CAA de NANCY, 3ème chambre, 17/11/2020, 19NC03773-19NC03774, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 novembre 2020
Num19NC03773-19NC03774
JuridictionNancy
Formation3ème chambre
PresidentMme VIDAL
RapporteurM. Eric MEISSE
CommissaireMme SEIBT
AvocatsGERVAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... E..., épouse D..., a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 22 décembre 2017 par lequel la maire de la commune de Loivre a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie qu'elle a déclarée le 10 juin 2017 et a prononcé son placement en congé de maladie ordinaire à compter de cette date.

Par un jugement n° 1800386 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 22 décembre 2017 et a enjoint à la maire de Loivre, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, sous le n° 19NC03773, la commune de Loivre, représentée par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme D... ;

3°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement de première instance, qui se borne à évoquer un contexte conflictuel, sans en préciser les circonstances particulières, est insuffisamment motivé au regard de l'argumentation qu'elle a développée ;
- en fondant leur décision sur l'existence d'un contexte conflictuel, sans étayer ce constat par des faits précis, les premiers juges n'ont pas vérifié la réalité du lien direct entre la pathologie et le service, alors même que la charge de la preuve à cet égard incombe à l'agent et non pas à la collectivité, ni examiné si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service ;
- les troubles anxio-dépressifs de Mme D... ne sauraient être regardés comme imputables aux conditions d'exercice de ses fonctions, au contexte conflictuel qu'elle a contribué à installer dans le service ou encore à son altercation avec la maire survenue le 10 juin 2017 ;
- le comportement de l'agent lors de l'altercation du 10 juin 2017 est constitutif d'une faute qui détache la pathologie du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, Mme F... E..., épouse D..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Loivre d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 30 décembre 2019, sous le numéro 19NC03774, la commune de Loivre, représentée par Me G..., demande à la cour de prononcer, à titre principal sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, à titre subsidiaire sur celui de l'article R. 811-17 du même code, le sursis à exécution du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019.

Elle soutient que :
- au moins un des moyens qu'elle invoque paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par les premiers juges ;
- en estimant que la pathologie déclarée par la requérante le 10 juin 2017 était imputable au service, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l'espèce et a commis, en outre, une erreur de droit en inversant la charge de la preuve de la réalité du lien direct entre cette pathologie et le service ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables pour la commune en termes de bon fonctionnement du service et en termes financier.


Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2020, Mme F... E..., épouse D..., représentée par Me C..., conclut, d'une part, au rejet de la requête, d'autre part, à la condamnation de la commune de Loivre à lui verser la somme de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée, enfin, à la mise à la charge de la commune d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés et que, eu égard à la légèreté et à la mauvaise foi dont a fait preuve la commune en introduisant le présent recours, elle est fondée à réclamer 3 500 euros pour procédure abusive et injustifiée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19NC03773 et 19NC03774, présentées pour la commune de Loivre, sont relatives à la situation d'un même fonctionnaire territorial. Elles soulèvent des questions analogues et on fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. Mme F... E..., épouse D... exerce, depuis le 1er octobre 2011, les fonctions de secrétaire de mairie au sein de la commune de Loivre. D'abord recrutée sur la base d'un contrat à durée déterminée de six mois, qui a été renouvelé à deux reprises pour une durée d'un an, les 1er avril 2012 et 1er avril 2013, elle a été titularisée le 1er avril 2015, à l'issue d'une période de stage d'un an, dans le grade d'ajointe administrative territoriale de deuxième classe. A la suite d'une altercation survenue le 10 juin 2017 entre l'intéressée et la maire de la commune, la requérante a été placée, à compter du même jour, en arrêt de travail pour " syndrome anxio-dépressif réactionnel ". Le 8 décembre 2017, Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Après avoir recueilli, le 23 novembre 2017, l'avis défavorable de la commission départementale de réforme de la Marne, la maire de Loivre a, par un arrêté du 22 décembre 2017, refusé de faire droit à sa demande et l'a placée en congé de maladie ordinaire à compter du 10 juin 2017. La requérante a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté municipal du 22 décembre 2017. La commune de Loivre relève appel du jugement n° 1800386 du 5 novembre 2019, qui annule cet arrêté et enjoint à la maire, dans un délai de deux mois suivant la notification de ce jugement, de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017. Par une requête distincte, la commune sollicite également le sursis à l'exécution de ce même jugement.

