CAA de PARIS, 8ème chambre, 22/12/2021, 19PA03697, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. Bernard B... a demandé au tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 rejetant sa demande de révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation de l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et traumatisme de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion distance doigt sol 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ".
Par un jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
La cour régionale des pensions de Paris a transmis à la Cour, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétence entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, la requête présentée par M. B... enregistrée à son greffe le 22 juillet 2019.
Par cette requête enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 19PA03697 le 1er novembre 2019 , M. B..., représenté par Me Dakessian, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris ;
2°) d'annuler la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre à la ministre des armées d'établir un nouveau titre de pension pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 - allégation d'algies nocturnes : 15 %, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion distance doigt sol : 30 cm, Radio : Pincement L5-S1, discopathies, arthrose " avec un taux d'invalidité de 60 % à compter de la date d'enregistrement de la demande, soit le 29 avril 2016 ;
4°) à titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire avec pour mission de se faire communiquer l'intégralité de son dossier, de fixer un rendez-vous d'expertise aux parties, de préciser de manière complète le diagnostic de l'infirmité litigieuse, de fixer le taux d'invalidité en se plaçant à la date d'enregistrement de la demande administrative, soit le 29 avril 2016 ;
5°) de condamner l'Etat à verser à son conseil la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en imposant au demandeur de justifier d'un suivi médical et en lui reprochant de ne pas avoir apporté d'éléments médicaux suffisants, condition non prévue par la loi ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 154-1 (anciennement L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 septembre 2020, la ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. B... et à la confirmation du jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 9 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le 14 avril 1971, M. Bernard B..., né le 13 juin 1952, a été victime dans le cadre de la préparation militaire parachutiste d'un accident de service lors d'une mauvaise réception au sol après un saut en parachute. Il a bénéficié d'une pension militaire d'invalidité à compter du 24 février 1975 au titre de l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 - allégation d'algies nocturnes : 15 % ", puis au taux de 35 % à titre définitif depuis le 19 octobre 1982 pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et trauma de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion DDS 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ". Le 29 avril 2016, il a sollicité la révision de sa pension pour aggravation. La ministre des armées a, par décision du 17 novembre 2017, rejeté sa demande au motif qu'aucune aggravation n'a été constatée. Par jugement n° 17/00031 du 24 mai 2019, dont M. B... relève appel, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté le recours formé contre cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A supposer que M. B... ait entendu soutenir que les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L. 154-1 (anciennement L. 29) du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ces critiques, qui portent sur le bien-fondé de l'appréciation portée par les premiers juges, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de révision de la pension : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le degré d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 % au moins du pourcentage antérieur. Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". Il résulte de ces dispositions que le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé.
4. En premier lieu, dès lors qu'il appartient aux juges du fond, faisant usage de leur pouvoir souverain d'appréciation, de puiser dans l'ensemble des renseignements contenus au dossier une force probante suffisante pour former leur conviction et décider en conséquence que la preuve de l'imputabilité ou de l'aggravation de l'infirmité doit être regardée comme établie en motivant expressément leur décision sur ce point en mentionnant les éléments sur lesquels ils se fondent, le jugement du 24 mai 2019 du tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris qui mentionne qu'il " appartient à M. B... d'apporter au tribunal un minimum d'éléments médicaux permettant de contester les conclusions du docteur A... ", qu'il " ne produit aucun document probant, il n'apporte pas les éléments d'un suivi médical conséquent " n'ajoute pas, contrairement à ce que soutient le requérant, une condition non prévue par la loi mais constate seulement dans le cadre de la dialectique de la preuve que les éléments produits par ce dernier sont insuffisants. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une erreur de droit pour ce motif.
