CAA de LYON, 3ème chambre, 11/02/2021, 19LY00187, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 février 2021
Num19LY00187
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentMme PAIX
RapporteurM. Pierre THIERRY
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsCABINET COLL

Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation de préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de sa mise à la retraite anticipée pour invalidité.
Par un jugement n° 1607921 du 21 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 janvier 2019 et un mémoire, enregistré le 31 juillet 2020 et non communiqué, M. D..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 novembre 2018 ;
2°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui payer la somme 45 000 euros assortie des intérêts de droit à compter de la notification de sa demande préalable indemnitaire ;
3°) de mettre à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, les juges de première instance ayant inversé la charge de la preuve ;
- la décision de mise à la retraite est illégale :
o l'arrêté de mise à la retraite n'a pas été signé par l'autorité compétente ;
o la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
o elle est entachée d'un vice de procédure, la convocation et la composition de la commission de réforme étant irrégulière ;
o l'administration s'est estimée en situation de compétence liée vis-à-vis de l'avis de la commission de réforme ;
o l'arrêté est illégal en raison de sa rétroactivité ;
o la décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation car son invalidité n'est pas avérée ;
o la décision est entachée d'un détournement de pouvoir ;
- sur le préjudice matériel : il ne dispose pas d'une retraite à taux plein car il a été placé à la retraite avant qu'il ait atteint l'âge de faire valoir ses droits ; ce préjudice doit être indemnisé par une somme de 30 000 euros.
- il a subi un préjudice moral qui doit être indemnisé par une somme de 15 000 euros ;
- il est donc fondé à demander la condamnation des HCL à lui verser 45 000 euros hors taxe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mai 2020, les Hospices civils de Lyon représentés par la SELARL Jean-Pierre et G... agissant par Me G..., concluent au rejet de la requête et demandent que soit mise à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Ils soutiennent que :
- les moyens de légalité externe soulevés pour la première fois en appel sont irrecevables ;
- les demandes indemnitaires supplémentaires invoquées en appel sont irrecevables ;
- les autres moyens doivent être écartés.

Par ordonnance du 18 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;



Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- La loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... D..., maître ouvrier titulaire recruté par les Hospices civils de Lyon en 1975, a été placé d'office à la retraite pour invalidité à compter du 1er mars 2014 par une décision du 25 juillet 2014. Il relève appel du jugement rendu le 21 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation des Hospices civils de Lyon en réparation du préjudice lié à son placement à la retraite qu'il estime avoir subi.
Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires nouvelles formées en appel :
2. M. D... ne produit aucun élément de nature à établir une aggravation de son préjudice depuis sa réclamation préalable et ne soutient pas davantage que le dommage dont il s'estime victime présenterait un caractère continu. Par suite, ses conclusions en tant qu'elles augmentent le montant de son préjudice initialement fixé à 30 000 euros dans sa réclamation préalable et devant les premiers juges, constituent une demande nouvelle en appel et sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Pour la première fois en appel, M. D... soutient que la décision est entachée de divers vices de régularité tenant à la forme de cette décision, son insuffisance de motivation, et la procédure concernant l'avis rendu par la commission de réforme. Si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure ou d'une forme régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. A supposer même que la décision litigieuse de mise à la retraite de M. D... pour invalidité soit entachée d'un vice de procédure ou de forme, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction, que cette décision ne pouvait être légalement prise pour les motifs qui la fondent. Les irrégularités invoquées ne sont dès lors, et en tout état de cause, pas de nature à engager la responsabilité fautive de l'administration.
4. En premier lieu, une délégation de signature a été délivrée à Mme F..., directrice du personnel et des affaires sociales des Hospices civils de Lyon par arrêté du 11 avril 2014 qui donne également délégation à Mme H..., directrice de la gestion des carrières du budget et des effectifs des Hospices civils de Lyon en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F.... M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que l'arrêté décidant de sa mise à la retraite, pris au nom de Mme F... et comportant la signature et le tampon de Mme H... émane d'une autorité incompétente.
5. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune pièce ou élément de l'instruction que pour prendre cette décision son auteur se soit estimé en situation de compétence liée par l'avis de la commission de réforme rendu le 13 février 2014.
6. En troisième lieu, il résulte de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière que : " Le fonctionnaire en activité a droit : A des congés de maladie en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et que si cette maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, il conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. ". L'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, prévoit que : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, (...) et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ". Enfin l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 dispose que : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". En vertu des dispositions des articles 30 et 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, tels les fonctionnaires soumis aux dispositions de la loi du 9 janvier 1986, le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison de l'une des causes mentionnées ci-dessus peut, à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont il bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office.
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fonctionnaire dont les blessures ou la maladie proviennent d'un accident de service, d'une maladie contractée ou aggravée en service ou de l'une des autres causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions au terme d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé de maladie, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou d'un congé de longue durée, doit bénéficier de l'adaptation de son poste de travail ou, si celle-ci n'est pas possible, être mis en mesure de demander son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, s'il a été déclaré en mesure d'occuper les fonctions correspondantes. S'il ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, il peut être mis d'office à la retraite par anticipation. L'administration a l'obligation de maintenir l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre le service ou jusqu'à sa mise à la retraite.