En ce qui concerne la requête n° 19NC03773 :

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté que l'altercation du 10 juin 2017 s'inscrivait " dans un cadre conflictuel préexistant à cette situation et dans un contexte général de dégradation des relations " entre les protagonistes, a considéré, au vu des éléments médicaux versés au dossier, que le syndrome anxio-dépressif réactionnel de Mme D... présentait " un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec ses conditions de travail ". Il a également pris soin de préciser que le comportement reproché à l'agent lors de l'incident du 10 juin 2017, " directement lié aux conditions d'exercice de l'activité professionnelle de la requérante et aux relations conflictuelles qu'elle entretenait avec le maire de la commune ", ne saurait constituer une faute personnelle ou une circonstance particulière susceptible de détacher du service la pathologie dont il souffre. Il en a conclu que l'arrêté municipal litigieux du 22 décembre 2017, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de cette pathologie, a méconnu les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par suite, eu égard à l'argumentation développée par la commune de Loivre en première instance et alors que les premiers juges ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés devant eux par les parties, le moyen tiré de ce que le jugement contesté serait entaché d'irrégularité pour insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En second lieu, si la commune requérante fait également valoir que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne aurait, à tort, inversé la charge de la preuve en faisant peser sur la collectivité l'obligation de démontrer l'absence de lien direct entre la pathologie de l'agent et l'exercice des fonctions ou les conditions de travail, cette circonstance, à la supposer établie, si elle est de nature affecter le bien-fondé du jugement de première instance, s'avère, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut être accueilli.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévus en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / (...) ". Aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. Ces définitions ne sont pas applicables au régime de réparation de l'incapacité permanente du fonctionnaire. / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. La durée du congé est assimilée à une période de service effectif. L'autorité administrative peut, à tout moment, vérifier si l'état de santé du fonctionnaire nécessite son maintien en congé pour invalidité temporaire imputable au service. / (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".

6. En l'absence de dispositions contraires, les dispositions précitées du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont suffisamment claires et précises, sont d'application immédiate. Elles ont donc vocation à régir les situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de sécurité juridique, qui exclut que les nouvelles dispositions s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a totalisé en 2016 cent cinquante-trois jours d'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel. Cette pathologie, pour le traitement de laquelle la requérante est suivie depuis le 16 juin 2016, a notamment été diagnostiquée, le 18 janvier 2016, par un médecin du service médical interprofessionnel de la région de Reims. Dans ces conditions, la situation de Mme D... doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions de l'article 51 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction alors applicable.


8. En second lieu, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. En revanche, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

9. Il ressort des pièces du dossier que, si Mme D... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 10 juin 2017, elle a fait également valoir, devant les premiers juges, que sa pathologie était liée aux difficultés rencontrées dans le cadre de son activité professionnelle. Il n'est pas sérieusement contesté que l'intéressée entretient, depuis le mois d'octobre 2015, des relations conflictuelles avec la maire de Loivre et que, au cours de l'année 2016, elle totalisait cent cinquante-trois jours d'arrêt de travail pour syndrome anxio-dépressif réactionnel consécutif, selon elle, à un " harcèlement au travail ". Selon le premier expert, qui a examiné Mme D... le 30 août 2017 à la demande de la collectivité, celle-ci " est suivie depuis le 16 juin 2016 avec plusieurs arrêts de travail en maladie pour le même motif que son accident de travail ". Dans ces conditions, la pathologie dont souffre l'intéressée doit être regardée comme la conséquence, non pas de l'accident du 10 juin 2010, mais de la situation conflictuelle préexistante à cette altercation.

