CAA de LYON, 3ème chambre, 03/06/2021, 19LY00683, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision03 juin 2021
Num19LY00683
JuridictionLyon
Formation3ème chambre
PresidentM. TALLEC
RapporteurM. Jean-Yves TALLEC
CommissaireM. DELIANCOURT
AvocatsSELARL ITINERAIRES AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 août 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du Roannais a refusé d'aménager son poste de travail et de l'autoriser à reprendre ses fonctions, ainsi que la décision du 20 octobre 2016 par laquelle la même autorité l'a placée en congé de maladie ordinaire à mi-traitement à compter du 1er septembre 2016 ; de condamner la communauté d'agglomération du Roannais à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des illégalités fautives entachant ces décisions ; de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Roannais la somme totale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative .

Par un jugement n° 1608644-1708225 du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du président de la communauté d'agglomération du Roannais et a rejeté le surplus des demandes de Mme C....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 20 février 2019, Mme C..., représentée par Me A... (F... A... G...), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des illégalités fautives entachant le refus de l'autoriser à reprendre ses fonctions et son placement en congé de maladie ordinaire à mi-traitement ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'erreur de droit, dès lors que, si les décisions annulées n'avaient pas été édictées, elle aurait continué à percevoir un plein traitement, et ainsi le tribunal ne pouvait considérer que l'annulation de ces décisions était sans conséquence sur ses prétentions indemnitaires ;
- alors que le comité médical était favorable à la reprise sur un poste aménagé, l'administration n'a pas cherché à aménager son poste d'agent d'entretien, qui ne se limite pas aux travaux ménagers et n'est pas incompatible avec ses pathologies, et dès lors qu'elle n'a pas été nommée au grade supérieur malgré sa réussite à l'examen professionnel ; elle n'a pas été invitée à présenter une demande de reclassement et l'administration n'a pas cherché à la reclasser ; il n'a pas été tenu compte de sa pathologie reconnue imputable au service, qui l'a mise dans l'incapacité d'exercer ses fonctions ; sa qualité de travailleur handicapé n'a pas davantage été prise en considération ;
- son préjudice financier est justifié à hauteur de la somme totale de 97 248,25 euros, eu égard à son placement à demi-traitement du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, puis à son admission à la retraite, alors qu'elle perçoit une pension d'un montant inférieur à celui qu'elle aurait pu percevoir si elle avait pu travailler jusqu'à l'âge légal ;
- le lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice subi est établi.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er juillet 2019, la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, représentée par Me B... (E...), conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme C... à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- l'annulation par le tribunal des décisions des 29 août et 20 octobre 2016, pour défaut de motivation, n'ouvre pas droit à indemnisation, dès lors que ces décisions étaient fondées ;
- elle n'a pas été en mesure de proposer un aménagement de poste à Mme C... compte tenu des contre-indications médicales dont elle faisait l'objet ; elle a recherché des solutions de reclassement alors même qu'elle n'y était pas tenue ; Mme C... n'était plus, depuis le 1er janvier 2016, en congé de maladie professionnelle ; sa qualité de travailleur handicapé a bien été prise en compte ;
- aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'administration et à ouvrir droit à indemnisation au profit de Mme C... n'a été commise.


Par ordonnance du 16 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juillet 2020.
Vu le jugement attaqué et les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de cette loi et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tallec, président,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me Gouy-Paillier, avocat, représentant Mme C... et de Me Armand, avocat, représentant la communauté d'agglomération Roannais Agglomération ;

Considérant ce qui suit :

