 lors du " cross de Noël " organisé par le 1er régiment étranger de génie, et du traumatisme de l'épaule gauche survenu le 5 novembre 2013 alors qu'il cherchait à dévier un tir puissant lors d'une séance de football en salle prévue dans l'emploi du temps de la compagnie.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 16 août 2016, le tribunal des pensions militaires de Marseille a annulé son arrêté du 25 juin 2018 en tant qu'il refusait de concéder à M. A... une pension au titre des infirmités " Séquelles de névralgie cervico-brachiale gauche"; "Raideur cervicale arthrosique" et " Séquelles de névralgie cervico-brachiale droite" et dit qu'à compter du
24 septembre 2014, puis du 14 mars 2016, M. D... A... sera pensionné aux taux qu'il prévoit dans son dispositif.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés et non compris les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020, où siégeaient :
- M. Badie, président de chambre,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 15 juillet 2020.
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N° 19MA04747