CAA de NANCY, 2ème chambre, 31/12/2021, 19NC02549, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler la décision du 10 avril 2017 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 29 mai 2017 par lesquelles le président du département du Territoire de Belfort a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Par un jugement n° 1701688, 1801000 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 août 2019 et 13 juillet 2020, Mme B... D..., représentée par Me Suissa, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2019 ;
2°) d'annuler cette décision du 10 avril 2017 ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 29 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au département du Territoire de Belfort de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de condamner le département du Territoire de Belfort à lui payer une somme totale de 13 500 euros en réparation des préjudices subis, augmentée des intérêts de droit courant à compter du 16 février 2018 et de capitaliser cette somme à l'issue d'une année ;
5°) de mettre à la charge du département du Territoire de Belfort une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la signature apposée sur la décision contestée ne permettait pas d'identifier avec certitude l'auteur de la décision ainsi que sa qualité ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision attaquée ;
- la décision n'est pas motivée en droit ;
- la décision lui refusant la reconnaissance d'imputabilité au service de sa maladie méconnaît l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- elle a subi à compter de l'année 2015 des manquements et des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral, qui ont affecté son état de santé et sa situation professionnelle ;
- le département a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité quant à la gestion de sa carrière et aux manquements à l'obligation de sécurité et de protection de la santé de ses agents ;
- elle a subi des préjudices d'ordre moral et financier à hauteur d'une somme de 13 500 euros.
Par un mémoire en défense et des pièces complémentaires, enregistrés les 10 juin 2020 et 18 novembre 2021, le département du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lambing,
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Naudin, représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... a été recrutée le 9 mai 2005 par le département du Territoire de Belfort en qualité d'agent contractuel. A la suite de la réussite du concours d'attaché territorial, l'intéressée a été titularisée en juin 2010 à ce grade. Par un arrêté du 26 mars 2012, elle a été nommée au poste de directrice de la relation aux habitants. Mme D... a été en congés de maladie du 13 au 29 janvier 2016, du 4 au 25 mars 2016 et du 5 avril au 3 mai 2016. Elle a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de ces arrêts de maladie. Le directeur général des services du département du Territoire de Belfort a, par une décision du 10 avril 2017, refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme D.... Le recours gracieux qu'elle a formé le 29 mai 2017 a été implicitement rejeté. Mme D... relève appel du jugement du 13 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 10 avril 2017 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 29 mai 2017.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 10 avril 2017 a été signée par M. C... A..., avec la mention, quant à sa qualité, " pour le président du conseil départemental, le sous-préfet, directeur général des services ". S'il est vrai que cette mention comporte l'indication de son corps d'origine de sous-préfet, il est cependant constant que le courrier portait l'en-tête du conseil départemental du Territoire de Belfort et non d'un service de l'Etat. De plus, eu égard aux fonctions de Mme D..., directrice au sein du conseil départemental, qui avait eu l'occasion d'échanger à plusieurs reprises avec M. A... depuis son arrivée en juillet 2015 en qualité de directeur général des services du département, il ne pouvait y avoir pour cette dernière aucune ambiguïté sur l'identité et les fonctions du signataire de la décision attaquée. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, l'indication du corps d'origine du directeur général des services dans le cachet ne saurait constituer un vice entachant d'irrégularité la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
4. En deuxième lieu, par arrêté n°2016-1104 du 8 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département le 18 novembre 2016, qui est disponible au public sur le site internet du département, le président du conseil départemental du Territoire de Belfort a délégué sa signature à M. A... en sa qualité de directeur général des services " à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de la direction générale des services (...). Cette délégation s'étend en particulier (...) aux décisions relatives à la gestion du personnel placé sous son autorité ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence manque en fait.
5. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. "
6. Il résulte de ces dispositions, que la décision refusant à un fonctionnaire le bénéfice des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 relatives aux congés de maladie doit être regardée comme refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, au sens des dispositions du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle est ainsi au nombre des décisions qui, en application de cet article, doivent être motivées.