1. Adjointe technique de 2ème classe exerçant les fonctions d'agent d'entretien au sein de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, Mme D... C... a été placée en congé de maladie imputable au service du 9 août 2012 au 31 décembre 2015, en raison d'une pathologie du canal carpien gauche, pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale le 21 novembre 2012. A la demande de l'administration, elle a été examinée le 7 décembre 2015 par un médecin rhumatologue agréé, qui a conclu aux termes de cette expertise que les arrêts de travail de l'intéressée depuis le 30 septembre 2015 n'étaient pas en rapport avec cette pathologie, mais étaient la conséquence de la névralgie cervicobrachiale gauche dont souffrait la requérante. Sur ce fondement, la commission départementale de réforme des agents des collectivités locales de la Loire a émis le 3 mars 2016 un avis défavorable à ce que les arrêts de travail de Mme C... à compter du 1er janvier 2016 soient pris en charge au titre de la maladie professionnelle, si bien que la requérante a été placée en congé de maladie ordinaire à compter de cette dernière date. En vue du renouvellement de ce congé, Mme C... a été examinée le 7 juin 2016 par un médecin agréé, qui a estimé que ses arrêts de travail depuis le 1er janvier 2016 relevaient de la maladie ordinaire, qu'elle n'était pas apte à reprendre ses anciennes fonctions, mais qu'elle était " apte à une reprise du travail sur un poste aménagé, sans manutention, sans effort ni gestes répétitifs (travail de ménage en particulier) avec les membres supérieurs ". Ces conclusions ont été reprises par le comité médical de la Loire, dans l'avis qu'il a émis sur la situation de l'intéressée le 21 juillet 2016. Le 29 août 2016, le président de la communauté d'agglomération a informé Mme C... qu'aucun poste aménagé n'était susceptible de lui être proposé. Le 20 octobre 2016, il lui a signifié son placement d'office en congé de maladie ordinaire, suite aux conclusions du médecin expert l'ayant examinée le 12 octobre 2016, dans l'attente de l'avis du comité médical. Ce dernier a émis le 17 novembre 2016 un avis favorable à l'inaptitude totale et définitive de Mme C... à ses fonctions et à sa mise à la retraite pour invalidité. Par jugement du 19 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé, pour défaut de motivation, la décision du 29 août 2016 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du roannais a refusé d'aménager le poste de Mme C... et de l'autoriser à reprendre ses fonctions, ensemble la décision du 20 octobre 2016 la plaçant en congé de maladie ordinaire à mi- traitement à compter du 1er septembre 2016. Par ce même jugement, il a rejeté les conclusions de Mme C... tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros en réparation des préjudices estimés subis en raison des illégalités fautives entachant, selon la requérante, ces décisions. Mme C... relève appel de ce jugement uniquement en ce qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires.


Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
2. Si toute illégalité constitue une faute, celle-ci n'ouvre pas droit à indemnisation lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement les décisions prises, les préjudices allégués ne peuvent être regardés comme la conséquence du vice dont ces décisions sont entachées.
3. Mme C... soutient que le refus de l'autoriser à reprendre ses fonctions et son placement en congé de maladie ordinaire à mi-traitement, sont entachés de plusieurs illégalités lui ayant causé un préjudice financier dont elle demande réparation.