8. Il résulte de l'instruction que M. D... est atteint d'une tendinopathie de l'épaule droite et de douleurs au poignet droit à l'origine d'une incapacité permanente partielle de 8 % imputable à un accident de service, ainsi que d'une cervicalgie chronique avec névralgie cervico-brachiale lui occasionnant une incapacité permanente partielle de 3 % non imputable au service. A la suite d'arrêts de travail répétés depuis 2010, les Hospices civils de Lyon lui ont proposé un temps partiel thérapeutique sur un poste de livraison de colis, sur lequel il avait déjà travaillé, aménagé pour qu'il soit dispensé du port de colis lourds, les tâches y afférentes étant réparties sur le reste de l'équipe. Il ressort toutefois d'un rapport du 22 octobre 2012, que, malgré cet aménagement, M. D... s'est plaint rapidement de douleurs en lien avec sa pathologie et qu'il a alors été placé en congé de maladie. Dans un rapport du 23 octobre 2013, le médecin agréé ayant examiné M. D..., a considéré que la reprise d'une " activité de manutention ne pourra qu'aggraver l'état médical " et que " L'administration n'étant pas en mesure de proposer un aménagement excluant réellement la manutention, il y a lieu de retenir une inaptitude définitive qui doit être considérée comme imputable au service ". Par l'avis susmentionné du 13 février 2014, la commission de réforme s'est prononcée pour son placement en retraite pour invalidité, lequel est intervenu, comme il a été dit, par la décision litigieuse du 25 juillet 2014.
9. M. D..., qui n'a jamais demandé l'annulation de cette décision, ni davantage contesté les conclusions du médecin agréé, expose qu'il était, malgré tout, apte à reprendre des fonctions. Toutefois, il n'apporte, à l'appui de ces allégations, aucun élément médical permettant de démentir l'inaptitude constatée par le médecin agréé, ni ne précise la nature des fonctions qu'il aurait été apte à assumer malgré sa pathologie. Si M. D... a effectivement présenté sa candidature au poste de vaguemestre, il n'est pas contesté que ce poste nécessitait des capacités de manutention dont il avait déjà fait l'expérience et qu'elles étaient incompatibles avec sa pathologie. Par suite, dès lors qu'aucun élément ne permet de constater que M. D... était apte à la reprise de fonctions au sein des Hospices civils de Lyon, il n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance d'une obligation de reclassement de leur part. Il n'est pas non plus fondé, dans ces circonstances, à soutenir que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en retenant, au point 3 du jugement contesté, qu'il ne produisait aucune pièce susceptible d'établir son aptitude à exercer d'autres fonctions et ne faisait état d'aucune précision concernant les autres postes sur lesquels il aurait postulé avant sa mise à la retraite.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office ; dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée sans délai si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement (...) ". Aux termes de l'article de l'article R. 36 du même code : " La mise en paiement de la pension de retraite ou de la solde de réforme peut être antérieure à la date de la décision de radiation des cadres lorsque cette décision doit nécessairement avoir un effet rétroactif en vue soit d'appliquer des dispositions statutaires obligeant à placer l'intéressé dans une position administrative régulière, soit de tenir compte de la survenance de la limite d'âge, soit de redresser une illégalité ".


11. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. Par suite, en l'absence de disposition législative l'y autorisant, l'administration ne peut, même lorsqu'elle est saisie d'une demande de l'intéressé en ce sens, déroger à cette règle générale et conférer un effet rétroactif à une décision d'admission à la retraite, à moins qu'il ne soit nécessaire de prendre une mesure rétroactive pour tirer les conséquences de la survenance de la limite d'âge, pour placer l'agent dans une situation régulière ou pour remédier à une illégalité.
12. Il ne résulte d'aucun élément du dossier que M. D... avait atteint, le 1er mars 2014, l'âge limite de départ à la retraite, ni qu'il était dans une position administrative irrégulière qu'il fallait régulariser rétroactivement, ni qu'il était nécessaire de redresser une illégalité relative à ses droits à la retraite. Il est, par suite, fondé à soutenir qu'en le plaçant, par la décision litigieuse du 25 juillet 2014, à la retraite avec un effet rétroactif au 1er mars 2014, les Hospices civils de Lyon ont entaché leur décision d'une rétroactivité illégale. M. D... ne précise toutefois aucun élément relatif à sa situation au regard du calcul de sa pension et il ne conteste pas que le versement de celle-ci lui a été, entre le 1er mars 2014 et le 25 juillet 2014, plus favorable que le salaire à demi-traitement qu'il percevait. Dans ces conditions, la seule circonstance de son départ prématuré à la retraite, de moins de cinq mois, ne permet pas d'établir la réalité des préjudices matériel et moral dont il demande réparation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de Hospices civils de Lyon, qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions de M. D... en ce sens doivent être rejetées.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 700 euros qu'il paiera aux Hospices civils de Lyon, au titre des frais non compris dans les dépens que ceux-ci ont exposés.
DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera une somme de 700 euros aux Hospices civils de Lyon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2021 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente de chambre,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.





















No 19LY001872