CAA de BORDEAUX, 7ème chambre (formation à 3), 22/12/2021, 19BX03402, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision22 décembre 2021
Num19BX03402
JuridictionBordeaux
Formation7ème chambre (formation à 3)
PresidentM. REY-BETHBEDER
RapporteurM. Eric REY-BETHBEDER
CommissaireMme MADELAIGUE
AvocatsACBC AVOCATS BAYONNE

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Pau la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 1701272 du 25 juin 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 août 2019, et deux mémoires en réplique, enregistrés le 23 juin 2020 et le 31 août 2021, M. et Mme B..., représentés par Me David, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 juin 2019 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'administration a outrepassé son pouvoir général de contrôle au titre de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales en exerçant un début d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, entachant d'irrégularité la procédure d'imposition ;
- l'administration a également entaché d'irrégularité la procédure d'imposition en opérant des rehaussements de revenus fonciers à l'aide de documents trouvant leur origine dans la vérification de la comptabilité de la société AFUR ;
- la procédure est de même irrégulière en ce que la proposition de rectification était erronée quant au montant des pénalités appliquées ;
- la pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % de M. B... lui permet de se voir attribuer une demi-part fiscale supplémentaire ;
- la somme de 9 589,24 euros perçue par M. B... ne peut être qualifiée de rente et, à supposer que tel soit le cas, ne peut être soumise une deuxième fois aux prélèvements sociaux ;
- les sommes versées à Mme B... correspondent à des prestations d'arrêt de travail complémentaires liées au handicap dont elle est atteinte et ne sont dès lors pas soumises à déclaration au titre de l'article 80 quinquies du code général des impôts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2020, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 novembre 2021, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :

1. M et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces des revenus qu'ils avaient déclarés au titre des années 2013 et 2014. Par proposition de rectification du 11 mars 2016, l'administration fiscale les a informés de ce qu'elle envisageait de procéder à des rehaussements en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux à raison notamment d'omission de déclarations de rentes ainsi que de la remise en cause d'une majoration du quotient familial. Les époux B... relèvent appel du jugement du 25 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu et aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances (...) À cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés ". Et aux termes de l'article L. 12 du même livre : " Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt. À l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal ". Il résulte de ces dispositions que ne constitue pas un examen contradictoire de situation fiscale personnelle un contrôle qui n'a pas pour objet de vérifier la cohérence entre les revenus du contribuable et son patrimoine, sa trésorerie et son train de vie.
3. Les requérants reprennent, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen invoqué en première instance tiré de ce que l'administration a outrepassé son pouvoir général de contrôle au titre de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales en exerçant un début d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. Ils n'apportent aucun élément de droit ou de fait nouveau, ni aucune pièce nouvelle à l'appui de ce moyen auquel le tribunal a suffisamment et pertinemment répondu, en estimant qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait été au-delà d'un contrôle sur pièces et aurait procédé à un contrôle de cohérence entre les revenus et les autres caractéristiques patrimoniales du contribuable contrôlé. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
4. En deuxième lieu, si c'est à juste titre que les requérants indiquent qu'aucune procédure de vérification de comptabilité n'étant prévue par le code général des impôts en matière de revenus fonciers, doivent être regardés comme irréguliers des redressements apportés aux revenus fonciers déclarés par un contribuable, lorsqu'ils sont fondés sur des documents recueillis au cours de la vérification de la comptabilité tenue par l'intéressé dans le cadre de son activité professionnelle, il résulte toutefois de l'article L. 10 du livre de procédures fiscales précité que lorsque le service des impôts entreprend la vérification de la comptabilité d'un contribuable, il peut opérer des redressements sur les différents revenus de l'intéressé, autres que ses revenus professionnels, à partir de documents figurant dans le dossier du contribuable détenu par le service, ou obtenus à la suite de demandes de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications ou encore des conséquences tirées de la vérification de comptabilité.
5. Il résulte des pièces du dossier que l'administration a opéré des redressements sur les revenus fonciers des époux B... au titre des années 2013 et 2014 à partir des documents figurant dans le dossier détenu par le service et obtenus à la suite d'une demande de renseignements, d'éclaircissements ou de justifications par lettre du 17 février 2016 tenant notamment aux informations portées sur les déclarations de revenus déposées au titre des années contrôlées. Les époux B... ne sont donc pas fondés à soutenir que les rehaussements portant sur les revenus fonciers au titre des années 2013 et 2014 trouvent leur origine dans des documents recueillis au cours de la vérification de la comptabilité de la société AFUR. Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 48 du livre de procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " À l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, n'est pas tenue d'indiquer dans la proposition de rectification le montant des pénalités appliquées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure faisant suite à une erreur quant à la liquidation des pénalités dans la proposition de rectification du 11 mars 2016, doit être écarté, en tout état de cause.
Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. En premier lieu et aux termes des dispositions de l'article 194 du code général des impôts : " I. Le nombre de parts à prendre en considération pour la division du revenu imposable prévue à l'article 193 est déterminé conformément aux dispositions suivantes : / (...) Marié sans enfant à charge : 2 (...) ". Aux termes des dispositions de l'article 195 du même code : " 1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : (...) / c. Sont titulaires, soit pour une invalidité de 40 % ou au-dessus, soit à titre de veuve, d'une pension prévue par les dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre reproduisant celles des lois des 31 mars et 24 juin 1919 ; / d. Sont titulaires d'une pension d'invalidité pour accident du travail de 40 % ou au-dessus ; / d bis. Sont titulaires de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles ; (...) / 3. Le quotient familial prévu à l'article 194 est augmenté d'une demi-part pour les contribuables mariés, lorsque l'un ou l'autre des conjoints remplit l'une des conditions fixées aux c, d et d bis du 1. (...) ".