5. En second lieu, il résulte de l'instruction que dans son rapport établi le 12 août 2017, le docteur A..., médecin mandaté par l'administration, a examiné M. B... et les comptes rendus des radiographies du rachis du 27 février 2014 mentionnant " une anomalie statique en L2-L3 et une arthrose interarticulaire postérieure plus marquée en L5-S1 et L4-L5 à gauche ", du 18 février 2016 mentionnant " tassement post-traumatique en L2-L3, discopathies étagées en T12-L2, L1-L2, L2-L3 et L5-S1 " et de l'IRM du rachis lombaire du 25 mars 2016 précisant " pas de CLE, à aucun niveau (...), saillies discales dégénératives étagées en L2-L3, L3-L4, L4-L5 (importante), L5-S1 (modérée) ". Il a ensuite relevé l'absence d'éléments cliniques nouveaux en comparaison de l'expertise précédente réalisée en 2007 par le docteur C.... Il a ajouté que les séquelles consolidées de la fracture L2 sont d'aspect radiologique inchangé, que les discopathies dégénératives étagées sont lentement évolutives liées à l'âge et dorénavant plus marquées en L4-L5 sur l'IRM de 2016 et que la discopathie antérieurement relevée L5-S1 reste modérée. Il conclut à l'absence d'aggravation objective de l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension militaire d'invalidité et par suite au maintien du taux de 35 % ainsi qu'à la présence de " saillies discales dégénératives lombaires représentant un taux de 10 % à titre documentaire sans relation directe et déterminante avec le traumatisme de 1971 " et un IMC de 30.
6. D'une part, le médecin traitant de M. B... mentionne dans le certificat médical établi le 13 avril 2016 " une nette aggravation des lombalgies qui occasionnent une gêne importante dans la vie au quotidien, [que] les radiographies et l'IRM témoignent de cette aggravation et [que] le taux d'invalidité fixé en 1982 à 35 %, doit, de ce fait être réévalué ". D'autre part, il ressort de l'examen de M. B... réalisé par les deux médecins mandatés par l'administration les 12 août 2017 et 3 avril 2007 que la comparaison des signes fonctionnels de son infirmité sont quasiment similaires à l'exception de l'apparition d'une contracture paralombaire et un Shöber à +2 alors qu'il était à 9,5-12 en 2007 tandis que la distance doigt-sol est identique à 40 cm ainsi que le signe de Lasègue à 70° et que les réflexes ostéotendineux sont bien perçus et symétriques et ils ont enfin relevé des " saillies discales dégénératives étagées en L2-L3, L3-L4, L4-L5 " importantes et en L5-S1 modérées. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité depuis le 24 février 1975 concerne des " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire ayant entrainé une fracture de L2, avec traumatisme de L5 - S1 (...) ", alors que les comptes rendus précités des radiographies réalisées en 2016 font état de séquelles consolidées de la fracture en L2 d'aspect inchangé et d'une discopathie antérieurement relevée en L5-S1 restant modérée, montrant ainsi l'absence d'évolution des séquelles présentes sur les disques L2 et L5-S1 de l'accident dont il a été victime le 14 avril 1971. Ainsi, les saillies discales importantes au niveau de L2-L3, L3-L4 et L4-L5, qui sont de localisation différente de celles liées à cet accident, ne peuvent pas être regardées comme imputables à l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie d'une pension militaire d'invalidité.
7. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, conformément aux dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dès lors que les éléments médicaux produits de part et d'autre montrent, par comparaison avec son état antérieur, l'absence d'aggravation de l'infirmité pour laquelle M. B... bénéficie déjà d'une pension militaire d'invalidité et dont il demande la révision et qu'il n'est pas établi que l'aggravation des saillies discales dont il souffre au niveau de L2-L3, L3-L5 et L4-L5 serait exclusivement imputable à la blessure constitutive de l'infirmité reconnue suite à l'accident, dont il a été victime le 14 avril 1971, M. B... n'a pas droit à la révision de la pension militaire d'invalidité dont il bénéficie au taux de 35 % à titre définitif depuis le 19 octobre 1982 pour l'infirmité " séquelles douloureuses d'un traumatisme lombaire avec fracture de L2 et trauma de L5-S1, lombalgies irradiantes vers les territoires des nerfs sciatiques, raideur nette du segment lombo-sacré, extension quasi nulle, antéflexion DDS 30 cm - radio : pincement L5-S1 discopathies, arthrose ". Il s'ensuit que la décision de la ministre des armées du 17 novembre 2017 ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 29 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de la défense du 17 novembre 2017 rejetant la demande de révision de sa pension militaire d'invalidité. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bernard B... et à la ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.
La rapporteure,
A. COLLET Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA03697