CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 01/02/2022, 20MA00772, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... E..., veuve B..., a demandé au tribunal des pensions de Marseille d'annuler la décision de la ministre des armées du 5 février 2018 refusant sa demande de pension de conjoint survivant, enregistrée par la sous-direction des pensions du ministère des armées le 15 mai 2017.
Par un jugement n° 18/00096 du 14 mars 2019, le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 avril 2019 par la Cour régionale des pensions
d'Aix-en Provence, Mme E... doit être regardée comme demandant l'annulation du jugement du tribunal des pensions de Marseille du 14 mars 2019.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'a été méconnu, devant le tribunal des pensions, le principe du contradictoire ;
- la ministre ne pouvait refuser de faire droit à sa demande au motif qu'elle n'avait pas " fait comparaître son défunt mari " devant un médecin expert et sans l'avoir invité à présenter une demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation.
Par acte de transmission du dossier, enregistré le 1er novembre 2019, et en application des dispositions du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif, la cour administrative d'appel de Marseille est saisie de la présente affaire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Badie,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... E... est veuve de M. A... B..., titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, au taux de 50%, pour des scléroses pulmonaires cicatricielles, séquelles d'une maladie contractée pendant son service national en 1961. Par décision du
6 février 2018, la ministre des armées a rejeté la demande par laquelle Mme E... sollicitait le bénéfice d'une pension en qualité de conjoint survivant sur le fondement de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Mme E... relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal des pensions de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit fait droit à sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme E... soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le jugement a été rendu au terme d'un débat réputé contradictoire dès lors qu'elle a été mise dans l'impossibilité de faire valoir ses droits après qu'elle a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
3. Si un requérant a obtenu la désignation d'un avocat au titre de l'aide juridictionnelle et si cet avocat n'a pas produit de mémoire, le tribunal ne peut, afin d'assurer au requérant le bénéfice effectif du droit qu'il tire de la loi du 10 juillet 1991, rejeter la requête sans avoir préalablement mis l'avocat désigné en demeure d'accomplir, dans un délai qu'il détermine, les diligences qui lui incombent et porté cette carence à la connaissance du requérant, afin de le mettre en mesure, le cas échéant, de choisir un autre représentant.
4. Il ressort clairement des pièces du dossier de première instance que, par une décision du 18 octobre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille, auquel était rattaché le tribunal des pensions dont la décision est contestée en appel, Mme E... a obtenu l'aide juridictionnelle totale et la désignation d'une avocate, pour l'assister dans cette instance. Or, le jugement attaqué ne fait à aucun moment référence à cette décision, ni à la représentation de la requérante par son conseil. Dans ces conditions, il a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulé pour ce motif. Il y a lieu par suite d'évoquer et de statuer sur la demande de Mme E....
Sur les droits à pension de Mme E... :
5. Aux termes de l'article L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité, dans sa version en vigueur à la date de la demande : " Ont droit à pension : / 1° Les conjoints survivants des militaires et marins dont la mort a été causée par des blessures ou suites de blessures reçues au cours d'événements de guerre ou par des accidents ou suites d'accidents éprouvés par le
fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les conjoints survivants des militaires et marins dont
la mort a été causée par des maladies contractées ou aggravées par suite de fatigues, dangers
ou accidents survenus par le fait ou à l'occasion du service, ainsi que les conjoints survivants
de militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à 85 % ou en possession de droits à
cette pension ; / 3° Les conjoints survivants des militaires et marins morts en jouissance d'une pension définitive ou temporaire correspondant à une invalidité égale ou supérieure à
60 % ou en possession de droits à cette pension. (...) ". Aux termes de l'article L. 45 de ce même code : " Les demandes de pension autres que les pensions de réversion, formulées par les conjoints survivants ou orphelins de militaires décédés dans leur foyer, doivent être accompagnées d'un rapport médico-légal, établi par le médecin qui a soigné l'ancien militaire ou marin pendant la dernière maladie ou, à défaut de soins donnés pendant la dernière maladie, par le médecin qui a constaté le décès. / Le rapport visé à l'alinéa précédent fera ressortir d'une façon précise la relation de cause à effet entre le décès et la blessure reçue ou la maladie contractée ou aggravée en service. / Les postulants à pension y joindront tous documents utiles pour établir la filiation de l'affection, cause du décès, par rapport aux blessures ou aux maladies imputables au service dans les conditions définies à l'article L. 2 (...) ".
6. En premier lieu, ni les certificats médicaux établis par le docteur F..., datés du
23 mai 2016 et du 8 novembre 2016, qui indiquent que M. B... était suivi pour une broncho-pneumopathie chronique obstructive avec insuffisance respiratoire sur antécédent de tabagisme, ni le certificat du docteur D..., en date du 5 octobre 2016, indiquant que le patient était traité pour tuberculose pulmonaire bilatérale, ne permettent d'établir que ce dernier est décédé d'une maladie contractée ou aggravée pendant le service, en particulier des suites de la sclérose pulmonaire cicatricielle contractée durant son service militaire en 1961. Contrairement à ce que soutient la requérante, c'est pour ce seul motif, et non pas parce que l'intéressé n'aurait pas " comparu devant un médecin expert ", que la ministre a considéré que la preuve de l'imputabilité au service de l'affection cause du décès n'était pas apportée.
7. En second lieu, alors qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'oblige à inviter à échéance régulière un titulaire d'une pension militaire d'invalidité à demander la révision de sa pension, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la ministre des armées a refusé de faire droit à la demande de pension de conjoint survivant formée par elle au motif que l'infirmité pensionnée était inférieure au taux minimal exigé de 60 % pour ouvrir droit à une pension de conjoint survivant.
8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la demande de Mme E... ne peut être que rejetée.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 18/00096 du 14 mars 2019 du tribunal des pensions de Marseille est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et la demande de première instance de Mme E... veuve B... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... veuve B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 1er février 2022.
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N° 20MA00772