CAA de PARIS, 7ème chambre, 31/07/2020, 18PA01561, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision31 juillet 2020
Num18PA01561
JuridictionParis
Formation7ème chambre
PresidentM. JARDIN
RapporteurMme Anne MIELNIK-MEDDAH
CommissaireMme STOLTZ-VALETTE
AvocatsHALPERN

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 décembre 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015 tendant à la reprise de son ancienneté militaire.

Par un jugement n° 1600875 du 6 mars 2018, le Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 mai 2018 et le 23 janvier 2019, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 17 décembre 2015 ;
3°) d'annuler l'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 23 septembre 2015 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier faute de mention du visa du code de la défense ;
- en application des dispositions de l'article 12 du décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation et de l'article 17 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat, il pouvait bénéficier d'une reprise d'ancienneté des services accomplis en qualité de sous-officier ;
- il n'existe ni différence de situation, ni motif d'intérêt général justifiant qu'il soit traité différemment de certains anciens militaires qui, contrairement à lui, ont vu leur ancienneté reprise par leurs administrations.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2019, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu :
- les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ;
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a été titularisé, par arrêté du 23 septembre 2015 de la garde des sceaux, ministre de la justice, dans le grade de conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation de classe normale au 2ème échelon, à compter du 24 juin 2015. Par décision du 17 décembre 2015, la garde des sceaux, a rejeté son recours gracieux, formé le 2 novembre 2015, tendant à la reprise de son ancienneté militaire. M. A... relève appel du jugement n° 1600875 du 6 mars 2018 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 17 décembre 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, la décision rendue par une juridiction administrative " contient (...) les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application ".

3. Le requérant soutient que le jugement est irrégulier faute de mention du visa du code de la défense. Toutefois, si les motifs du jugement attaqué reproduisent le texte des dispositions de l'article 17 du décret du 11 novembre 2009, lequel se réfère à plusieurs articles du code de la défense, les premiers juges n'ont pas fondé leur décision sur des dispositions de ce code. Dans ces conditions, le jugement attaqué satisfait aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. D'une part, aux termes de l'article L. 397 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les emplois réservés sont également accessibles, dans les conditions d'âge et de délai fixées par décret en Conseil d'Etat : (...) 2° Aux anciens militaires, autres que ceux mentionnés à l'article L. 394, à l'exclusion, d'une part, de ceux qui ont fait l'objet d'une radiation des cadres ou d'une résiliation de contrat pour motif disciplinaire et, d'autre part, de ceux qui sont devenus fonctionnaires civils " ; qu'aux termes de l'article R. 396 du même code alors en vigueur : " Le candidat aux emplois réservés bénéficiaire des dispositions des articles L. 397 et L. 398 doit : / - remplir les conditions d'âge fixées par le statut particulier des corps et cadres d'emplois d'accueil, à la date fixée, le cas échéant, par le statut d'accueil ou, à défaut, au 1er janvier de l'année au titre de laquelle il postule ; / - avoir accompli au moins quatre années de services militaires effectifs à la date d'inscription sur la liste d'aptitude prévue à l'article L. 401. L'ancien militaire doit, en outre, avoir quitté les armées depuis moins de trois ans " ;

5. D'autre part, aux termes de l'article L. 4139-3 du code de la défense dans sa version applicable au litige : " Le militaire, à l'exception de l'officier de carrière et du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. / En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie B. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 4139-4 du même code dans sa version applicable au litige : " Durant le détachement prévu aux articles L. 4139-1 à L. 4139-3, le militaire perçoit une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il était resté en position d'activité au sein des armées, dans des conditions fixées par décret. Aucune promotion n'est prononcée durant ce détachement et le militaire est radié des cadres ou rayé des contrôles de l'armée active à la date de son intégration ou de sa titularisation dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil. ". Enfin, aux termes de l'article L. 4139-14 dans sa version applicable au litige : " La cessation de l'état militaire intervient d'office dans les cas suivants : / 1° Dès l'atteinte de la limite d'âge ou de la limite de durée de service pour l'admission obligatoire à la retraite, dans les conditions prévues aux articles L. 4139-16 et L. 4141-5 (...) / 8° Lors de la titularisation dans la fonction publique ou, pour les militaires qui ne répondent pas aux obligations fixées au premier alinéa de l'article L. 4139-1 leur permettant d'être détachés, dès la nomination dans un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires, dans les conditions prévues à la section 1 du présent chapitre. ".

6. Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le droit de bénéficier d'une reprise d'ancienneté au militaire qui, après avoir réussi les épreuves organisées pour l'accès aux emplois réservés, a été placé en position de détachement dans l'attente de son intégration ou de sa titularisation et a ainsi conservé la qualité de militaire jusqu'à la date à laquelle celle-ci a été prononcée. En revanche, elles n'ont ni pour objet ni pour effet d'ouvrir cette possibilité de reprise d'ancienneté à l'agent qui, avant son intégration ou sa titularisation, a, faute d'avoir sollicité son détachement, cessé d'être militaire et a pu, de ce fait, s'il remplissait les conditions d'ancienneté et de service, bénéficier d'une pension militaire de retraite.

7. En premier lieu, M. A... a été recruté en qualité de militaire du 7 juin 1988 au 31 décembre 2012, date à laquelle il a été radié des cadres. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice du 4 juillet 2013 que le requérant a bénéficié d'un recrutement au titre des emplois réservés sur le fondement de l'article L. 4139-3 précité à compter du 24 juin 2013 en qualité d'élève conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation. Il suit de là que M. A... doit être regardé comme ayant opté pour la cessation de l'état de militaire avant ce recrutement sans avoir sollicité son détachement. Ainsi, M. A... ne peut bénéficier des dispositions de l'article L. 4139-3, citées au point 5, qui réservent toute reprise d'ancienneté au seul militaire placé en position de détachement dans l'attente de sa titularisation. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 17 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015 tendant à la reprise de son ancienneté militaire méconnaîtrait ces dispositions.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat : " Les corps de fonctionnaires classés dans la catégorie B par leurs statuts particuliers et inscrits par eux en annexe au présent décret relèvent des dispositions de celui-ci (...) ". Le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation ne figure pas dans l'annexe du décret du 11 novembre 2009. Dans ces conditions, M. A... ne saurait bénéficier des mesures de reclassement prévues par l'article 17 de ce décret pour les militaires dont les services ne peuvent être pris en compte, lors de leur titularisation, en application des dispositions des articles L. 4139-1, L. 4139-2 et L. 4139-3 du code de la défense.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du décret n° 2010-1639 du 23 décembre 2010 portant statut particulier des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : " Les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation qui avaient la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire sont classés lors de leur titularisation, conformément aux dispositions du décret du 11 novembre 2009 susvisé. ". M. A... n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions précitées dès lors qu'elles ne s'appliquent qu'aux conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation qui avaient la qualité de fonctionnaire ou d'agent non titulaire, ce qui n'est pas le cas de l'intéressé.

10. En quatrième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que des collègues de M. A..., également anciens militaires, auraient bénéficié d'une reprise d'ancienneté lors de leur nomination au titre des emplois réservés est sans incidence sur la légalité de la décision contestée prise conformément aux dispositions légales et réglementaires précitées. Dès lors, le moyen tiré d'un prétendu manquement au principe d'égalité entre fonctionnaires ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du requérant à fin d'annulation de la décision du 17 décembre 2015 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté son recours gracieux du 2 novembre 2015, ainsi que par voie de conséquences celles tendant à l'annulation de l'arrêté de la garde des sceaux, ministre de la justice du 23 septembre 2015, ne peuvent qu'être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.


D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme D..., premier conseiller,
- Mme Notarianni, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.


Le rapporteur,





A. D...




Le président,





C. JARDINLe greffier,



C. BUOT


La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01561