CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 20/04/2021, 19MA05083, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision20 avril 2021
Num19MA05083
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsBLOUIN JIMMY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du
20 mars 2018 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité pour l'infirmité de " hypoacousie bilatérale ".

Par un jugement n° 18/00117 du 9 mai 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions d'Aix-en-Provence a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. B..., enregistrée à son greffe le 26 juillet 2019.

Par ce recours, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du 9 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 20 mars 2018 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de pension militaire d'invalidité ;

3°) de reconnaître son droit à pension au titre de son infirmité ;

4°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'infirmité dont il souffre est imputable au service ; qu'il y a lieu d'ordonner une expertise dès lors que le médecin expert mandaté par l'administration n'a retenu qu'une perte auditive et non les acouphènes et les troubles de l'équilibre attestés par le bilan médical du docteur Robin qui doit être pris en compte même s'il n'a pas été rédigé à la date de la demande de pension puisqu'il fait état de l'état clinique antérieur de l'intéressé, afin de déterminer l'existence et le taux de ces deux infirmités.


Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au
18 décembre 2020 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.



Considérant ce qui suit :

1. M. B..., appelé à l'activité le 1er décembre 1984, a été rayé des contrôles le
9 novembre 1985 pour réforme définitive. Il a, le 20 mai 2016, demandé le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité de " hypoacousie bilatérale ". La ministre des armées a rejeté cette demande par une décision du 20 mars 2018. Il fait appel du jugement du
9 mai 2019 par lequel le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre cette décision.




Sur les droits à pension de M. B... :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, devenu l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 de ce code devenu l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites, soit pendant le service accompli au cours de la guerre 1939-1945, soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale, compte tenu des délais prévus aux précédents alinéas. (...) ". Aux termes de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. Il est concédé une pension : 1° Au titre des infirmités résultant de blessures, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse 10 % ; 2° Au titre d'infirmités résultant de maladies associées à des infirmités résultant de blessures, si le degré total d'invalidité atteint ou dépasse 30 % ; 3° Au titre d'infirmité résultant exclusivement de maladie, si le degré d'invalidité qu'elles entraînent atteint ou dépasse : 30 % en cas d'infirmité unique ; 40 % en cas d'infirmités multiples (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service.

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date.

4. En premier lieu, M. B... soutient que c'est à tort que l'administration n'a pas pris en compte les affections liées à des acouphènes et à des troubles de l'équilibre qui ont été relevées dans les certificats médicaux des 14 et 20 août 2018 et du 7 janvier 2019 du docteur Robin et qui ont été écartées par le tribunal des pensions de Marseille, pour ne pas être contemporaines de la date de la demande de pension, alors qu'un billet de consultation du 29 octobre 1985 rédigé par un médecin militaire mentionne une hypoacousie bilatérale et des acouphènes par intermittence. Il doit être regardé ainsi comme demandant le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de plusieurs infirmités, soit la diminution de l'acuité auditive mais aussi l'existence de vertiges, de bourdonnements ou de suppurations, qui, comme indiqué dans le barème des invalidités résultant des diminutions d'acuité auditive, tel qu'il était annexé à l'article 1 du décret du 3 décembre 1971, et qui est actuellement repris à l'annexe 2 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, doivent faire l'objet d'évaluations distinctes. Il sollicite en outre que soit ordonnée une nouvelle expertise médicale destinée à évaluer les taux d'invalidité de ces deux infirmités. Cependant, il résulte de l'instruction, et notamment de la demande de pension de M. B..., qu'il a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour une perte et un scotome auditifs, qui a été qualifiée par l'administration d'hypoacousie bilatérale. M. B... a ainsi expressément limité sa demande à l'infirmité affectant son acuité auditive. Par suite, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille n'a entaché son jugement d'aucune irrégularité en ne se prononçant pas sur une autre infirmité que celle sollicitée et sur laquelle le ministre de la défense avait d'ailleurs antérieurement déjà statué.

5. En deuxième lieu, il s'ensuit que l'examen du 24 avril 2017 réalisé par le docteur Léger, médecin expert mandaté par l'administration sur la seule infirmité d'hypoacousie bilatérale de M. B..., dont les erreurs de calcul sur les pertes auditives ont été corrigées s'agissant de l'application de la courbe audiométrique, était suffisante à l'administration pour établir l'état de santé de l'intéressé.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'audition de l'intéressé a été évaluée lors de son incorporation à 2 sur une échelle de 1 à 6. Un contrôle médical du 30 octobre 1985 a mis en évidence un déficit auditif aggravé classé 5 le rendant inapte à la poursuite du service militaire. L'extrait du registre des constatations des blessures, infirmités et maladies survenues pendant le service du 6 novembre 1985 mentionne une hypoacousie bilatérale avec scotome sur les fréquences aigües. M. B... a été réformé en raison de cette infirmité. D'une part, si le médecin expert de l'administration, le docteur Léger, s'est trompé dans l'application de la courbe audiométrique, cet écart, ainsi qu'il a été dit, a été corrigé par le médecin chargé de la gestion des pensions militaires d'invalidité. Par suite, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir d'une erreur dans l'appréciation de son état de santé lors de cette expertise. D'autre part, il ressort des termes de la décision du 20 mars 2018 par laquelle la ministre des armées rejette la demande de pension de M. B..., qu'elle fait état d'une perte auditive moyenne de 5dB à l'oreille droite, de 6,25 dB à l'oreille gauche, et d'une perte de sélectivité à l'oreille droite de 55 dB. Ainsi, d'une part, alors que les documents versés au dossier par M. B... ne remettent pas en cause ces constatations, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'origine de la pathologie, aucun examen audiométrique ne permet de retenir une perte de l'audition de M. B... imputable au service supérieure ou égale à 60 dB, seuil à partir duquel le guide-barème retient un taux d'infirmité de 10%. Par ailleurs, d'autre part, lorsque les conditions que les dispositions du guide barème des invalidités résultant des diminutions d'acuité auditive prévoient sont réunies, la perte de sélectivité ne peut être retenue que sous la forme d'une majoration du taux de l'hypoacousie, et non sous celle d'une infirmité distincte. Par suite, l'infirmité de M. B... résultant de la perte de sélectivité à l'oreille droite mesurée à 55 dB évaluée à un taux de 10%, non rattachable à un taux d'hypoacousie pouvant être retenu en vue de l'attribution d'une pension, ne saurait être prise en compte.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Marseille du
9 mai 2019 qui rejette sa contestation de la décision du 20 mars 2018 de la ministre des armées.


Sur les frais liés au litige:

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. B... demande au titre des frais qu'il a exposés soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.





D É C I D E :



Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la ministre des armées

Délibéré après l'audience du 6 avril 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 20 avril 2021.





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