CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 05/10/2021, 19MA05319, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal départemental des pensions du Gard d'annuler la décision du 11 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension militaire d'invalidité à l'indice correspondant de maître principal dans la marine nationale.
Par un jugement n° 17/00023 du 14 juin 2019, le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté la requête de M. B....
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions de Nîmes a transmis à la cour administrative d'appel de Marseille, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 relatif au contentieux des pensions militaires d'invalidité, la requête et le mémoire présentés par M. B..., respectivement enregistrés à son greffe le 15 juillet 2019 et le 25 septembre 2019.
Par cette requête et ce mémoire et un mémoire, enregistré au greffe de la Cour le 9 octobre 2020, M. A... B..., représenté par Me Tandonnet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal départemental des pensions du Gard du 14 juin 2019 ;
2°) d'ordonner à la ministre des armées de revaloriser sa pension militaire d'invalidité à l'indice 139,60 à compter du 1er janvier 2016, avec les arrérages antérieurs.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu ;
- il est en droit de bénéficier de l'application de l'article L. 153-3, anciennement article L. 108, du code des pensions militaires d'invalidité et des veuves de guerre.
Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
La ministre fait valoir à titre principal que la requête de M. B... est irrecevable, et à titre subsidiaire, que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 6 novembre 2019 a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B....
Par ordonnance du 9 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juillet 2021 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n°59-327 du 20 février 1959 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ancien adjudant-chef de l'armée de terre, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité concédée par arrêtés du 25 avril 1978, puis du 25 novembre 1980 au taux global de 25%, et renouvelée par arrêté du 5 août 1997. Il a demandé le 7 septembre 2016 au ministre de la défense de recalculer sa pension militaire d'invalidité à l'indice du grade équivalent de maître principal, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale. Il relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le tribunal départemental des pensions du Gard a rejeté sa requête contre la décision du 12 juillet 2017 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de revalorisation de sa pension.
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 731-2 du code des pensions militaire d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction applicable à la date de la notification de la décision attaquée : " Sous réserve du cas des recours en révision prévus par l'article L. 154-4, les décisions individuelles prises en application des dispositions du livre premier et des titres I, II et III du livre II du présent code sont susceptibles, dans le délai de six mois à compter de leur notification, de recours devant le tribunal des pensions (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre alors en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, devenu par la suite l'article L.154-4 du nouveau code : " Les pensions définitives ou temporaires attribués au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai, dans les mêmes formes que la concession, sur l'initiative du ministre liquidateur ou à la demande des parties, et par voie administrative si la décision qui avait alloué la pension définitive ou temporaire n'avait fait l'objet d'aucun recours (...) ".
3. Le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice correspondant au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité. Ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959, repris à partir du 1er juillet 2011 à l'article R. 731-2 précité.
4. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
5. Il résulte de l'instruction que M. B... a signé dès le 10 janvier 1981 le procès-verbal de remise de son livret de pension qui comportait le certificat d'inscription de sa pension au Grand livre de la dette publique, lequel mentionnait le grade et l'indice de calcul de la pension concédée. Il ne conteste pas avoir signé le 1er septembre 1997 la déclaration préalable à la mise en paiement de sa pension d'invalidité concédée par arrêté du 5 août 1997, à la suite d'une revalorisation de l'indice passé à 124,20. Ces documents, qui font clairement apparaître la situation exacte de M. B..., ne l'ont pas, contrairement à ce qu'il soutient, induit en erreur sur l'étendue de ses droits, et alors qu'aucune obligation n'existe à la charge de l'administration d'indiquer spontanément le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice correspondant au grade équivalent au sien des personnels de la marine nationale. Par suite, la demande par l'intéressé de révision de la pension dont il bénéfice, le 7 septembre 2016, était tardive, et la requête, enregistrée le 31 octobre 2017, soit plus de 20 ans après sa concession, au tribunal départemental des pensions du Gard, en vue d'obtenir un nouveau calcul de cette pension en fonction de l'indice du grade équivalent, plus favorable, pratiqué pour les personnels de la marine nationale, a été présentée au-delà du délai raisonnable durant lequel le recours pouvait être exercé. Le tribunal a donc pu, à bon droit, regarder la requête comme hors délai, et donc irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Tandonnet et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2021.
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