CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 20/04/2021, 19MA05034, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 avril 2021
Num19MA05034
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsTOUZELLIER

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal départemental des pensions militaires d'invalidité du Gard d'annuler la décision du 25 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de pathologie respiratoire et celle d'hypertension artérielle.

Par un jugement n° 18/00001 du 12 octobre 2018, le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la Cour :

La cour d'appel de Nîmes, chambre des pensions militaires, a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 15 novembre 2018.

Par ce recours et un mémoire, enregistré le 19 septembre 2019, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du
12 octobre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 25 novembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;

3°) de reconnaître son droit à pension au titre de ses infirmités au titre d'une allocation annuelle d'un montant de 9 031,25 euros, et à tout le moins de 3 121,20 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce à recevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient qu'en-dehors des cas d'amputations et d'exérèses d'organe, les degrés de pourcentage d'invalidité figurant au guide barème sont indicatifs ; par suite, il est fondé à faire valoir que les taux d'invalidité retenus par les experts médicaux lui soient appliqués, et à tout le moins, à ce que soit reconnu un taux global d'invalidité de 44%.


Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 14 octobre 2019 et le
3 janvier 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 10 septembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
25 septembre 2020 à 12 heures.


M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du
5 décembre 2018.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 99-440 du 10 juin 1999 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des atteintes de l'appareil respiratoire et portant modification du guide-barème annexé au décret du 29 mai 1919 déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 96-1099 du 16 décembre 1996 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des affections cardio-vasculaires et portant modification du guide-barème annexé au décret du 29 mai 1919 modifié déterminant les règles et barèmes pour la classification des infirmités d'après leur gravité en vue de la concession des pensions accordées par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 16 avril 1940 à Nechmeya en Algérie, a été appelé à l'activité le
14 mai 1960 et a été rayé des contrôles le 31 juillet 1962 en raison de la découverte d'un souffle systolique. Le résumé clinique de sortie d'hospitalisation au centre hospitalier d'Orlénsville mentionne, le 30 avril 1962, un bilan cardio vasculaire sans rien à signaler et une semaine d'exemption de service. M. C... a, le 19 novembre 2013, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité. Le ministre de la défense a rejeté le 25 novembre 2016 la demande de pension de l'intéressé au titre de deux infirmités que sont " insuffisance respiratoire modérée " et " hypertension artérielle sans retentissement viscéral notable ". M. C... fait appel du jugement du 12 octobre 2018 par lequel le tribunal des pensions du département du Gard a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.

Sur les droits à pension de M. C... :

2. Premièrement, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité prévue à l'article L. 3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, le demandeur de la pension doit apporter la preuve de l'existence d'une relation certaine et directe de cause à effet entre les troubles qu'il invoque et des circonstances particulières de service à l'origine de l'affection. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité est apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.


3. Deuxièmement, aux termes de l'article L. 10 du même code : " Les degrés de pourcentage d'invalidité figurant aux barèmes prévus par le quatrième alinéa de l'article L. 9 sont : / a) Impératifs, en ce qui concerne les amputations et les exérèses d'organe ; / b) Indicatifs dans les autres cas. / Ils correspondent à l'ensemble des troubles fonctionnels et tiennent compte, quand il y a lieu, de l'atteinte de l'état général. ". En vertu de l'article L. 26 du code susvisé : " Toute décision administrative ou judiciaire relative à l'évaluation de l'invalidité doit être motivée par des raisons médicales et comporter, avec le diagnostic de l'infirmité, une description complète faisant ressortir la gêne fonctionnelle et, s'il y a lieu, l'atteinte de l'état général qui justifient le pourcentage attribué ".

