CAA de NANTES, 5ème chambre, 12/01/2021, 19NT04750, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 27 février 2017 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'attribution de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2014 aux profit des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Par un jugement n° 1701924 du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 décembre 2019 et 30 novembre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 27 février 2017 du Premier ministre ;
3°) d'enjoindre au Premier ministre de lui accorder cette aide financière, sous forme de capital, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- il est établi que son père a été arrêté puis exécuté en deux endroits différents ; il peut bénéficier de l'aide prévue par le décret du 27 juillet 2014.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2020, le Premier ministre conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 18 octobre 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 27 février 2017 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'attribution de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2014 aux profit des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. M. B... relève appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale : " Toute personne, dont la mère ou le père, de nationalité française ou étrangère, a été déporté, à partir du territoire national, durant l'Occupation pour les motifs et dans les conditions mentionnées aux articles L. 272 et L. 286 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, et a trouvé la mort en déportation, a droit à une mesure de réparation, conformément aux dispositions du présent décret, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. / Ce régime bénéficie également aux personnes, mineures de moins de vingt et un ans au moment des faits, dont le père ou la mère, de nationalité française ou étrangère, a, durant l'Occupation, été exécuté dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du même code. / (...) ". Aux termes de l'article L. 274 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur et devenu l'article L. 342-3 du même code : " Les personnes arrêtées et exécutées pour actes qualifiés de résistance à l'ennemi sont considérées comme internés résistants, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori si elles ont été exécutées sur-le-champ ". Aux termes de son article L. 290, alors en vigueur devenu l'article L. 343-5 : " Les Français ou ressortissants français qui, à la suite de leur arrestation, pour tout autre motif qu'une infraction de droit commun, ont été exécutés par l'ennemi, ont droit au titre d'interné politique, quelle que soit la durée de leur détention, a fortiori s'ils ont été exécutés sur-le-champ ".
3. Le décret du 27 juillet 2004 institue une mesure d'aide financière, d'une part, en faveur des orphelins dont la mère ou le père a été déporté à partir du territoire national durant l'Occupation soit comme déporté résistant au sens de l'article L. 272 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, soit comme déporté politique au sens de l'article L. 286 de ce code, et a trouvé la mort en déportation, d'autre part, en faveur des orphelins dont le père ou la mère a été arrêté et exécuté comme interné résistant ou interné politique au sens respectivement des articles L. 274 et L. 290 de ce code. L'objet de ce texte est ainsi d'accorder une mesure de réparation aux seuls orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la période de l'Occupation.
4. Il ressort, notamment, des énonciations du procès-verbal de la gendarmerie nationale établi le 4 avril 1943, que M. E... B..., père du requérant, a été tué dans la nuit du 3 au 4 avril 1943 par une sentinelle allemande, près d'un parc de véhicules des troupes allemandes, par un tir réalisé à 70 mètres de distance et, selon les autorités allemandes, après deux tirs de sommation auxquels il n'a pas obtempéré, alors qu'il se rendait à bicyclette chercher un médecin durant le couvre-feu, sur le chemin vicinal n° 8, à Pipriac. Si le procès-verbal fait état de ce que des traces de sang ont été retrouvées sur le chemin départemental n° 59, en face de la maison d'habitation du médecin, ces éléments ne suffisent pas à établir que le père de M. B..., aurait été arrêté par la sentinelle allemande avant d'être exécuté alors, en outre, que le requérant soutient qu'il " tient pour information que les Allemands se sont rendus en pleine nuit devant le domicile du médecin " pour tenter de le soigner. Dans ces conditions, et aussi tragiques que soient les circonstances du décès de M. E... B..., elles ne peuvent être regardées comme entrant dans les prévisions de l'article L. 290 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. Dès lors, son fils, M. B..., qui ne satisfait pas aux conditions d'octroi de l'aide financière instituée par le décret du 27 juillet 2004 susvisé, attribuée aux orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie pendant la Deuxième Guerre mondiale, ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761- 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être également rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au Premier ministre.
Copie en sera adressée, pour information, à l'Office national des anciens combattants.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme A..., présidente-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2021.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
T. CELERIER
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04750