8. Il résulte des pièces du dossier que M. B... a perçu, à compter du 1er juillet 2009, et notamment au titre des années 2013 à 2014 faisant l'objet du litige, une pension de retraite du Régime social des indépendants au titre de l'inaptitude au travail, après avoir été titulaire, depuis le 1er aout 2008, d'une pension d'invalidité à la suite d'un accident du travail survenu le 2 mai 2006. Toutefois, alors que M. et Mme B... ont souscrit leur déclaration de revenus au titre des années en litige en ayant indiqué être tous deux titulaires d'une pension d'invalidité d'au moins 40 % ou d'une carte d'invalidité d'au moins 80 %, ils ne démontrent pas que M. B... soit titulaire d'une pension d'invalidité pour accident du travail supérieure ou égale à 40 %, dès lors qu'ils n'apportent en appel, en sus d'une décision prise par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel datant du 1er septembre 1978 et d'une expertise médicale permettant de constater que le requérant a été victime d'un accident du travail le 2 mai 2006 dont le taux d'incapacité permanente en lien avec cet accident a été estimé par cet expert à 20 %, qu'une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, réunie le 20 octobre 2011, qui lui a reconnu un taux d'incapacité inférieure à 50 %, sans qu'il puisse être démontré un taux supérieur ou égal à 40 %. Ils ne peuvent, par suite et dans la mesure où ils ne justifient ni même n'allèguent que M. B... serait titulaire de la carte d'invalidité prévue à l'article L. 241-3 du code de l'action sociale et des familles, prétendre à la majoration du quotient familial prévue par les dispositions combinées des articles 194 et 195 du code général des impôts. Ce moyen doit donc être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. Il en est de même des prestations de retraite servies sous forme de capital ". L'article 158 du même code prévoit : " (...) 5. / a. Les revenus provenant de traitements publics et privés, indemnités, émoluments, salaires et pensions ainsi que de rentes viagères autres que celles mentionnées au 6 sont déterminés conformément aux dispositions des articles 79 à 90. (...) / b quinquies. Sous réserve de l'application du 6° bis de l'article 120, le a est applicable aux prestations de retraite versées sous forme de capital (...). Le bénéficiaire peut toutefois demander le bénéfice des dispositions du II de l'article 163 bis (...) ". Selon le II de l'article 163 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige: " Les prestations de retraite versées sous forme de capital imposables conformément au b quinquies du 5 de l'article 158 peuvent, sur demande expresse et irrévocable du bénéficiaire, être soumises à un prélèvement au taux de 7,5 % qui libère les revenus auxquels il s'applique de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est assis sur le montant du capital diminué d'un abattement de 10 %. ".

