CAA de NANTES, 6ème chambre, 13/07/2021, 19NT04074, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges d'annuler la décision du 13 décembre 2017 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l'obtention d'une pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 18/00002 du 11 avril 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 16 mai 2019 au greffe de la cour d'appel de Bourges, puis sous le n° 19NT04074 devant la présente cour, laquelle est devenue compétente pour statuer sur ce type de litige à compter du 1er novembre 2019 en vertu de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018, M. D... demande à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges du 11 avril 2019 ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins de fixation de ses taux d'invalidité et de détermination des taux d'imputabilité des infirmités au service ;
3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat.
Il soutient que :
Sur l'hypoacousie gauche :
- l'expert retient un taux d'invalidité de 4 % résultant de cette hypoacousie gauche alors même que sa perte auditive globale justifie un taux de 25 %.
Sur l'hypoacousie droite :
- elle est en lien avec les évènements traumatiques subis le 3 septembre 1999 dès lors que la perte progressive de l'audition de l'oreille droite est apparue après la chirurgie de l'oreille gauche.
Sur les acouphènes :
- il n'est pas justifié de ne retenir que la moitié de l'invalidité constatée comme imputable au service au motif que des acouphènes auraient été mentionnés avant l'évènement traumatique du 3 septembre 1999 ;
- si l'on analyse ses trois infirmités de manière globale, on atteint un taux qui varierait entre 35 et 55 %.
Par un mémoire en défense, enregistré 25 novembre 2019, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., incorporé au sein de l'armée de terre le 2 septembre 1984 et rayé des contrôles de l'armée le 1er juillet 2016 au grade de commandant, a sollicité, le 5 février 2016, le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité en raison d'une " hypoacousie oreilles gauche et droite - acouphènes très importants gauche et droite " survenue pendant le service. Sa demande a été rejetée par une décision du ministre de la défense du 13 décembre 2017. Par une requête enregistrée le 24 mai 2018, M. D... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges. Par un jugement du 11 avril 2019, cette juridiction a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement et sollicite, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale aux fins de fixation de ses taux d'invalidité et de détermination des taux d'imputabilité des infirmités dues au service.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L.2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; 4° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'accidents éprouvés entre le début et la fin d'une mission opérationnelle, y compris les opérations d'expertise ou d'essai, ou d'entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service. ". Aux termes de l'article L.3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé à condition : 1° S'il s'agit de blessure, qu'elle ait été constatée avant le renvoi du militaire dans ses foyers ; 2° S'il s'agit d'une maladie, qu'elle n'ait été constatée qu'après le quatre-vingt-dixième jour de service effectif et avant le soixantième jour suivant le retour du militaire dans ses foyers ; 3° En tout état de cause, que soit établie, médicalement, la filiation entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée. (...)". Aux termes de l'article L.4 du même code : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 %. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que, s'il ne peut prétendre au bénéfice de la présomption légale d'imputabilité, le demandeur d'une pension doit rapporter la preuve de l'existence d'un fait précis ou de circonstances particulières de service à l'origine de l'affection qu'il invoque. Cette preuve ne saurait résulter de la seule circonstance que l'infirmité soit apparue durant le service, ni d'une hypothèse médicale, ni d'une vraisemblance, ni d'une probabilité, aussi forte soit-elle.
4. En l'espèce, les trois infirmités sollicitées par M. D... ont des origines distinctes et sont évaluées distinctement au guide-barème des pensions militaires d'invalidité. Elles doivent donc, contrairement à ce que soutient le requérant, être évaluées séparément.
En ce qui concerne l'hypoacousie gauche :
5. Il n'est pas contesté que l'hypoacousie gauche dont souffre M. D... est imputable au service et résulte du fait traumatique subi le 3 septembre 1999, qui a fait l'objet d'un rapport circonstancié le 27 septembre 1999. Il ressort des pièces du dossier que lors de son expertise médicale du 19 juin 2017, le Dr Engalenc, expert oto-rhino-laryngologiste retient, pour l'oreille gauche, une perte auditive moyenne de 42,5 décibels, infirmité qu'il rattache au traumatisme sonore du 3 août 1999. Le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive, présent au guide barème des pensions militaires d'invalidité, prévoit qu'une perte de 42,5 décibels correspond à un taux de 4%. Par suite, cette infirmité, qui n'entraîne pas une invalidité égale ou supérieure à 10 %, condition énoncée à l'article L.3 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et rappelée au point 2, ne saurait être prise en considération.
En ce qui concerne l'hypoacousie droite :
6. Il ressort de l'expertise médicale du Dr Engalenc précitée que cette infirmité, qui n'est pas imputable au service, a une origine différente de l'infirmité siégeant sur l'oreille gauche. L'expert relève que la perte auditive de l'oreille droite est apparue progressivement et n'a pas la caractéristique d'un traumatisme sonore. Il retient à ce sujet que : " (...) la perte auditive est apparue progressivement mais après 1999 (audiogramme normal à droite le 10/12/1999 (...) La perte auditive est de type mixte, les caractéristiques audiométriques n'étant étant pas celles d'un traumatisme sonore (...) La perte auditive moyenne à droite est de 51,25 décibels non imputable ". M. D... ne produit pas plus en appel qu'en première instance d'élément tendant à établir que l'hypoacousie droite pourrait être imputable à une blessure constatée au cours du service. En tout état de cause, si l'on reporte la perte auditive de 51,25 décibels retenue pour l'oreille droite aux indications du tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive, cette perte correspond à un taux de 7%, infirmité qui n'entraîne pas une invalidité égale ou supérieure à 10 %, et ne saurait être prise en considération.
En ce qui concerne les acouphènes :
7. Il ressort des pièces du dossier qu'antérieurement au fait de service du 3 août 1999 M. D... souffrait déjà d'acouphènes, comme en atteste le médecin en chef Asperge le 5 février 1993. Ce praticien indique que l'intéressé présente des " acouphènes aigus bilatéraux intermittents depuis des années. Acouphènes graves droits intermittents depuis trois semaines ". Ces acouphènes sont déjà mentionnés lors des visites systématiques annuelles du 15 novembre 1993 et du 15 octobre 1996, qui font état : " d'acouphènes et bourdonnements bilatéraux intermittents. Tympans normaux ". Par suite, le lien de causalité entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée n'est pas établie.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise médicale, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Bourges a rejeté sa demande.
Sur les dépens :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne permettent pas d'en faire bénéficier la partie perdante ou tenue aux dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. D... ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme B..., première conseillère,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2021.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. COIFFET
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04074