CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 28/05/2021, 19MA05435, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision28 mai 2021
Num19MA05435
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsMACHTOU

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du ministre de la défense du 2 mars 2016 refusant d'accéder à sa demande de pension de conjoint survivant, formulée le 18 mars 2014, et de faire droit à sa demande.

Par un jugement n° 18/00071 du 23 août 2019, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 24 octobre 2019 par la Cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, Mme E..., représentée par
Me B..., demandait à la Cour d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 23 août 2019 ainsi que la décision du ministre de la défense du 6 octobre 2015 refusant de lui accorder le bénéfice de la pension demandée.

Elle soutenait que :
- elle avait droit à cette pension dès lors qu'elle établissait qu'elle était mariée à M. D..., avant son décès, survenu le 15 août 1956 au cours d'événements de guerre, dès lors que le mariage religieux célébré en 1955 avait été transcrit sur les registres de l'état-civil algérien par jugement du 8 octobre 2006 ;
- ce mariage avait été reconnu par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui, par courrier du 18 mars 2010, a reconnu son époux " mort pour la France ".


Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.


Par des mémoires en défense, enregistrés par le greffe de la Cour le 21 janvier 2020,
20 juillet 2020 et 16 décembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de Mme E....

Elle soutient que :
- les moyens soulevés, postérieurement à la clôture de l'instruction, le 22 janvier 2020, sont irrecevables ;
- l'ensemble des moyens soulevés ne sont en tout état de cause pas fondés.


Par des mémoires, enregistrés par le greffe de la Cour le 5 mars 2020 et le
24 novembre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., réitère ses conclusions, par les mêmes moyens.


Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant Mme E....



Considérant ce qui suit :

1. Mme A... E... a formulé le 18 mars 2014 une demande d'attribution d'une pension en tant que conjointe survivante de M. F... D..., décédé le
15 août 1956 en Algérie au cours d'un fait de guerre, et reconnu " Mort pour la France " par décision du 18 mars 2010. Par décision du 6 octobre 2015, le ministre de la défense a rejeté sa demande. Mme E... relève appel du jugement du 23 août 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit fait droit à sa demande.
2. Aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, alors en vigueur, s'appliquant aux victimes civiles de la guerre : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 60 % ou en possession de droits à cette pension. / Dans les trois cas, il y a droit à pension si le mariage est antérieur soit à l'origine, soit à l'aggravation de la blessure ou de la maladie, à moins qu'il ne soit établi qu'au moment du mariage l'état du conjoint pouvait laisser prévoir une issue fatale à brève échéance. (...) ".
3. Aux termes de l'article L. 241 de ce code, relatif au droit à pension des militaires autochtones et de leurs ayants cause : " - La preuve du mariage et de la filiation est faite par la production soit d'actes régulièrement inscrits suivant les prescriptions des textes régissant l'état civil des autochtones musulmans, soit, à défaut, au moyen d'un acte établi par le cadi ". Ces dispositions ont été complétées, en ce qui concerne les modalités d'établissement des actes de l'état civil relatifs au mariage, par les dispositions de la loi du 11 juillet 1957 relative à la preuve du mariage contracté en Algérie suivant les règles du droit musulman, dont l'article 6 dispose que la transcription d'un mariage sur le registre de l'état-civil ne produit d'effet à l'égard des tiers qu'à compter de cette transcription, et dont l'article 7 dispose qu'un mariage peut être inscrit sur les registres de l'état-civil au vu d'un jugement rendu, dans les conditions qu'il précise, et qu'un mariage ainsi constaté et transcrit est réputé produire ses effets à compter de la date de célébration retenue par ce jugement. Si un jugement déclaratif de mariage rendu par une juridiction algérienne postérieurement à l'accession de l'Algérie à l'indépendance n'est pas opposable à l'Etat français, lorsque celui-ci n'a pas été mis en cause dans l'instance, il constitue, le cas échéant, un élément de preuve susceptible d'être retenu par le juge administratif pour apprécier si la matérialité ou la date du mariage est établie de façon certaine.
4. Il résulte de l'instruction que, pour établir qu'elle était l'épouse de M. D... à la date du décès de celui-ci, Mme E... produit, d'une part, un jugement du 8 octobre 2006 par lequel le tribunal de Cherchell, en Algérie, a authentifié son mariage avec M. D...
" en 1955 ", et ordonne de l'inscrire à l'état-civil avec effet rétroactif à cette date et, d'autre part, une fiche d'état-civil algérien, datée du 12 septembre 2019, indiquant que
Mme A... E... a contracté mariage en 1955 avec M. D..., sans préciser la date exacte de ce mariage.
5. Il n'est pas contesté que l'Etat français n'a pas été appelé dans l'instance
ayant donné lieu au jugement du tribunal de Cherchell du 8 octobre 2006. Par suite,
le jugement ne lui est pas opposable et ne constitue qu'un élément de preuve susceptible
d'être retenu par le juge pour apprécier si la date du mariage est établie de façon certaine. Si une copie d'acte de décès de M. D..., établi par un officier de l'état-civil français le
21 mai 2010, mentionne qu'il est l'époux de Mme E... et une décision du
18 mars 2010 de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre,
rendue à la demande de Mme E..., le reconnaît " Mort pour la France ",
de telles productions, qui n'emportent aucun droit pour Mme E... ni ne valent reconnaissance de son état-civil, ne permettent pas de corroborer les énonciations
de ce jugement. Dans ces conditions, à défaut d'autres éléments permettant de corroborer ses affirmations, la requérante n'établit pas de façon certaine par les seules justifications versées au dossier, la matérialité et la date exacte de son mariage et donc qu'elle était effectivement mariée avec M. D... avant son décès, et n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.

D É C I D E :



Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et à la ministre des armées.


Délibéré après l'audience du 11 mai 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 28 mai 2021.
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N° 19MA05435