CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 17/11/2020, 19MA05149, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision17 novembre 2020
Num19MA05149
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsJEAN-PAUL EON - CLAUDINE ORABONA AVOCATS ASSOCIES

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal des pensions de Bastia d'annuler la décision du 17 août 2017 par laquelle la ministre des armées a refusé de réviser pour aggravation sa pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1700024 du 19 novembre 2018, le tribunal des pensions de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée au greffe de la cour régionale des pensions de Bastia le 18 décembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Bastia du 19 novembre 2018.

Il soutient que les premiers juges ont omis de répondre à sa demande d'expertise présentée à titre subsidiaire alors que l'expert administratif avait retenu une aggravation de son état.

Par un mémoire en défense, enregistré au greffe de la cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence le 4 juin 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :
- le taux d'invalidité propre à l'infirmité " troubles de la personnalité " doit être maintenu à 60 % dès lors que ce taux est le maximum prévu par le décret du 17 mai 1974 et que le symptôme dépressif avait déjà été constaté en 2001 ;
- le taux d'invalidité propre à l'infirmité " syndrome déficitaire " ne peut davantage être augmenté en l'absence d'aggravation notable par rapport à l'état de l'intéressé constaté en 2014 et du fait de la disparition des troubles phasiques.


M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 décembre 2018.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, notamment l'article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Titulaire d'une pension militaire d'invalidité au taux de 100 % + 3° concédée par un arrêté du 21 juin 2010 au titre de cinq infirmités résultant de blessures reçues à l'occasion du service au cours des opérations en Afrique du Nord en 1958, M. C..., rayé des contrôles le 15 mai 1959, en a demandé, le 6 juillet 2015, la révision pour aggravation des infirmités " troubles de la personnalité " et " syndrome déficitaire ". Il fait appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le tribunal des pensions de Bastia a refusé de lui accorder le bénéfice de cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le tribunal des pensions de Bastia n'a pas répondu expressément à la demande présentée à titre subsidiaire par le requérant, dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 14 septembre 2018, il ressort des motifs du jugement attaqué qu'il a entendu écarter cette demande comme frustratoire. Ainsi, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur les conclusions à fin de révision :

3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. Cette demande est recevable sans condition de délai. La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, à l'appui de sa demande de révision de pension, M. C... a présenté un certificat médical daté du 16 juin 2015 mentionnant une dégradation de son état psychologique, marquée par l'apparition de symptômes dépressifs importants avec anhédonie et ralentissement psychomoteur, associés à une importante souffrance morale et à des idées morbides intrusives. L'expert chargé par l'administration d'examiner le requérant a constaté le 13 avril 2017, d'une part, un état dépressif sévère à symptomatologie mélancolique, ruminations mentales et anxiété avec irritabilité sensitive, d'autre part, d'importants troubles cognitifs avec difficultés attentionnelles majeures générant un dysfonctionnement de concentration et d'encodage mnésique. Il a proposé de porter le taux des infirmités " troubles de la personnalité " et " syndrome déficitaire ", respectivement, à 80 % et à 70 %. D'une part, toutefois, il ressort des motifs du jugement du tribunal départemental des pensions des Bouches-du-Rhône du 22 octobre 2009, qui a reconnu à l'intéressé, à compter du 28 mars 2003, le droit à la révision de sa pension du fait de l'aggravation de l'infirmité " troubles de la personnalité " et en a porté le taux de 30 % à 60 %, que M. C... était déjà à cette date du 28 mars 2003 atteint d'un syndrome anxio-dépressif sévère chronicisé depuis plusieurs mois. Si la fiche descriptive des infirmités accompagnant l'arrêté de concession du 21 juin 2010, pris en exécution de ce jugement, ne mentionnait pas la présence d'un état dépressif pour décrire l'infirmité " troubles de la personnalité ", le même expert avait déjà constaté le 14 avril 2004 un état de cette nature. D'autre part, les troubles cognitifs caractérisant l'infirmité " syndrome déficitaire " ne peuvent être regardés comme ayant été majorés par rapport au diagnostic établi dès 2004, date à laquelle l'expert avait constaté des troubles phasiques qu'il n'a pas retrouvés en 2017, pas davantage que des troubles praxiques. Dans ces conditions, c'est à bon droit que la ministre des armées a refusé de procéder à la révision de la pension concédée au requérant.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Bastia a rejeté sa demande.
D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. D..., président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 novembre 2020.
N° 19MA05149 2