CAA de BORDEAUX, , 22/10/2020, 19BX03894, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 octobre 2020
Num19BX03894
JuridictionBordeaux
AvocatsLAGARDE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler
la décision du 5 juin 2019 de la ministre des armées et les décisions des 11 et 18 juin 2019 du directeur du centre interarmées du soutien juridique portant rejet de sa demande tendant
à l'indemnisation, en sa qualité d'ayant-droit, des préjudices subis par M. B... A...,
son père, consécutifs à un accident de service subi pendant la guerre d'Indochine.

Par une ordonnance n° 1903258-1903317 du 7 octobre 2019, le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les requêtes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 octobre 2019 et 4 mai 2020,
M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 7 octobre 2019 du président du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de réexaminer sa demande indemnitaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée ne comporte pas les signatures requises par
l'article R. 741-8 du code de justice administrative ;
- cette ordonnance, qui n'explicite pas les motifs conduisant le juge à considérer
les requêtes comme manifestement irrecevables, est insuffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et de l'article 6-1 de
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- en vertu de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, il aurait dû être mis
à même de régulariser sa requête, alors que la deuxième lettre de notification du ministère lui indiquait seulement un délai de deux mois pour saisir le tribunal administratif.
- les décisions prises, comme en l'espèce, en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ne sont pas concernées par les dispositions
de l'article R. 4125-1 du code de la défense instituant un recours administratif préalable obligatoire ;
- la prescription quadriennale lui a été opposée à tort dès lors que la pension militaire d'invalidité accordée en 1972 à son père était provisoire, la consolidation de son état de santé n'ayant été reconnue que le 15 septembre 2017 ; la fiche descriptive des infirmités portant décision d'attribution d'une pension militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre indique précisément qu'à la date du 16 septembre 2014, une aggravation et une infirmité nouvelle de Monsieur B... A... ont été constatées par la commission consultative médicale ; au demeurant, les ayants cause des militaires décédés doivent solliciter l'indemnisation de leur préjudice dans un délai également de quatre ans courant du jour du décès ; son père étant décédé en janvier 2018, sa demande de juillet 2018 n'était pas prescrite ;

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision
du 16 janvier 2020.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative.


Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours, ainsi que les autres magistrats ayant le grade de président désignés à cet effet par le président de la cour peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ".

2. M. D... A... a sollicité le 20 juillet 2018, en sa qualité d'ayant-droit, une indemnisation complémentaire des préjudices subis par son père, M. B... A..., qui avait, lors de la guerre d'Indochine, contracté une amibiase intestinale au cours de son emprisonnement entre mai 1953 et août 1954, et qui est décédé le 4 janvier 2018. Par une décision du 5 juin 2019, la ministre des armées a rejeté la réclamation indemnitaire de M. A... en lui opposant la prescription de la créance invoquée, au motif que l'état de son père aurait été consolidé en 1972. Le directeur du centre interarmées du soutien juridique s'est prononcé dans le même sens par une décision du 11 juin 2019, annulée par un courrier du 18 juin 2019 portant notification de la décision de la ministre des armées du 5 juin 2019 et modifiant l'information sur les voies et délais de recours. M. A... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux requêtes tendant à l'annulation de ces décisions. Il relève appel de l'ordonnance du 7 octobre 2019
laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a, sur le fondement du 4° de
l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté ses demandes.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-5 du code de justice administrative : " La minute de l'ordonnance est signée du seul magistrat qui l'a rendue.". Il ressort des pièces du dossier que la minute de l'ordonnance attaquée comporte, conformément aux prescriptions des dispositions précitées, la signature du président du tribunal administratif de Bordeaux.
Le moyen tiré de ce que l'ordonnance serait entachée d'irrégularité au regard de ces dispositions ne peut ainsi qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, l'ordonnance attaquée cite les dispositions de l'article R. 4125-1 du code de la défense instaurant une procédure de recours administratif préalable obligatoire devant la commission de recours des militaires à l'exception, notamment, des décisions prises en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, précise ensuite que l'action indemnitaire de M. A... est présentée au titre de la réparation complémentaire des préjudices subis à la suite d'un accident de service et non sur le fondement du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et en déduit que seule une décision prise à la suite de la saisine de la commission de recours des militaires serait susceptible de recours devant la juridiction administrative. Contrairement à ce qui est soutenu en appel, cette ordonnance satisfait à l'exigence de motivation prévue à l'article L. 9 du code de justice administrative et résultant des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ". Ces dispositions déterminent forfaitairement la réparation à laquelle un militaire victime d'un accident de service ou atteint d'une maladie professionnelle peut prétendre, au titre de l'atteinte qu'il a subie dans son intégrité physique. Alors même que le régime d'indemnisation des militaires serait plus favorable que celui consenti aux agents civils, ces dispositions ne font cependant pas obstacle à ce que le militaire, qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d'agrément, obtienne de l'Etat qui l'emploie, même en l'absence de faute de celui-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, distincts de l'atteinte à l'intégrité physique .Il en va de même s'agissant du préjudice moral subi par ses ayants droits.

6. Aux termes de l'article R.4125-1 du code de la défense : " I. Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. (...)III. - Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions : (..)2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'à l'exception des matières qu'elles ont entendu écarter expressément de la procédure du recours préalable obligatoire, la saisine de la commission des recours des militaires instituée par le décret
du 7 mai 2001 s'impose à peine d'irrecevabilité d'un recours contentieux, formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle, que ce recours tende à l'annulation d'une décision ou à l'octroi d'une indemnité à la suite d'une décision préalable ayant lié le contentieux.

7. Lorsque le recours formé par un ayant droit n'a d'autre objet que d'exercer les droits qui étaient entrés dans le patrimoine de son ayant-cause avant son décès, il est soumis aux mêmes règles et doit être présenté d'abord, lorsque son objet n'en est pas exempté, à la commission de recours prévue par les dispositions précitées. La demande n'étant fondée sur aucune des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, elle relevait du droit commun des relations entre les militaires et l'Etat. Il est constant que le recours de M. A... n'a pas été précédé de la saisine de la commission des recours, sans que puisse utilement être invoquée la circonstance que la seconde notification de la décision lui opposant la prescription quadriennale aurait supprimé cette mention en lui précisant les voies de recours. Il s'ensuit que les demandes de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions étaient, en raison de leur caractère prématuré, irrecevables.

8. L'irrecevabilité opposée par l'ordonnance attaquée, tirée du caractère prématuré
de la demande, n'était pas régularisable. Le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance
des dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative, M. A... n'aurait
pas été invité à régulariser ses demandes ne peut ainsi qu'être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que la requête d'appel de M. A...,
qui est manifestement dépourvue de fondement au sens des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure qu'elles prévoient, y compris les conclusions au titre des frais d'instance et du droit de plaidoirie.



DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D... A.... Copie en sera adressée à la ministre des armées.


La présidente de la 2ème chambre,



Catherine Girault


La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N° 19BX03894