CAA de MARSEILLE, 8eme chambre - formation a 3, 08/06/2021, 19MA05521, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision08 juin 2021
Num19MA05521
JuridictionMarseille
Formation8eme chambre - formation a 3
PresidentM. BADIE
RapporteurM. Didier URY
CommissaireM. ANGENIOL
AvocatsMENDY PIETRY

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal des pensions de Nîmes d'annuler la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ".

Par un jugement n° 15/00018 du 13 octobre 2017, le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté la requête de M. C....


Procédure devant la Cour :

La cour régionale des pensions de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête présentée par M. C..., enregistrée à son greffe le 3 janvier 2018.






Par ce recours, et deux mémoires, enregistrés le 23 mars 2018 et le 19 septembre 2019, M. B... C..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

- d'annuler ce jugement du tribunal des pensions de Nîmes du 13 octobre 2017 ;
- d'annuler la décision du 11 avril 2011 de refus de sa demande de pension militaire d'invalidité ;
- de lui accorder la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ", au taux de 15%,
- à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale,
- de mettre les dépens de l'instance à la charge de l'Etat,
- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros de frais de justice.

Il soutient que les expertises du docteur Uziel doivent être annulées pour défaut de réponse aux missions qui ont été confiées à cet expert par le tribunal ; son infirmité auditive est liée à l'indicent de tir d'octobre 1984 et présente au jour de sa demande de révision de sa pension, un taux d'invalidité de 15%.


Par deux mémoires en défense enregistrés les 31 mai 2019 et 12 mars 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de M. C... sont infondés.


Par ordonnance du 1er décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 décembre 2020 à 12 heures.


M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2018.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de M. C....



Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 18 juillet 1947, lieutenant-colonel de gendarmerie, a été rayé des contrôles le 1er août 1993. Par arrêté du 15 mars 1999, il bénéficie d'une pension militaire d'invalidité définitive au taux global de 35% pour deux infirmités " séquelles de fracture du scaphoïde tarsien gauche " (20%) et " séquelles de fracture des apophyses droites de L2 et L3 " (10 + 5). Il a demandé le 29 juin 2009 la révision de sa pension pour aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ". Il relève appel du jugement du 13 octobre 2017, par lequel le tribunal des pensions de Nîmes a rejeté sa requête contre la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité.

Sur la révision de la pension :

2. D'une part, aux termes l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : / 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; / 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; / 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. / (...) ". Pour l'application de ces dispositions, une infirmité doit être regardée comme résultant d'une blessure lorsqu'elle trouve son origine dans une lésion soudaine, consécutive à un fait précis de service. Dans le cas contraire, elle doit être regardée comme résultant d'une maladie.

3. D'autre part, en vertu de l'article L. 4 de ce code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. /(...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 6 du même code, les juridictions de pensions doivent rechercher quel était le degré d'invalidité à la date de la demande et ne peuvent tenir compte d'aggravations survenues après cette date. Il résulte de ces dispositions qu'une demande de droit à pension ou d'aggravation d'une infirmité indemnisée, est examinée au regard des droits que l'intéressé tient à la date de sa demande d'indemnisation.

4. Enfin, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2 et L. 3 citées ci-dessus que, lorsque le demandeur d'une pension ne peut pas bénéficier de la présomption légale d'imputabilité au service, il incombe à ce dernier d'apporter la preuve de cette imputabilité par tous moyens de nature à emporter la conviction des juges.