10. Il résulte de ces dispositions que lors de la clôture d'un plan d'épargne retraite de type " Madelin " par rente unique, cette dernière peut, sur demande expresse et irrévocable du contribuable, être soumis à un prélèvement forfaitaire de 7,5 % libératoire de l'impôt sur le revenu. Ce prélèvement est calculé sur le montant du capital perçu avant déduction des cotisations ou contributions prélevées sur la pension, diminué d'un abattement de 10 % qui n'est pas plafonné.
11. Il résulte de l'instruction que M. B... a perçu une rente unique d'un montant brut de 9 589,24 euros du groupement d'intérêt économique Bnp Paribas Cardif, à la suite de sa demande de mise en place d'une rente dans le cadre de la sortie de son plan d'épargne retraite de type " Madelin ". Ainsi que l'a relevé le tribunal et alors que le courrier que leur a adressé Bnp Paribas Cardif le 31 juillet 2014 mentionne que cette somme revêt le caractère d'une rente, que, de plus, les époux B... l'ont déclarée à titre de rente et que le bulletin de recoupement " tiers déclarant " précise qu'elle relève de la catégorie des pensions et retraite, les appelants n'apportent aucun élément, notamment copie de contrat justifiant la nature et la cause de ce versement, permettant de démontrer, comme il le leur incombe, que cette somme leur aurait été versée dans le cadre d'un rachat partiel de contrat d'assurance-vie. Par suite, ce moyen doit être écarté. De plus et contrairement à ce qu'ils soutiennent, la somme précitée n'a subi aucune double imposition aux prélèvements sociaux, seul l'impôt sur le revenu étant en cause en l'occurrence.

12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu ". Et aux termes de l'article 80 quinquies du même code : " Les indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale et de la mutualité sociale agricole ou pour leur compte, sont soumises à l'impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires, à l'exclusion de la fraction des indemnités allouées aux victimes d'accidents du travail exonérée en application du 8° de l'article 81 et des indemnités qui sont allouées à des personnes atteintes d'une affection comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ". L'exonération prévue par cette dernière disposition ne s'applique qu'aux indemnités journalières versées par les organismes de sécurité sociale ou pour leur compte, et non aux indemnités complémentaires versées par des organismes de prévoyance en application d'un contrat de groupe souscrit par l'employeur, qui ont le caractère de revenus de remplacement imposables au sens de l'article 79 précité du code général des impôts.

13. Il résulte de l'instruction que Mme B... a perçu, en 2013 et 2014, diverses sommes qui lui ont été versées, non par les organismes de sécurité sociale visés à l'article 80 quinquies précité, mais par les sociétés Groupama Gan Vie et Assurance-Crédit Mutuel Vie au titre d'indemnités complémentaires. Les requérants ne produisent aucun élément de nature à établir que ces indemnités ont été versées pour le compte d'organismes de sécurité sociale. C'est, dès lors, à bon droit que l'administration a, en application de l'article 79 précité, imposé les sommes dont il s'agit dans la catégorie des traitements et salaires, pensions et rentes viagères.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2021 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 décembre 2021.
La présidente-assesseure,
Frédérique Munoz-Pauziès
Le président-rapporteur,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°19BX03402