CAA de NANCY, 3ème chambre, 18/12/2020, 19NC02313, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part, l'arrêté du 13 février 2018 par lequel le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne lui a accordé un congé de longue durée non imputable au service, d'autre part, la décision implicite de rejet de sa demande du 9 avril 2018 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie.
Par un jugement n° 1801778 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 juillet 2019, Mme C... A..., représentée par Me B..., doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1801778 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 mai 2019 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a implicitement rejeté sa demande du 9 avril 2018 tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;
2°) d'annuler cette décision implicite de rejet ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement de première est entachée d'une contradiction de motifs ;
- en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de son accident ou de sa maladie, la décision en litige est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article 21 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, et de celles de l'article 34 de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat ;
- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure, faute pour l'administration d'avoir consulté au préalable la commission de réforme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2019, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance, en tant qu'elle tend à l'annulation d'une prétendue décision implicite de rejet d'une demande adressée par un courrier du 9 avril 2018, méconnaît les dispositions du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative et doit être rejetée, en l'absence de décision contestée, pour irrecevabilité ;
- le moyen tiré du défaut de consultation de la commission de réforme, qui procède d'une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient les moyens invoqués par Mme A... en première instance, constitue une demande nouvelle en appel, qui est irrecevable ;
- en tout état de cause, les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A... est magasinière de bibliothèques. Après avoir travaillé au sein de l'université de Caen Basse-Normandie, elle a été affectée, le 1er septembre 2013, à l'université de Reims Champagne-Ardenne sur le site de la bibliothèque universitaire de Troyes. A compter du 9 janvier 2017, la requérante a été placée en arrêt de travail et a bénéficié d'un congé de longue de longue maladie jusqu'au 8 janvier 2018, puis d'un congé de longue durée jusqu'au 8 octobre 2018. Par un courrier du 9 avril 2018, reçu le 13 avril suivant, Mme A... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie. Sa demande s'étant heurtée au silence de l'administration, elle a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui en est résulté et à celle de l'arrêté du 13 février 2018 la plaçant en congé de longue durée non imputable au service. Elle relève appel du jugement n° 1801778 du 21 mai 2019, en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision implicite de rejet de sa demande du 9 avril 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Si Mme A... fait valoir que le jugement de première instance serait entaché d'une contradiction ou d'une incohérence entre ses motifs, cette circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... n'a soulevé, devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, que des moyens relatifs à la légalité interne de la décision implicite de rejet contestée. Si, devant la cour, elle soutient, en outre, que cette décision serait entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de consultation préalable de la commission de réforme sur l'imputabilité au service de sa maladie, un tel moyen de légalité externe, qui n'est pas d'ordre public et qui est fondé sur une cause juridique distincte de celle à laquelle se rattachaient ses moyens de première instance, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel. Par suite, il ne peut qu'être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; / 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. (...) / Les dispositions du deuxième alinéa du 2° du présent article sont applicables au congé de longue maladie. ". Et aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé (...). / L'intéressé a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° du I de l'article L. 24 du présent code. (...) ".
5. Par ailleurs, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " I.- Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) / II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. / (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / (...) / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / (...) ".
6. D'une part, en l'absence de dispositions contraires, les dispositions précitées du II et du IV de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, qui sont suffisamment claires et précises, sont d'application immédiate. Elles ont donc vocation à régir les situations en cours, sous réserve des exigences attachées au principe de sécurité juridique, qui exclut qu'elles s'appliquent à des situations juridiquement constituées avant leur entrée en vigueur intervenue le 21 janvier 2017. Les droits des agents publics en matière d'accident de service et de maladie professionnelle sont réputés constitués à la date à laquelle l'accident est intervenu ou la maladie diagnostiquée.
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... présente un état dépressif réactionnel, constaté par un certificat d'arrêt de travail du 9 janvier 2017, qui se serait manifesté à la suite des incidents survenus les 5 et 6 janvier 2017. Dans ces conditions, la situation de la requérante doit être regardée comme entièrement régie par les dispositions précitées de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984.
8. D'autre part, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. En revanche, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.
9. Mme A... soutient que son état dépressif réactionnel trouverait son origine dans les incidents survenus les 5 et 6 janvier 2017. Toutefois, si ces événements, liés à des dysfonctionnements affectant sa messagerie électronique, que la requérante a reprochés à un agent du service informatique, ont donné lieu à une convocation de l'intéressée à une réunion avec sa hiérarchie fixée le 30 janvier suivant, il ressort des pièces du dossier, spécialement des échanges de courriels produits, que sa pathologie ne peut être regardée comme la conséquence brutale d'un choc soudain. Dans ces conditions, ni les incidents des 5 et 6 janvier 2017, ni la convocation à la réunion du 30 janvier 2017, ne peuvent recevoir la qualification d'accident de service. En outre, si l'intéressée fait également état de dysfonctionnements récurrents dans l'organisation du travail, de difficultés liées à une instabilité des personnels de son service et de problèmes relationnels avec certains de ses collègues, les éléments versés aux débats, notamment les courriers du médecin du travail des 8 juin, 19 juillet et 19 septembre 2017 et ceux de son médecin traitant des 12 janvier et 11 mai 2018, ne permettent pas d'établir l'existence d'un lien direct entre son état dépressif réactionnel et l'exercice de ses fonctions ou ses conditions de travail. Par suite, alors que l'administration fait valoir en défense, sans être contredite, que la requérante est suivie depuis novembre 2013 pour des problèmes de stress et d'hypertension et qu'elle présente ainsi une prédisposition aux troubles psychiques dont elle souffre, le moyen tiré de ce que le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne aurait commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de décision implicite de rejet de sa demande formée le 9 avril 2018. Par suite, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais de justice :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la défenderesse en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'université de Reims Champagne-Ardenne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'avocats ACG Reims pour Mme C... A... en application des dispositions de l'article 6 du décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et à l'université de Reims Champagne-Ardenne.
N° 19NC02313 2