CAA de BORDEAUX, 1ère chambre, 22/12/2020, 20BX00280, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 décembre 2020
Num20BX00280
JuridictionBordeaux
Formation1ère chambre
PresidentMme HARDY
RapporteurMme Marianne HARDY
CommissaireM. ROUSSEL
AvocatsSELARL MDMH

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Limoges de procéder à la révision de sa pension de retraite militaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme globale de 26 503,28 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de prise en compte de l'imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement n° 1701836 du 21 novembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2020, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 21 novembre 2019 en tant qu'il porte sur sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, la somme de 18 503,28 euros en réparation de son préjudice matériel s'agissant du rappel de solde relatif à son placement en congé de longue maladie et, d'autre part, la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la cour est compétente dès lors qu'il ne fait appel que du rejet de sa demande indemnitaire ;
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité dès lors qu'ils n'ont pas statué sur ses conclusions indemnitaires ;
- compte tenu de l'imputabilité au service de sa maladie, il aurait dû percevoir sa solde entière durant toute la durée de ses congés de longue maladie en application de l'article L. 4138-13 du code de la défense, soit un rappel de 18 503,28 euros ;
- la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie remet en question la liquidation de sa pension de retraite qui doit être recalculée dès lors que la base de cotisation n'est plus la même ;
- en ne reconnaissant pas l'imputabilité de sa maladie au service l'administration a commis une faute qui a entrainé un trouble dans ses conditions d'existence et un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 8 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 août 2020, le ministre de l'action et des comptes publiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que le jugement attaqué ne pouvait que faire l'objet d'un pourvoi en cassation en application des dispositions de l'article R. 811-1 du code de justice administrative ;
- jusqu'au jugement du tribunal des pensions de Metz en 2017, M. E... n'a jamais remis en cause la non reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie alors que sa pension a été liquidée dès 2014 ; la demande de révision de sa pension d'invalidité relève ainsi d'une erreur de droit qui ne peut être corrigée que dans le délai d'un an prévu à l'article L. 55 du code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le lien de causalité entre l'absence de reconnaissance par l'administration de l'imputabilité au service de la maladie et les préjudices financier et moral invoqués n'est pas établi ;
- la pension militaire d'invalidité et la pension militaire de retraite ont des objets différents ; la reconnaissance par le tribunal des pensions de Metz de l'imputabilité au service de la maladie de M. E... n'implique donc pas nécessairement la révision de ses droits à pension militaire de retraite ;
- M. E... n'a pas demandé de surexpertise à l'occasion de son premier congé de longue maladie, dès lors il ne peut se prévaloir d'un préjudice financier en ce qu'il n'a pas touché sa solde complète pendant les trois ans de son congé ;
- M. E... ne démontre pas le caractère réel du préjudice moral qu'il aurait subi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 et notamment son article 5 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D... A...,
- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B... E..., né en 1981, caporal-chef au sein de l'armée de l'air, a été placé en congé de longue maladie à partir du 27 septembre 2011 jusqu'au 26 septembre 2014. Par un arrêté du 24 avril 2014, il a été réformé pour inaptitude physique au service et rayé des contrôles de l'armée de l'air à compter du 27 septembre 2014. Par un jugement du 12 janvier 2017, le tribunal des pensions de Metz a estimé que la maladie dont souffre M. E..., depuis son accident de service, survenu le 28 février 2008 au cours d'une séance d'instruction, était imputable au service mais a rejeté la demande de pension militaire d'invalidité qu'il avait présentée en relevant que le taux d'invalidité de 12 % proposé par l'expert ne permettait pas l'ouverture d'un droit à pension. Le 22 août 2017, M. E... a alors demandé au ministre de l'économie et des finances la révision de sa pension de retraite pour tenir compte de l'imputabilité au service de sa maladie ainsi qu'une indemnisation pour la perte de rémunération durant son congé longue maladie et la réparation du préjudice moral qui en découle. Par une décision implicite née du silence gardé par le ministre, sa demande a été rejetée. M. E... a alors saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant, d'une part, à la révision de sa pension de retraite et, d'autre part, à la réparation de son préjudice financier s'agissant du rappel de solde relatif à son placement en congé de longue maladie, pour un montant de 18 503,28 euros, et à la réparation de son préjudice moral, pour un montant de 8 000 euros. Par un jugement du 21 novembre 2019 le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. M. E... doit être regardé, compte tenu de ses écritures, comme relevant appel de ce jugement seulement en tant qu'il concerne ses conclusions indemnitaires.

Sur la compétence de la cour administrative d'appel :

2. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, M. E... doit être regardé comme relevant appel du jugement du président du tribunal administratif de Limoges seulement en tant qu'il ne s'est pas prononcé sur ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme globale de 26 503,28 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'absence de prise en compte de l'imputabilité au service de sa maladie durant son congé de longue maladie. Un tel litige n'entre pas au nombre de ceux pour lesquels le tribunal statue en premier et dernier ressort. Par suite, l'exception d'incompétence de la cour administrative d'appel soulevée par le ministre de l'action et des comptes publics doit être écartée.

Sur la régularité du jugement :

3. Il résulte de l'instruction que la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Limoges comportait également, ainsi qu'il a été dit précédemment, des conclusions tendant à la réparation des préjudices financier et moral qu'il estimait avoir subis du fait de l'absence de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie. Or, il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que le premier juge ne s'est prononcé que sur la demande tendant à la révision de la pension de retraite de M. E... mais a omis de se prononcer sur ses conclusions indemnitaires. Dans ces conditions, le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions et doit, par suite, être annulé pour ce motif.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Limoges pour qu'il statue sur la demande indemnitaire de M. E....

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 21 novembre 2019 est annulé en tant qu'il concerne les conclusions indemnitaires présentées par M. E....
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure indiquée à l'article 1er, devant le tribunal administratif de Limoges.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E..., au ministre de l'action et des comptes publics, à la ministre des armées et au président du tribunal administratif de Limoges.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2020 à laquelle siégeaient :
Mme D... A..., président,
M. Didier Salvi, président-assesseur,
Mme Charlotte Isoard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2020.

Le président


Marianne A...

La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX00280 2