En ce qui concerne l'infirmité correspondant à une insuffisance respiratoire :

4. Aux termes du décret n° 99-490 du 10 juin 1999 modifié précité applicable aux faits de l'espèce / Annexes / Titre XV : appareil respiratoire / Chapitre II : Aspects cliniques et évaluation des taux d'invalidité / Section A : Les insuffisances respiratoires chroniques : Aspects cliniques et évaluation des taux d'invalidité : " L'exploration fonctionnelle des insuffisances respiratoires chroniques comportera obligatoirement une spirométrie avec une courbe des débits et des volumes et mesure de la capacité résiduelle fonctionnelle permettant le calcul du volume résiduel. Le bilan pourra éventuellement être complété par la mesure de la capacité de transfert du monoxyde de carbone (CO), une étude de la gazométrie sanguine de repos, voire d'effort, ou la mesure de la saturation en oxygène de l'hémoglobine (SaO2) transcutanée. Par ailleurs, la détermination de la consommation maximale d'oxygène à l'effort peut être utile pour évaluer le déficit respiratoire. La diminution de la capacité pulmonaire totale (CPT) définit le syndrome restrictif. La diminution du rapport VEMS/CV définit le syndrome obstructif (VEMS = volume expiratoire maximum seconde - CV = capacité vitale). Les débits pulmonaires supérieurs à 80 % de la norme sont considérés comme normaux, il en est de même des volumes pulmonaires compris entre 80 et 120 % de la norme. Dans ces cas, le taux d'invalidité ne peut être de plus de 10 %. On définira quatre stades d'insuffisance respiratoire : 1° L'insuffisance respiratoire modérée : - syndrome restrictif avec CPT comprise entre 71 et 80 % de la valeur théorique ; - syndrome obstructif (diminution du rapport VEMS/CV) avec VEMS compris entre 61 et 80 % de la valeur attendue ; - diminution des volumes pulmonaires et débits expiratoires de moins de 20 %, mais s'accompagnant d'une hypoxémie d'effort et/ou d'une diminution de la capacité de transfert du CO normée par rapport au volume alvéolaire de plus de 30 %. Taux d'invalidité : 20 à 40 %. 2° L'insuffisance respiratoire moyenne : - syndrome restrictif avec CPT comprise entre 61 et 70 % de la valeur théorique ; - syndrome obstructif avec VEMS entre 51 et 60 % de la valeur attendue ; Taux d'invalidité : 40 à 60 %. 3° L'insuffisance respiratoire grave : - syndrome restrictif avec CPT comprise entre 40 et 60 % de la valeur théorique ; - syndrome obstructif avec VEMS compris entre 40 et 50 % de la valeur attendue ; - la constatation d'une hypoxémie de repos avec PaO2 entre 60 et 70 mmHg, contrôlée à l'état stable, à distance de tout épisode de surinfection, avec ou sans signe de retentissement cardiaque droit objectivé par l'électrocardiogramme et l'échographie cardiaque, fera entrer le malade dans la catégorie des insuffisances respiratoires graves. Il en sera de même lors de l'existence du syndrome d'apnée du sommeil nécessitant un appareillage (pression positive continue par voie nasale). Taux d'invalidité : 60 à 90 %. 4° L'insuffisance respiratoire sévère : - syndrome restrictif avec CPT inférieure à 40 % de la valeur théorique ; - syndrome obstructif avec VEMS inférieur à 40 % de la valeur attendue ; - toute insuffisance respiratoire mixte : obstructive et restrictive, avec diminution des volumes et des débits supérieure ou égale à 40 %, entre dans le cadre des insuffisances respiratoires sévères ; - la constatation d'une hypoxémie de repos avec PaO2 inférieure à 60 mmHg, contrôlée dans les mêmes conditions que ci-dessus, ou justifiant une oxygénothérapie de longue durée, fera entrer le malade dans la catégorie des insuffisances respiratoires sévères, il en sera de même lorsqu'une hypercapnie nécessitera la mise en oeuvre d'une ventilation assistée à domicile. Taux d'invalidité : 100 % ".

