CAA de LYON, 7ème chambre, 15/04/2021, 19LY04047, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision15 avril 2021
Num19LY04047
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. JOSSERAND-JAILLET
RapporteurM. Daniel JOSSERAND-JAILLET
CommissaireM. CHASSAGNE
AvocatsVRAY

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal des pensions de Lyon d'annuler la décision du 13 avril 2017, par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de pension militaire d'invalidité et de lui reconnaître un droit à révision de sa pension pour aggravation de son infirmité au taux de 10 %.

Par un jugement n° 17/00005 du 9 avril 2019, le tribunal des pensions a annulé cette décision et a accordé à M. B... une pension au taux de 20 % à compter du 24 juin 2013.
Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 mai 2019, transférée à la cour le 1er novembre 2019 en application de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, et un mémoire, enregistré le 22 janvier 2021, la ministre des armées demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions du 9 avril 2019 ;
2°) de confirmer sa décision du 13 avril 2017.


Elle soutient que :
- en retenant une aggravation de la surdité gauche, affection pour laquelle M. B... n'est pas pensionné et qui n'est pas imputable à l'accident initial, le tribunal a entaché sa décision d'une erreur de droit ;
- seuls les acouphènes au titre desquels M. B... est pensionné pouvaient être pris en compte par l'expertise ;
- l'aggravation de ces acouphènes n'est pas établie par l'expert, qui ne pouvait dès lors porter le taux de l'invalidité à 20 %.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 octobre 2020, M. C... B..., représenté par Me A... conclut :
- au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en ce que le taux de son invalidité pensionnée soit porté à 30 % ;
- à ce que soit mise à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :
- si la surdité a été prise en compte par le jugement attaqué, c'est pour constater l'aggravation des acouphènes ;
- les pièces médicales produites et notamment l'expertise établissent un acouphène à 8 000 Hz masqué à 75 dB, justifiant ainsi de l'aggravation de son infirmité ;
- l'intensité de celui-ci, notamment dans ses conséquences sociales invalidantes, justifie un taux de 30 %.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juin 2019.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 et le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;


Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me A..., pour M. B... ;



Considérant ce qui suit :


1 Alors qu'il effectuait son service national actif, M. C... B... a subi, le 17 janvier 1978, au cours d'un exercice de tir, un traumatisme sonore dont il a gardé pour séquelle un acouphène de l'oreille gauche au titre duquel lui a été accordé, par un arrêté du 14 janvier 2008, une pension militaire d'invalidité définitive au taux de 10 %. Le 24 juin 2013, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. Le tribunal des pensions de Lyon, après une expertise médicale, a annulé la décision du 13 avril 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté cette demande, et a condamné la ministre des armées à verser à M. B... une pension d'invalidité au taux de 20 % par un jugement du 9 avril 2019. La ministre des armées demande l'annulation de ce jugement et M. B..., par des conclusions incidentes en appel, la réformation de celui-ci en portant le taux de son infirmité à 30 %.
2 Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; / 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. " En vertu de l'article L. 154-1 de ce code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. " Il résulte de ces dispositions qu'au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle.
3 Par un arrêté du 14 janvier 2008, le ministre de la défense a concédé à M. B... à titre définitif une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % au titre d'acouphènes de l'oreille gauche, trouvant leur origine dans la blessure reçue le 17 janvier 1978.
4 Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport médical du 12 avril 2006 et de l'expertise du 10 octobre 2018 ordonnée par le jugement du 11 juin 2018 du tribunal des pensions, que M. B..., qui n'a fait état d'aucun événement nouveau susceptible d'affecter ses capacités auditives, sans qu'aucune lésion physiologique ait été objectivée par les explorations conduites, souffrait à compter du 17 janvier 1978 d'un acouphène gauche à la fréquence de 8 000 Hz masqué à 70 dB en 2006 et mesuré à 35 dB. Tandis que M. B... a fait valoir, devant les différents médecins qu'il a consultés entre la date de sa demande initiale de pension et celle de sa demande de révision, une amplification invalidante des conséquences fonctionnelles de sa pathologie auditive, il ressort de l'examen clinique mené lors de l'expertise du 10 octobre 2018 qu'à cette date l'acouphène était entendu sur la fréquence 8 000 Hz et masqué à 75 dB. Par ailleurs, les constatations effectuées le 13 juin 2013 par le Dr Zeler, relevées dans le rapport d'expertise, si elles ne chiffrent pas la mesure de l'intensité de cet acouphène, soulignent la dégradation de l'atteinte fonctionnelle de la perception auditive de M. B... dans les aigus par rapport à un bilan effectué en juin 2006. Dès lors, ainsi que l'a relevé le tribunal des pensions, il est établi que l'infirmité d'acouphènes de l'oreille gauche au titre de laquelle M. B... est pensionné par la décision en litige s'est aggravée entre l'attribution initiale de sa pension et la date de sa demande de révision, le 24 juin 2013. La circonstance que le tribunal ait évoqué, dans les motifs du jugement attaqué, la surdité de perception présentée par ailleurs par l'intéressé pour relever, à juste titre, que cette dernière affection a pour effet d'amplifier la gêne fonctionnelle générée par les acouphènes dont l'intensité est ainsi plus fortement perçue, n'a pas pour conséquence d'avoir substitué cette affection à l'infirmité pensionnée pour fondement du jugement.
5 Il résulte de ce qui précède que la ministre des armées, qui ne conteste pas en appel le taux de l'infirmité retenu par l'expert, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a annulé la décision du 13 avril 2017.
Sur les conclusions incidentes de M. B... :
6 Aux termes de l'article L. 121-4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le taux d'invalidité résultant de l'application des guides barèmes mentionnés à l'article L. 125-3. " L'article L. 121-5 précise que " La pension est concédée : / 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; / 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le taux global d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; / 3° Au titre d'infirmités résultant exclusivement de maladie, si le taux d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : - a) 30 % en cas d'infirmité unique ; - b) 40 % en cas d'infirmités multiples. / Aucune pension n'est concédée en deçà d'un taux d'invalidité de 10 %. "
7 Il ressort du rapport d'expertise du 10 octobre 2018 que, pour évaluer le taux d'aggravation de l'infirmité constituée par les acouphènes de l'oreille gauche de M. B..., l'expert a pris en compte les conséquences fonctionnelles de ceux-ci, dont notamment les troubles du sommeil et les conséquences socialement invalidantes manifestées par l'intéressé. En se bornant à faire valoir l'importance de ces dernières, M. B... ne conteste pas sérieusement l'évaluation opérée par l'expertise, qui n'apparaît pas entachée d'erreur manifeste, de l'aggravation mesurée par l'examen clinique, les explorations fonctionnelles et les constatations, et chiffrée au taux de 10 %, par différence entre le taux global estimé à 20 % et le taux initial de l'infirmité. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander que le taux de cette dernière soit porté à 30 % et que le jugement attaqué soit réformé sur ce point par la voie de l'appel incident.
8 Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, la ministre des armées n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a annulé la décision du 13 avril 2017 et l'a condamnée à verser à M. B... une pension militaire d'invalidité au taux de 20 % à compter du 24 juin 2013, d'autre part, M. B... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Lyon a fixé à 20 % ce taux. Par voie de conséquence, les conclusions que ce dernier présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant à la réformation du jugement du 9 avril 2019 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2021 à laquelle siégeaient :
M. Josserand-Jaillet, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2021.
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