5. Il résulte de l'instruction qu'en octobre 1984, alors que le requérant se trouvait à proximité d'un char en sa qualité de chef de tir au 2ème escadron du premier groupement de gendarmerie mobile, sans ses protections auditives puisque l'exercice était arrêté, est parti un tir intempestif. Le 20 novembre 1984, le médecin militaire émet le diagnostic d'hypoacousie bilatérale de perception d'allure traumatique sonore. Le professeur Guerrier, expert désigné le 3 octobre 1995 par le tribunal des pensions du Gard, retient une hypoacousie bilatérale de perception au taux d'invalidité de 4% et des acouphènes au taux d'invalidité de 1%. Le docteur Aime, médecin militaire qui a examiné M. C... le 16 octobre 2009, retient une hypoacousie de type perception sans perte de sélectivité, avec une perte auditive moyenne de 45dB pour l'oreille droite et de 42 dB pour l'oreille gauche. Il attribue un taux de 15% à l'infirmité d'hypoacousie bilatérale de l'intéressé. Pour refuser l'aggravation de la pension sollicitée, le ministre de la défense a opposé à M. C... l'absence d'imputabilité au service de l'infirmité d'hypoacousie bilatérale au motif que les lésions sono-traumatiques se stabilisent d'entrée, qu'elles sont ainsi définitives, fixées et non susceptibles d'aggravation. Ainsi, selon l'administration, l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale n'est pas liée à l'accident initial de 1984. Pour contester le jugement attaqué qui confirme la décision ministérielle de refus de lui accorder l'aggravation de sa pension, M. C... fait valoir, d'une part, que les rapports d'expertises du docteur Uziel, médecin désigné par le tribunal des pensions du Gard, qui a conclu que " l'hypoacousie constatée par un audiogramme, à l'âge de 62 ans, plus de 25 années après un traumatisme sonore ne peut être imputée au service ", ne peuvent être retenus au motif que l'expert a été dans l'impossibilité de répondre aux questions de sa mission, faute d'avoir pu consulter le rapport d'expertise et les audiogrammes réalisés en 2009 par le docteur Aime. D'autre part, il fait valoir que l'aggravation de son hypoacousie n'est pas principalement imputable à l'âge, puisque l'expert n'a pas déterminé la part de la perte auditive en rapport avec le traumatisme subi en 1984 et celle en rapport avec l'âge, alors qu'entre les mesures de 1995 et celles de 2009 son déficit auditif s'est aggravé. Cependant, par un arrêt avant dire droit du 26 novembre 2018, la cour régionale des pensions de Nîmes a désigné le docteur Elziere avec mission de se prononcer sur l'infirmité d'hypoacousie bilatérale de M. C.... Dans son rapport d'expertise du 18 avril 2019, cet expert indique qu'il est incontestable que M. C... a bien été victime d'un traumatisme sonore en octobre 1984 qui a été responsable d'une hypoacousie bilatérale et symétrique ainsi que d'acouphènes. Néanmoins, en se plaçant à la date de la demande d'aggravation de juillet 2009, cet expert conclut très clairement que les acouphènes que présentait M. C... ne se sont pas aggravés, et que l'hypoacousie qu'il présente s'est bien aggravée mais sans se rattacher de façon directe, certaine et déterminante au traumatisme sonore subi en octobre 1984. Les termes de ce rapport ne sont pas sérieusement remis en cause par M. C.... Dans ces conditions, M. C... n'apporte pas la preuve que l'aggravation de l'infirmité qu'il présente est rattachable à son activité militaire.

6. Il résulte de ce qui ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'expertise demandée par M. C..., qu'il n'est pas établi que l'infirmité pensionnée aurait connu une aggravation de nature à ouvrir droit, au profit de l'intéressé à une révision de sa pension d'invalidité. Par suite, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal des pensions du Gard du 13 octobre 2017 qui rejette sa requête contre la décision du 11 avril 2011 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale. Perte auditive moyenne oreille droite : 45 dB. Perte auditive moyenne gauche : 42 dB ".


Sur les dépens :

7. Les dépens de l'instance, liquidés et taxés en début de procédure par la Cour d'appel de Nîmes, et versés à l'expert au titre de l'aide juridictionnelle, sont à la charge de l'Etat.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. C... demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2: Les frais d'expertise sont à la charge de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la ministre des armées.
Copie en sera transmise au docteur Elziere, expert.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2021.
N° 19MA05521 2