5. Il résulte de l'instruction que le docteur Hamel, expert médical mandaté par l'administration, qui a procédé à l'examen fonctionnel respiratoire de M. C..., a relevé un volume expiratoire maximum par seconde/capacité vitale (VEMS/CV) - c'est-à-dire la quantité d'air maximale qui peut entrer dans les poumons à la suite d'une inspiration et d'une expiration forcée - de 128%, une capacité vitale à 77%, et un débit expiratoire de pointe à 59%. Le praticien a proposé un taux d'infirmité de 70% sans plus de précision. Or, le taux de 128% ne peut exprimer un syndrome obstructif qui, lui se caractérise par une diminution de ce rapport par rapport à la norme attendue de 100%. Au surplus, M. C... qui présente un VEMS - volume expiratoire maximum par seconde - au taux de 98%, n'entre même pas dans l'insuffisance respiratoire modérée qui exige à minima une VEMS correspondant à 80% de la valeur attendue (syndrome obstructif (diminution du rapport VEMS/CV) avec VEMS compris entre 61 et 80 % de la valeur attendue). Par ailleurs, le syndrome restrictif avec capacité pulmonaire totale retenu à 77% s'inscrit dans les chiffres de référence du barème, soit entre 71% et 80%. Enfin, le débit expiratoire pulmonaire retenu à hauteur de 59% correspond à un taux réglementaire d'infirmité qui ne peut être supérieur à 20%. Il en résulte que le bilan respiratoire de M. C..., établi le
24 février 2016, ne peut qu'être considéré comme traduisant une insuffisance respiratoire modérée qui, en vertu des valeurs relevées, doit être fixée à 20%. Il ne résulte pas de l'expertise médicale du docteur Hamel que l'affection de M. C... lui cause une gêne fonctionnelle telle que le taux de 20%, retenu par le jugement attaqué, serait insuffisant au regard de son état de santé à la date de sa demande de pension. Dès lors, M. C... n'apporte pas la preuve que cette affection présente un taux d'infirmité supérieur à 20%. Il s'ensuit qu'il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, l'infirmité d'insuffisance respiratoire modérée a été retenue à hauteur de 20%.

En ce qui concerne l'infirmité correspondant à une hypertension artérielle :

6. En vertu du guide barème applicable aux affections cardio-vasculaires : " Hypertension artérielle essentielle : Rechercher tous les indices d'un terrain hypertensif constitutionnel (prédisposition familiale). La réalité de l'hypertension artérielle ne sera affirmée qu'avec une méthodologie rigoureuse : a) Elévation isolée des chiffres tensionnels sans retentissement viscéral : 15 p. 100 ; b) Elévation isolée des chiffres tensionnels sans retentissement viscéral :
15 p. 100 ; b) Elévation des chiffres tensionnels : - avec cardiopathie hypertensive compensée : 30 à 40 p. 100 ; - avec cardiopathie hypertensive décompensée : 40 à 100 p. 100 (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que le docteur Chouiter-Djouni, cardiologue mandaté par l'administration, qui a examiné M. C... le 28 février 2016 a estimé un taux d'invalidité à 50% en raison d'une hypertension et d'un électrocardiogramme qui retrouve un bi-bloc de branche isolé. Mais cette affection cardio-vasculaire n'entraînant pas de retentissement viscéral, le taux de l'infirmité d'hypertension artérielle, fixé à 15% par le jugement attaqué, ne paraît pas insuffisant. Il ne résulte d'ailleurs pas de l'expertise médicale du docteur Chouiter-Djouni que l'affection de M. C... lui cause une gêne fonctionnelle telle qu'un taux excédant ce taux de 15% devrait être appliqué à l'hypertension artérielle dont il souffre à la date de sa demande de pension. Ainsi, l'intéressé n'apporte pas la preuve que cette affection présente un taux d'infirmité supérieur à 15%.

8. Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve que les infirmités qu'il présente sont rattachables une maladie hors guerre qui exige, en tout état de cause, un taux d'invalidité de 40% pour être prise en compte.




9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité du département du Gard qui rejette sa contestation de la décision du 25 novembre 2016 du ministre de la défense.

Sur les frais liés au litige:

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. C... demande au titre des frais qu'il a exposés soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.



D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 20 avril 2021.




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N° 19MA05034