Conseil d'État, 9ème chambre, 19/10/2020, 436620, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 mai, le 27 août, le 4 septembre et le 20 novembre 2018, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision de sa pension en lui refusant d'inclure dans les bases de liquidation de sa pension de retraite la bonification d'ancienneté pour son enfant prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Par un jugement n° 1802383 du 14 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 10 décembre 2019 et 10 mars 2020, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la décision du 5 juin 2020 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. A... ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, à la suite de sa radiation des cadres de l'armée d'active pour faire valoir ses droits à la retraite, M. B... A... a demandé la révision de sa pension de retraite afin que soit prise en compte, dans les bases de liquidation, la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite. Il se pourvoit en cassation contre le jugement du 14 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 avril 2018 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics a rejeté sa demande de révision.
2. Aux termes de l'article L. 1 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " La pension est une allocation pécuniaire personnelle et viagère accordée aux fonctionnaires civils et militaires et, après leur décès, à leurs ayants cause désignés par la loi, en rémunération des services qu'ils ont accomplis jusqu'à la cessation régulière de leurs fonctions. " Aux termes de l'article L. 12 ter du même code, dans sa rédaction issue de l'article 49 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites : " Les fonctionnaires, élevant à leur domicile un enfant de moins de vingt ans atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %, bénéficient d'une majoration de leur durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois, dans la limite de quatre trimestres ".
3. En instituant la bonification d'ancienneté pour enfant handicapé prévue à l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite, le législateur a, ainsi qu'il ressort des travaux parlementaires préparatoires à l'adoption de la loi du 21 août 2003, entendu faire bénéficier de cet avantage tous les fonctionnaires, y compris les fonctionnaires militaires.
4. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que M. A... ne pouvait bénéficier de la bonification d'ancienneté prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires au motif que cet avantage n'avait été étendu aux militaires que par l'article 25 de la loi du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le tribunal a commis une erreur de droit. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que, en refusant d'accorder à M. A... la bonification prévue par l'article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa version issue de la loi du 21 aout 2003 susvisée au motif que cet avantage était réservé aux fonctionnaires civils, le ministre a commis une erreur de droit. M. A... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 5 avril 2018 rejetant sa demande de révision de pension.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 14 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La décision du 5 avril 2018 du ministre de l'action et des comptes publics est annulée.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.