7. En outre, l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique a institué un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " en insérant dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 21 bis aux termes duquel : " I. - Le fonctionnaire en activité a droit à un congé pour invalidité temporaire imputable au service lorsque son incapacité temporaire de travail est consécutive à un accident reconnu imputable au service, à un accident de trajet ou à une maladie contractée en service définis aux II, III et IV du présent article. (...) / IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. / VI. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités du congé pour invalidité temporaire imputable au service mentionné au premier alinéa et détermine ses effets sur la situation administrative des fonctionnaires. "
8. L'application de ces dispositions résultant de l'ordonnance du 19 janvier 2017 était manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, décret par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue, sous forme de décret en Conseil d'Etat, par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.
9. Mme D... soutient que la décision est insuffisamment motivée en droit dès lors qu'elle ne vise pas l'ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017 précitée. Toutefois, il résulte de ce qui vient d'être dit que les dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 dont se prévaut la requérante n'étaient pas entrées en vigueur. Dès lors, la décision attaquée n'avait pas à s'y référer. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'insuffisance motivation en droit doit être écarté.
10. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 7 à 9, Mme D... ne saurait se prévaloir d'une présomption d'imputabilité de sa maladie au service, résultant de l'ordonnance n°2017-53 du 19 janvier 2017, qui au demeurant ne s'applique qu'aux maladies désignées par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractées dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau.
11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 58. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. "
12. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
13. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un audit organisationnel et de l'arrivée d'un nouveau directeur général des services en juillet 2015, le poste de directrice de la relation aux habitants occupé jusqu'alors par Mme D... a été supprimé au 1er janvier 2016 dans l'intérêt du service, dans le but d'une refonte totale de l'organisation. Le nouvel organigramme des services du département a été validé par le comité technique lors de sa séance du 30 septembre 2015, puis présenté au personnel par courriel du directeur général des services du 1er octobre 2015 et lors d'une réunion avec l'ensemble du personnel le 13 octobre 2015. Mme D... a été reçue par le directeur général des services le 14 octobre 2015 pour échanger sur cette réorganisation. Le 19 octobre 2015, le directeur général des services a rencontré les agents de la direction de la relation aux habitants et Mme D.... Le 25 novembre 2015, une réunion d'information a eu lieu avec Mme D... sur la nouvelle organisation, en présence des deux directeurs dont relèvent dorénavant les missions de la direction de la relation aux habitants. Par courrier électronique du 27 novembre 2015, Mme D... a informé le directeur général des services et la direction des ressources humaines qu'elle prenait acte du nouveau cadre organisationnel et qu'elle était dans l'attente de sa réaffectation. Des postes vacants ont été proposés en interne, sur lesquels Mme D... ne s'est pas positionnée. A compter du 1er janvier 2016, la réorganisation des services a été mise en œuvre. Durant sa première période en arrêt de maladie ordinaire du 13 au 29 janvier 2016, Mme D... a demandé par deux courriers du 14 janvier 2016, d'une part, le bénéfice d'un travail à temps partiel pour une quotité de travail de 60 %, et d'autre part, que sa nouvelle affectation lui soit précisée. Le 8 février 2016, le directeur général des services et le directeur des ressources humaines lui ont proposé un poste à la direction de l'agriculture, de l'environnement, des risques et du développement durable. Quand bien même cette affectation ne s'est pas concrétisée, la situation de Mme D... a ainsi été prise en considération par la collectivité. Eu égard à ces circonstances, si toute réorganisation de services peut être anxiogène, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce Mme D... a été régulièrement informée des modalités de la réorganisation des services entre septembre et novembre 2015, cette dernière ayant d'ailleurs accepté le 27 novembre 2015 le principe de la suppression de son poste. Enfin, le courrier de la médecine du travail du 22 février 2016 adressé au président du conseil départemental du Territoire de Belfort, qui alerte la collectivité de la souffrance et du mal être au travail de certains agents du département en lien avec la réorganisation en cours, est rédigé en des termes généraux et n'évoque pas en particulier la situation de Mme D... ou la direction qu'elle pilotait. Dans ces conditions, les faits décrits ne caractérisent pas un contexte professionnel pathogène qui aurait pu être à l'origine de la maladie de Mme D.... A cet égard, un tel contexte ne ressort pas davantage du certificat médical d'un médecin généraliste du 18 avril 2016, produit par la requérante, qui évoque " un mal être profond que Mme D... dit lié à ses conditions de travail ", et se borne ainsi à retranscrire les propos de cette dernière. Il s'ensuit que l'affection dont la requérante a souffert ne peut être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ou avec ses conditions de travail. Mme D... n'est dès lors pas fondée à soutenir que le département du Territoire de Belfort a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le harcèlement moral et le comportement fautif dans la gestion de la carrière de Mme D... :
14. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ". Aux termes du IV de l'article 11 de la même loi : " La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. ".
15. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement, notamment lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtant un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
16. Mme D... soutient qu'elle a fait l'objet, de septembre 2015 à mai 2016, de faits constitutifs d'un harcèlement moral en raison des agissements de ses supérieurs hiérarchiques tels que la suppression de son poste de direction, l'absence d'instruction quant aux suites à donner aux projets en cours en fin d'année 2015, le retrait de sa délégation de signature, sa mise à l'écart de réunions, l'absence de mention de son nom sur le nouvel organigramme et son positionnement dans le logiciel de gestion de temps de travail dans une rubrique " divers ", la privation d'accès aux outils informatiques, une campagne de " décrédibilisation " et de dénigrement, et enfin son agenda vide au 1er janvier 2016.
17. Il ne résulte pas de l'instruction que la réorganisation des services du département n'aurait pas été réalisée dans l'intérêt du service. Si cette restructuration a eu pour conséquence de supprimer le poste occupé par Mme D... et de diminuer son niveau de responsabilité à compter du 1er janvier 2016, l'intéressée n'a pas présenté de candidature consécutivement à la proposition à l'issue de la réorganisation des services entre octobre et novembre 2015 d'une dizaine de postes relevant de son grade. La requérante ne peut se prévaloir de l'inadéquation du poste qui lui a été proposé en février 2016, notamment en raison de l'absence d'encadrement et de compétences dans le domaine financier qu'elle ne possédait pas, dès lors que le grade de catégorie A n'induit pas nécessairement des fonctions de management et qu'il lui était possible d'adapter ses compétences par une formation. Enfin, les indemnités versées dans les précédentes fonctions de direction de Mme D... correspondaient aux spécificités du poste, notamment s'agissant de la nouvelle bonification indiciaire liée aux fonctions d'encadrement. En l'absence de telles sujétions dans les nouvelles fonctions proposées, leur suppression était justifiée sans que cela révèle une marque d'hostilité à son égard. Dans ces conditions, et compte tenu de l'ensemble des échanges contradictoires entre le département et Mme D..., les faits allégués par cette dernière ne caractérisent ni un harcèlement moral ni un comportement fautif du département dans la gestion de la carrière de la requérante. La circonstance qu'elle ait été placée en congé de maladie en raison d'un état dépressif et d'un stress au travail n'est pas de nature à infirmer cette analyse.
En ce qui concerne le manquement à l'obligation de sécurité :
18. Aux termes de l'article 2-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité. ".
19. Mme D... demande à être indemnisée du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du manquement du département à l'obligation de sécurité qui pèse sur l'employeur public en vertu de l'article 2-1 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 précité.
20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 13 et 17 que le département du Territoire de Belfort n'a pas méconnu son obligation de veiller à la sécurité et à la protection de la santé de Mme D.... Par suite, le département n'a pas non plus sur ce point commis de faute de nature à engager sa responsabilité envers Mme D....
En ce qui concerne les fautes résultant de décisions illégales :
21. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision du président du département du Territoire de Belfort du 10 avril 2017 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé par la requérante ne sont entachées d'aucune illégalité. Les conclusions indemnitaires de Mme D... tendant à la réparation des préjudices liés à une prétendue illégalité fautive de ces décisions ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
22. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
23. Le présent arrêt, qui n'admet ni les conclusions à fin d'annulation ni les conclusions indemnitaires présentées par Mme D..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme D... doivent être rejetées.
Sur les frais de justice liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département du Territoire de Belfort, qui n'a pas la qualité de partie perdante, la somme que réclame Mme D... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accorder au département du Territoire de Belfort la somme qu'il demande au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Territoire de Belfort présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au département du Territoire de Belfort.
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