CAA de MARSEILLE, 8ème chambre, 22/06/2021, 19MA05065, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 juin 2021
Num19MA05065
JuridictionMarseille
Formation8ème chambre
PresidentM. BADIE
RapporteurMme Thérèse RENAULT
CommissaireM. ANGENIOL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a refusé de faire droit à sa demande du 5 mai 2015 tendant au bénéfice d'une pension de conjoint survivant d'une victime civile des événements s'étant déroulés en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962.

Par un jugement n° 17/00068 du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du ministre de la défense du 8 septembre 2016 et accordé à Mme B... E..., à compter du 5 mai 2015, un droit à pension du chef du décès de son époux M. G... E..., mort pour la France le 25 juillet 1959.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés le 4 avril et le 26 septembre 2019 par la cour régionale des pensions d'Aix-en Provence, et un mémoire, enregistré le 30 mars 2020 par la cour administrative d'appel de Marseille après transmission à la Cour du dossier, en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la ministre des armées demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal des pensions de Marseille du 24 janvier 2019 ;

2°) de rejeter les demandes formulées par M. A... E....


La ministre soutient que :
- les demandes incidentes formulées par M. E..., sans rapport avec le litige, sont irrecevables ;
- Mme E..., n'étant pas de nationalité française, ne pouvait prétendre à l'obtention d'une pension pour conjoint survivant de victime civile de la guerre d'Algérie.


Par un mémoire, enregistré le 30 décembre 2019 par le greffe de la Cour, M. A... E... informe la Cour qu'il reprend l'instance en tant qu'ayant droit de sa mère Mme B... E..., décédée le 23 août 2018, et demande à ce que les droits de cette dernière soient transférés à ses soeurs, Mmes C... E... et D... E....


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, modifiée par la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des français ayant résidé en Algérie, modifiée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la décision du Conseil constitutionnel n°2017-690 QPC du 8 février 2018 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.


Considérant ce qui suit :

1. Mme B... E..., décédée le 23 août 2018, était veuve de M. G... E..., né le 12 mars 1926 et décédé le 25 juillet 1959 en Algérie. Par décision du 8 septembre 2016, le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant au bénéfice d'une pension de conjoint survivant d'une victime civile des événements s'étant déroulés en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 29 septembre 1962. Par jugement du 24 janvier 2019, le tribunal des pensions de Marseille a annulé cette décision et fait droit à la demande de Mme E... à compter du 5 mai 2015. La ministre des armées relève appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions incidentes formées par M. E... :
2. Il ressort des pièces du dossier que, devant les premiers juges, Mme B... E... s'est bornée à demander l'annulation de la décision du ministre de la défense rejetant sa demande de pension de conjoint survivant. Les conclusions de M. A... E..., son fils, qui reprend en appel, en sa qualité d'ayant-droit, l'instance initiée par l'intéressée, tendant à ce que le droit à pension de sa mère soit transféré à ses soeurs, présentent le caractère de conclusions nouvelles en appel, ainsi que le relève la ministre. Elles sont en conséquence irrecevables et ne peuvent qu'être écartées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 13 de la loi du 31 juillet 1963, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée, modifiée par la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 : " Sous réserve de la subrogation de l'Etat dans les droits des victimes ou de leurs ayants cause, les personnes de nationalité française, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d'attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les évènements survenus sur ce territoire ont, ainsi que leurs ayants cause de nationalité française, droit à pension (...) ". Toutefois, l'article 1er de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 a supprimé les mots " de nationalité française " figurant deux fois au premier alinéa de cet article. Cette déclaration d'inconstitutionnalité, qui a pris effet à la date de publication de la décision, s'applique aux instances en cours à cette date.
4. Il est constant que M. G... E... est décédé le 5 juillet 1959, victime civile d'un attentat perpétré en Algérie, et a été reconnu de ce fait " Mort pour la France " par décision du 14 mars 2014 de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. En application de l'article 13 précité de la loi du 31 juillet 1963, sa veuve pouvait bénéficier, à compter de la date de sa demande, d'une pension en qualité de conjointe de victime civile d'un attentat en relation avec la guerre qui s'est déroulée en Algérie entre le 31 octobre 1954 et jusqu'au 29 septembre 1962, sans que puisse lui être opposée la circonstance qu'elle ne possédait pas, à la date de sa demande, la nationalité française, cette exception ayant été déclarée inconstitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 8 février 2018.
5. Il résulte de ce qui précède que la ministre n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions de Marseille a annulé la décision du ministre de la défense du 8 septembre 2016.

D É C I D E :



Article 1er : Le recours de la ministre des armées est rejetée.
Article 2 : Les demandes incidentes présentées par M. E... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre des armées et à M. A... E....


Délibéré après l'audience du 8 juin 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 22 juin 2021.
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N° 19MA05065