CAA de NANCY, 4ème chambre, 22/09/2020, 19NC03785, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 septembre 2020
Num19NC03785
JuridictionNancy
Formation4ème chambre
PresidentMme GHISU-DEPARIS
RapporteurMme Sandrine ANTONIAZZI
CommissaireM. MICHEL
AvocatsBAI-MATHIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal des pensions de Strasbourg d'annuler la décision du 3 juillet 2014 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité. Par un jugement n° 15/00001 du 19 octobre 2015, le tribunal des pensions a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16/0004 du 22 septembre 2016, la cour régionale des pensions de Colmar a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.

Par une décision n° 406621 du 4 octobre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour régionale des pensions de Metz.




Procédure devant la cour :


Par sa requête, enregistrée le 28 janvier 2016 devant la cour régionale des pensions de Colmar, M. A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Strasbourg du 19 octobre 2015 ;

2°) d'annuler la décision de rejet du ministre de la défense du 3 juillet 2014 ;

3°) de faire droit à sa demande de pension pour l'infirmité résultant de la brûlure thermique de l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce gauche au taux de 10%.

M. A... soutient que :
- son invalidité, qui est la séquelle de la brûlure occasionnée durant son service le 26 novembre 1998, est supérieure au taux de 5% ;
- le ministre de la défense a méconnu les dispositions des articles L. 4 et L. 14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.


Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2016, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête de M. A....

Il fait valoir que :
- le tribunal des pensions a jugé que l'existence d'un lien entre l'infirmité rizarthrose débutante de M. A... et l'accident survenu en service lors d'un exercice de soudage occasionnant une brûlure n'était pas établie ;
- la requête, qui ne constitue qu'une reproduction littérale de ses conclusions de première instance, n'est pas susceptible de remettre en cause le jugement motivé du tribunal.


Par des mémoires, enregistrés les 2 février 2018 et 28 mai 2018 devant la cour régionale des pensions de Metz, postérieurement à la décision du Conseil d'Etat, la ministre des armées conclut aux mêmes fins que précédemment.

Elle soutient que :
- les juridictions des pensions peuvent rejeter une demande de vérification médicale complémentaire dès lors que le requérant ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause le jugement attaqué ;
- dès lors que son taux d'invalidité pour l'infirmité nouvelle est inférieur à 10%, la pension du requérant ne peut pas être révisée.


Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2018, M. A..., représenté par Me C..., conclut aux mêmes fins que précédemment et à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée.



Il soutient que :
- compte tenu des contradictions entre les deux expertises médicales sur lesquelles le jugement s'est fondé, une nouvelle expertise médicale doit être ordonnée afin d'évaluer l'imputabilité au service de l'infirmité nouvelle ;
- son taux d'invalidité pour cette infirmité nouvelle est de 10%.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et notamment son article 51 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :
1. M. A... bénéficiait d'une pension militaire d'invalidité mixte au taux de 40 % au titre de troubles psychiques évoluant avec des acouphènes. Le 29 août 2013, M. A... a demandé au ministre de la défense une pension militaire d'invalidité pour une infirmité nouvelle. Par une décision du 3 juillet 2014, la demande de M. A... a été rejetée. Après avoir ordonné une expertise médicale avant-dire droit, le tribunal des pensions de Strasbourg a débouté M. A... de son recours par un jugement du 19 octobre 2015. M. A... a fait appel de ce jugement devant la cour régionale des pensions de Colmar. Par un arrêt du 22 septembre 2016, la cour régionale des pensions de Colmar a confirmé le jugement rendu par le tribunal des pensions de Strasbourg. Par une décision du 4 octobre 2017, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour régionale des pensions de Metz. En application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607, la cour régionale des pensions de Metz a transmis à la cour administrative d'appel de Nancy le dossier de M. A... afin qu'il soit statué sur sa demande.

2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable au litige : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 précité du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.

4. M. A... fait état d'une infirmité résultant de douleurs de l'articulation proximale du pouce gauche associées à des difficultés de préhension. Il soutient, pour justifier l'imputabilité au service de l'affection dont il souffre, avoir subi une brûlure thermique du deuxième degré en regard de l'articulation métacarpo-phalangienne du premier doigt de la main gauche le 26 novembre 1998, alors qu'il utilisait un chalumeau.

5. Toutefois, le rapport établi par le Dr Boeri, chirurgien orthopédique et traumatologue, à la suite de l'expertise prescrite par un jugement avant-dire droit du tribunal des pensions de Strasbourg du 18 mai 2015, conclut que M. A... souffre d'une chondropathie débutante de la première articulation métarpo-phalangienne gauche sans rhizarthrose associée dont l'étiologie est d'origine dégénérative et non traumatique qui ne peut ainsi pas être rattachée de manière directe et certaine à l'accident subi le 26 novembre 1998. De plus, le rapport d'expertise établi par le Dr Hoechstetter, rhumatologue, le 28 octobre 2013, bien qu'il concluait à l'existence d'une rhizarthrose débutante, a également exclu le lien entre cette dernière et l'accident de service de 1998. Si ces deux expertises diffèrent sur le diagnostic de rhizarthrose, elles concluent toutefois à l'absence de lien entre les douleurs de M. A... et son accident et ne comportent ainsi pas des contradictions telles qu'elles justifieraient le recours à une nouvelle expertise.
6. Par conséquent, M. A... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, pour l'application de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, de l'existence d'un fait précis de service à l'origine des douleurs dont il souffre.
7. Dès lors que l'infirmité nouvelle pour laquelle M. A... a présenté sa demande n'est pas reconnue imputable au service, le moyen relatif au taux qui doit être affecté à cette infirmité est inopérant.
8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Strasbourg a rejeté sa demande de pension à ce titre.


D E C I D E :



Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la ministre des armées.

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N° 18NC02439