CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 17/11/2020, 19MA04742, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, M. A... C... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 26 décembre 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de majoration de pension militaire d'invalidité pour aide par tierce personne, au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par un jugement n° 18/00090 du 30 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées en tant qu'elle rejetait la demande d'allocation au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui en a accordé le bénéfice à compter du 11 octobre 2016.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 novembre 2019 et le 28 octobre 2020, la ministre des armées demande à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 30 août 2019.
Elle soutient que les seules infirmités de M. C... lui ouvrant droit à pension ne le mettent pas dans l'obligation de recourir à l'aide constante d'une tierce personne pour accomplir tout au long de la journée les actes les plus nombreux de la vie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2020, M. C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête de la ministre des armées et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par décision du 29 mai 2020, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., né le 22 janvier 1975, a servi jusqu'au 31 mars 2012 dans un régiment des chasseurs parachutistes, au grade de caporal-chef. Il a bénéficié à compter du
15 janvier 2014 au 14 janvier 2017 d'une pension militaire d'invalidité temporaire au taux global de 65% pour les infirmités " séquelles de traumatisme rachis cervical avec hernie discale C5-C6 opérée sur uncarthrose globale débutante ; raideur complète du rachis ; contractures hyperalgiques du rachis cervical avec irradiation aux membres supérieurs ", " séquelles de traumatisme du poignet droit à type de raideur en position favorable " et " séquelles de fracture de D11-D12 ; limitation du déroulement du rachis dorsal en flexion ". Il a demandé le 11 octobre 2016 une majoration de sa pension pour aggravation de ses infirmités et le bénéfice de la majoration de sa pension pour assistance d'une tierce personne. Par arrêté du
26 décembre 2017, la ministre des armées lui a accordé le bénéfice d'une pension globale définitive au taux de 65% pour les infirmités déjà pensionnées et d'une pension temporaire du
7 mars 2017 au 6 mars 2020 pour une cinquième infirmité " syndrome anxio-dépressif réactionnel ", portant sa pension au taux global, pour cette période, de 80%. Elle a en revanche refusé d'accorder une majoration de pension pour aggravation des infirmités pensionnées, considéré que M. C... n'avait pas droit à pension pour deux infirmités nouvelles décelées lors de l'expertise du 7 mars 2017 à savoir, d'une part des " douleurs neuropathiques et hypoesthésie mal systématisée des membres inférieurs ; perte de force des membres inférieurs ; troubles au niveau de la queue de cheval ", infirmité évaluée au taux de 10% mais non reconnue comme imputable au service par défaut de preuve et de présomption de preuve et d'autre part, une " hypoesthésie premier et deuxième doigts droits chez un droitier ", au motif que le taux de cette invalidité était inférieur au minimum indemnisable de 10%. Enfin, la ministre a refusé à
M. C... le bénéfice de l'allocation pour assistance par tierce personne. Saisi d'un recours de M. C... contre l'arrêté du 26 décembre 2017 en tant qu'il refusait de lui accorder le bénéfice de cette allocation, le tribunal des pensions de Marseille a annulé, dans cette mesure, l'arrêté contesté et a accordé à M. C... le bénéfice de l'allocation pour assistance par tierce personne à compter du 11 octobre 2016. La ministre des armées relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Les invalides que leurs infirmités rendent incapables de se mouvoir, de se conduire ou d'accomplir les actes essentiels de la vie ont droit à l'hospitalisation s'ils la réclament (...). S'ils ne reçoivent pas ou s'ils cessent de recevoir cette hospitalisation et si, vivant chez eux, ils sont obligés de recourir de manière constante aux soins d'une tierce personne, ils ont droit, à titre d'allocation spéciale, à une majoration égale au quart de la pension ".
3. D'une part, si ces dispositions ne peuvent être interprétées comme exigeant que l'aide d'un tiers soit nécessaire à l'accomplissement de la totalité des actes essentiels de la vie, elles imposent, toutefois, que l'aide d'une tierce personne soit indispensable ou bien pour l'accomplissement d'actes nombreux se répartissant tout au long de la journée ou bien pour faire face soit à des manifestations imprévisibles des infirmités dont le pensionné est atteint, soit à des soins dont l'accomplissement ne peut être subordonné à un horaire pré-établi et dont l'absence mettrait sérieusement en danger l'intégrité physique ou la vie de l'intéressé.
4. D'autre part, les infirmités qui doivent être prises en considération pour apprécier si un invalide remplit les conditions spéciales d'invalidité auxquelles le bénéfice de l'hospitalisation ou de la majoration est subordonné sont exclusivement celles qui ouvrent droit à pension au profit de l'intéressé.
5. Il ressort des pièces du dossier et en particulier du rapport d'expertise du docteur Saint Germes en date du 7 mars 2017 que M. C... est dans l'incapacité d'accomplir seul les actes de la vie quotidienne que sont la possibilité de quitter son lit, de satisfaire seul ses besoins naturels, de faire sa toilette, de se vêtir et de se dévêtir totalement, et d'utiliser un moyen de transport individuel et collectif. Il est également décrit comme sujet à des accès d'hyperalgies morphiniques constituant un danger pour sa vie et impliquant une surveillance constante. D'une part, si le besoin d'assistance par une tierce personne quotidienne est évalué à deux heures quotidiennes, les actes qui nécessitent une telle assistance se répartissent tout au long de la journée et ne peuvent pas être toujours subordonnés à un horaire préétabli. D'autre part, il ressort du rapport d'expertise que si une partie des difficultés de M. C..., impliquant les membres inférieurs, peut être imputable à des infirmités non pensionnées, les crises hyperalgiques morphiniques nécessitant une surveillance constante, et la plupart des impossibilités dont il est affecté, sont dues aux infirmités résultant de l'accident de saut en parachute survenu le
10 octobre 2010 à l'origine des infirmités pensionnées. Dès lors, M. C... remplissait les conditions pour bénéficier de l'allocation prévue par les dispositions précitées de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
6. Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision de la ministre des armées du 26 décembre 2017 en tant qu'elle rejetait la demande d'allocation au titre de l'article L. 18 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et lui en a accordé le bénéfice à compter du 11 octobre 2016.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me B... la somme de 2 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées, à M. A... C... et à
Me B....
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
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N° 19MA04742