4. En premier lieu, Mme C..., qui se prévaut de l'avis du comité médical du 21 juillet 2016 l'ayant reconnue " apte à la reprise sur un poste aménagé, sans manutention, sans effort ni gestes répétitifs (travail de ménage en particulier) avec les membres supérieurs ", fait valoir que la communauté d'agglomération Roanne Agglomération n'a pas cherché à l'affecter sur un poste aménagé. Il ressort des pièces versées au dossier qu'avant d'être placée en congé de maladie, Mme C... occupait un emploi d'agent d'entretien, ayant pour mission, selon la fiche de poste, de contribuer à la propreté des locaux d'un immeuble abritant des services de la collectivité, et pour activités principales l'entretien des salles de réunion - à raison de 60 % du temps de travail - et des opérations liées à la vaisselle, au linge et aux poubelles - à raison de 40 %. De telles tâches ne sauraient être effectuées sans l'accomplissement de nombreux gestes médicalement contre-indiqués pour la requérante et il n'est pas établi que d'autres tâches compatibles avec son état de santé pourraient lui être confiées, si bien que ni l'aménagement de son poste de travail ni l'affectation de Mme C... sur un poste équivalent relevant du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux n'étaient possibles. Si Mme C... évoque sa réussite à l'examen professionnel pour l'accès à la première classe du grade d'adjoint technique territorial le 25 juin 2012 et sa demande de promotion restée sans suite, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité des décisions annulées.
5. En deuxième lieu, si Mme C... soutient que l'administration a manqué à son obligation de reclassement, il ressort des pièces versées au dossier que la collectivité a engagé des démarches en vue d'un éventuel reclassement de l'intéressée, qui elle-même n'a au demeurant jamais formalisé une demande en ce sens. Si elle fait valoir que, compte tenu de la dimension des services de la communauté d'agglomération, " un reclassement pouvait facilement être retrouvé ", elle ne fournit aucun élément précis à l'appui de cette allégation de principe, alors que l'administration a justifié dans ses écritures, sans être contredite, qu'au cours de l'année 2016, seuls trois postes d'adjoint administratif ont été déclarés vacants au sein de la collectivité, aucun ne correspondant aux qualifications de Mme C.... En outre, la requérante ne saurait utilement invoquer le bénéfice des dispositions de l'article 85-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, qui sont entrées en vigueur postérieurement aux décisions annulées.

6. En troisième lieu, il résulte de la combinaison des dispositions du 2° de l'article 57 et de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction alors en vigueur, que le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité de continuer à exercer ses fonctions en raison d'une maladie contractée en service, sans pouvoir bénéficier d'un congé de longue maladie ou de longue durée, doit, en l'absence de modification de sa situation personnelle, être maintenu en congé de maladie à plein traitement jusqu'à la reprise de son service, à la suite d'un reclassement le cas échéant, ou jusqu'à sa mise à la retraite anticipée si celui-ci est impossible.
7. Mme C... soutient que seule sa pathologie du canal carpien l'a mise dans l'incapacité d'exercer ses fonctions et qu'elle devait en conséquence pouvoir bénéficier de son plein traitement jusqu'à la reprise du service ou la mise à la retraite. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que depuis le 1er janvier 2016, Mme C... était placée en congé de maladie ordinaire, avec demi-traitement à partir du 1er mai 2016, à la suite de l'avis de la commission de réforme du 3 mars 2016, qui avait considéré que les arrêts de travail à compter de cette date n'étaient pas en lien avec la pathologie imputable au service, mais avec une autre pathologie, une névralgie cervicobrachiale gauche. Par suite, alors que la requérante n'apporte aucun élément pour contester cette appréciation, le moyen tiré de l'absence de prise en compte de sa maladie professionnelle doit être écarté.

8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 6 sexiès de la loi du 13 juillet 1983, auquel renvoie l'article 35 de la loi du 26 janvier 1984 : " Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, les employeurs (...) prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° (...) de l'article L. 5212-13 du code du travail (...) de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer et d'y progresser (...) sous réserve que les charges consécutives à la mise en oeuvre de ces mesures ne soient pas disproportionnées (...) ".

9. Mme C..., qui a obtenu la reconnaissance de travailleur handicapé à compter du 16 juin 2011, soutient que cette situation n'aurait jamais été prise en compte par son employeur et que le principe d'égalité de traitement n'aurait ainsi pas été respecté. Il ressort toutefois des pièces versées au dossier qu'à compter de 2004, la communauté d'agglomération a pris des mesures destinées à faciliter l'exercice des activités professionnelles de Mme C..., en adaptant ses conditions de travail à l'évolution de son état de santé, jusqu'à ce que les contraintes imposées par celui-ci rendent impossible son retour dans les services de la collectivité. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération à lui verser la somme de 97 248,25 euros.


Sur les frais liés au litige :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme C.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Roannais Agglomération présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la communauté d'agglomération Roannais Agglomération.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2021, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président,
M. Gilles Fédi, président-assesseur,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 3 juin 2021.

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N° 19LY00683