10. Il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que, dans un courrier du 18 janvier 2016 adressé au médecin traitant de Mme D..., le médecin du service médical interprofessionnel de la région de Reims a estimé que le syndrome anxio-dépressif de l'agent était " vraisemblablement réactionnel à des situations professionnelles ". De même, le deuxième expert sollicité par la commune conclut, à l'issue de son examen du 18 octobre 2017, à l'existence d'un " lien direct, certain et exclusif " entre la symptomatologie anxio-dépressive réactionnelle de l'agent et l'accident de service déclaré le 10 juin 2017. Enfin, saisi par le comité médical départemental de la Marne le 24 janvier 2018 afin de savoir s'il y a lieu de placer l'intéressée en congé de longue maladie à compter du 10 juin 2017, un troisième expert affirme quant à lui : " Sans aucun antécédent psychiatrique personnel, Mme D... (...) présente un état anxieux grave avec un état dépressif de sévérité moyenne. Cet état paraît être réactionnel à une situation professionnelle compliquée et pathogène pour la patiente. ". Dans ces conditions, en l'absence d'éléments contraires et alors que l'avis défavorable de la commission départementale de réforme de la Marne du 23 novembre 2017 est uniquement motivé par " l'absence de fait accidentel (...) résultant d'une action soudaine et violente d'un événement extérieur ", la pathologie de Mme D... doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice des fonctions ou les conditions de travail.


11. Pour contester cette appréciation, la commune de Loivre ne saurait utilement soutenir qu'aucune faute ne peut lui être reprochée. De même, elle ne peut sérieusement prétendre que la pathologie de Mme D... serait liée à la procédure disciplinaire engagée à son encontre le 31 mai 2017. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'agent, ainsi que l'affirme la collectivité, aurait contribué, par son seul comportement, à la survenance de son état anxio-dépressif. S'il est vrai que Mme D... a fait l'objet, le 20 juin 2017, d'un blâme, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1701629 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 9 mai 2018, pour avoir refusé d'accomplir certaines tâches demandées par l'autorité hiérarchique, il n'est pas contesté qu'une partie des fonctions de secrétaire de mairie ne relève pas de son grade et que cette situation a rendu nécessaire le recrutement d'une rédactrice territoriale le 7 mars 2017. Enfin, à supposer même que la manière de servir de Mme D... ne soit pas entièrement satisfaisante et qu'elle aurait adopté un comportement fautif lors de l'altercation du 10 juin 2017, en hurlant à la maire de Loivre qu'elle était une " menteuse et une harceleuse ", de tels éléments ne suffisent pas, dans les circonstances de l'espèce, à détacher la pathologie du service.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté municipal du 22 décembre 2017 et a enjoint à la maire de Loivre de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme D... le 10 juin 2017.

Sur les frais de justice :

13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Loivre au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse de la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne la requête n° 19NC03774 :

Sur le sursis à l'exécution du jugement :

14. La cour statuant par le présent arrêt sur la requête tendant à l'annulation du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019, les conclusions de la requérante tendant au sursis à l'exécution de ce jugement ont perdu leur objet et il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.

15. La présente requête ne présentant pas de caractère abusif et injustifié, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'indemnisation de Mme D..., ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, ses conclusions à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusion à fin de sursis à l'exécution du jugement n° 1800386 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 novembre 2019 de la requête n° 19NC03774.
Article 2 : La requête n° 19NC03773 et le surplus des conclusions de la requête n° 19NC03774 sont rejetés.
Article 3 : La commune de Loivre versera à Mme D... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions à fin d'indemnisation et à fin d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, présentées par Mme D... dans l'instance n° 19NC03774, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Loivre et à Mme F... E..., épouse D....

N° 19NC03773 et 19NC03774 2