CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 22/03/2022, 20MA00595, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la lettre du
13 novembre 2017 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Gard l'a invité à déposer une demande de mise à la retraite pour invalidité à compter du 8 février 2017 et d'enjoindre au directeur de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 1800096 du 20 décembre 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 février 2020 et le 25 février 2022,
M. B..., représenté par Me Heulin, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 décembre 2019 ;
2°) d'annuler la lettre du directeur départemental des finances publiques du Gard du
13 novembre 2017 l'informant de la prolongation de son congé ordinaire de maladie pour
6 mois, de son inaptitude définitive et absolue à exercer ses fonctions et de la nécessité de déposer une demande écrite de la mise à la retraite pour invalidité ;
3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques du Gard de reconstituer sa carrière à compter du 13 novembre 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa demande de première instance n'est pas irrecevable, la mesure en litige, qui entérine sa prétendue inaptitude totale et absolue étant décisoire et susceptible de recours, ainsi qu'elle l'indique elle-même ;
- la décision en litige est signée d'une autorité incompétente et n'est pas motivée ;
- l'avis du comité médical départemental est irrégulier, faute pour l'administration de justifier, d'une part, de la collégialité et de la présence d'un médecin spécialiste en psychiatrie, conformément aux dispositions des articles 5 et 6 du décret du 14 mars 1986 et d'autre part, de l'information donnée au médecin de prévention de la tenue de la séance de ce comité et au requérant de pouvoir faire entendre le médecin de son choix et obtenir communication de son dossier, en méconnaissance des articles 7 et 18 de ce décret ;
- la mesure litigieuse a été prise en méconnaissance de l'obligation de l'inviter préalablement à présenter une demande de reclassement, prescrite par l'article 27 du décret du
14 mars 1986 et n'a pas donné lieu à l'engagement d'une procédure de reclassement, en violation de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984 et de l'article 2 du décret du
30 novembre 1984 ;
- en se bornant à reprendre l'avis du comité médical départemental, le directeur départemental s'est cru lié par cet avis et a commis une erreur de droit ;
- la décision en litige est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, procédant d'une contradiction avec les différents avis des médecins assurant le suivi thérapeutique du requérant et concluant à la reprise de son activité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête, en soutenant que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2022, à 12 heures.
Par décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille en date du 26 juin 2020, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Heulin, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., agent de recouvrement à la direction départementale des finances publiques du Gard, a été placé en position de congé de maladie ordinaire pour la période du
21 avril 2015 au 20 avril 2016, puis en disponibilité pour raison de santé du 21 avril 2016 au
2 octobre 2016. Il a de nouveau été placé en congé de maladie ordinaire du 8 février 2017 au
19 juillet 2017. Par avis du 9 novembre 2017, le comité médical départemental s'est prononcé favorablement à la prolongation de son congé de maladie ordinaire du 8 août 2017 au
8 février 2018, mais a estimé qu'à l'expiration de ses droits à congé, il devait être considéré comme inapte de manière définitive et absolue à l'exercice de ses fonctions comme de toute fonction et qu'en conséquence, il y avait lieu d'instruire une demande de mise à la retraite pour invalidité. Par lettre du 13 novembre 2017, le directeur départemental des finances publiques du Gard a informé M. B... de cet avis et l'a invité à déposer une demande écrite de mise à la retraite pour invalidité à compter du 8 février 2017. Par jugement du 20 décembre 2019, dont
M. B... forme appel, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette lettre.
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. ". En vertu de l'article L. 29 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office. Dans ce dernier cas, la radiation des cadres est prononcée à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de sa mise en congé si celle-ci a été prononcée notamment en application du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984. Aux termes de l'article 27 du décret du
14 mars 1986 : " Lorsque, à l'expiration de la première période de six mois consécutifs de congé de maladie, un fonctionnaire est inapte à reprendre son service, le comité médical est saisi pour avis de toute demande de prolongation de ce congé dans la limite des six mois restant à courir./ Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, s'il ne bénéficie pas de la période de préparation au reclassement prévue par le décret
n° 84-1051 du 30 novembre 1984 pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du
11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ".
3. D'une part, il résulte des termes mêmes de ses écritures devant le tribunal que
M. B... a demandé en première instance non pas l'annulation de l'avis rendu le
9 novembre 2017 par le comité médical départemental, mais celle de la lettre du
13 novembre 2017 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Gard l'a informé de cet avis et invité à présenter en conséquence une demande de mise à la retraite pour invalidité.
4. D'autre part, par cette lettre, le directeur départemental des finances publiques du Gard n'a pris position ni sur l'aptitude de M. B... à l'exercice de ses fonctions, ni sur son admission à la retraite pour cause d'invalidité, mais s'est borné à l'informer de la teneur de l'avis du comité médical et à l'inviter, sans l'y contraindre, à déposer une demande de mise à la retraite pour invalidité. Une telle information, qui n'est prévue par aucune des dispositions législatives et réglementaires applicables à la procédure de mise à la retraite pour invalidité d'un fonctionnaire civil, engagée sur sa demande ou d'office, ne constitue pas une décision administrative susceptible de recours, malgré l'indication qu'elle comporte des voies et délais de recours. Par suite, ainsi que le soutient le ministre en première instance, la demande de M. B... tendant à l'annulation de cette mesure est irrecevable et ne peut qu'être rejetée. Il doit en aller de même, par voie de conséquence, de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au directeur départemental des finances publiques du Gard de réexaminer sa situation.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions fondées sur les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Heulin et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Ury, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
N° 20MA005952