CAA de LYON, 7ème chambre, 06/10/2022, 21LY00494, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 octobre 2022
Num21LY00494
JuridictionLyon
Formation7ème chambre
PresidentM. PICARD
RapporteurMme Christine DJEBIRI
CommissaireM. RIVIERE
AvocatsHUON CHRISTIAN

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal des pensions de Dijon de réformer la décision du 21 janvier 2019 par laquelle le ministre de la défense a procédé à la révision de sa pension militaire d'invalidité.

Par un jugement n° 1903218 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Dijon, à qui, en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018, a été transférée la demande de M. C..., a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 février et 13 décembre 2021, M. C..., représenté par Me Huon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de lui reconnaître un droit à pension au taux global de 100 % et 29 degrés et aux allocations spéciales " grand invalide " et " grand mutilé " ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les infirmités n° 1 et 2, pour lesquelles une pension militaire d'invalidité lui a été octroyée, auraient dû être qualifiées, non de parésie spastique, mais de paraplégie des membres inférieurs, et lui ouvrir droit à l'attribution d'un taux de 100 % et à la majoration d'un degré, en vertu des dispositions de l'article L. 125-11 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- au total, par l'application des articles L. 125-11 et R. 132-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, il aurait dû bénéficier d'un taux de 100 % et d'une majoration de vingt-neuf degrés ;
- l'allocation tierce personne lui ouvre droit, compte tenu de la qualification de paraplégie, à l'allocation de grand mutilé n° 44, prévue par les dispositions de l'article R. 132-1 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la reconnaissance de sa paraplégie lui ouvre droit à l'allocation " grand invalide " n° 6 prévue par les dispositions de l'article R. 131-3 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
Par des mémoires enregistrés le 22 novembre 2021 et le 7 janvier 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Huon, pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :


1 M. C..., incorporé en 1980 à l'âge de dix-neuf ans dans l'armée de l'air, est titulaire d'une pension militaire d'invalidité depuis le 30 avril 2009 à la suite d'un accident de la circulation survenu en 1982 lors d'un retour de permission. A la suite de sa demande du 7 février 2017, le ministre de la défense a procédé, par une décision du 21 janvier 2019, à la révision de sa pension militaire d'invalidité. Il a obtenu une augmentation des taux de ses infirmités, n° 1 " parésie spastique du membre inférieur gauche " et n° 2 " parésie spastique du membre inférieur droit ", portés à 90 %, sans que leur libellé soit modifié. M. C... fait appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté son recours visant à réformer cette décision.
2 Aux termes de l'article L. 125-8 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : / 1° Les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité ; / 2° L'infirmité la plus grave est prise en considération pour l'intégralité du taux qui lui est applicable ; / 3° Le taux de chacune des infirmités supplémentaires est pris en considération proportionnellement à la validité restante ; / 4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. " Aux termes de l'article L. 125-10 du même code : " Dans le cas d'infirmités multiples dont l'une entraîne une invalidité pensionnée à 100 %, il est accordé, pour tenir compte de l'infirmité ou des infirmités supplémentaires, un complément de pension calculé sur la base de 16 points d'indice par tranche de 10 % d'invalidité. Chaque tranche de 10 % prend le nom de degré. / ". Aux termes de l'article L. 125-11 de ce code : " Par dérogation aux dispositions des articles L. 125-8, L. 125-9 et L. 125-10, le taux d'invalidité des grands mutilés de guerre définis à l'article L. 132-1 et des invalides définis à l'article L. 132-2, atteints d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, est porté à 100 % avec majoration d'un degré tel que défini au premier alinéa de l'article L. 125-10, si, à la ou aux infirmités qui leur ouvrent droit à la qualité de grand mutilé ou aux allocations prévues pour les bénéficiaires de l'article L. 132-2, s'ajoute une autre infirmité remplissant les mêmes conditions d'origine et entraînant à elle seule un pourcentage d'invalidité au moins égal à 60 %. Toute infirmité ajoutée est ensuite décomptée conformément aux dispositions de l'article L. 125-10. " Enfin, aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 132-2 du même code : " Sont également admis au bénéfice des allocations spéciales prévues au présent chapitre, sans pouvoir prétendre à la qualité de grand mutilé de guerre, les pensionnés : / 1° Amputés, aveugles, paraplégiques, atteints de lésions crâniennes avec épilepsie, équivalents épileptiques ou manifestations post commotionnelles cérébrales graves par suite d'une blessure ou d'une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du service ; (...) ".
3 Le guide-barème, prévu à l'article L. 125-3 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et désormais codifié à l'annexe 2 de ce code, distingue quatre groupes, dont le pourcentage d'invalidité va de 20 % à 100 %, parmi les paraplégies médullaires, c'est-à-dire les paralysies des deux membres symétriques. Les trois derniers de ces groupes sont : " b. Paraplégie incomplète plus accentuée, permettant la marche mais nécessitant l'emploi habituel d'appuis (cannes ou béquilles) sans troubles permanents des sphincters/ 45 à 85 % c) paraplégie incomplète mais rendant la marche et la station debout très difficiles, avec atrophie musculaire ou état spasmodique très marqués avec troubles des sphincters constants, abolition de la fonction génitale / 90 à 95 % (...) / d) paraplégie motrice complète des membres inférieurs / 100 % ".
4 Il résulte des dispositions du 1° de l'article L. 132-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, issues de l'ancien article L. 37 de ce code, qui a codifié l'article 2 du décret du 17 juin 1938, éclairées par le rapport au Président de la République sur ce décret, d'après lequel cette dernière disposition étend les majorations de pension et allocations spéciales qu'il désigne aux grands invalides dont les infirmités nommément désignées sont particulièrement graves, que seuls les paraplégiques du quatrième groupe (d) mentionné par le guide-barème justifient d'une infirmité de particulière gravité ouvrant droit au 1° de l'article L. 132-2 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre.
5 D'abord, M. C..., dont la demande de révision ne portait pas sur cette infirmité, ne saurait utilement remettre en cause le taux d'infirmité n° 5 " parésie spastique du membre supérieur gauche ".
6 Ensuite, il résulte de l'expertise réalisée par le docteur A... le 25 septembre 2018, que M. C... souffre de deux infirmités des membres inférieurs droit et gauche, avec un taux d'invalidité de 90 %, n'étant plus capable, depuis six mois, que de marcher avec deux cannes sur quelques dizaines de mètres pour se mettre à son bureau, tous les autres déplacements se faisant, le reste du temps, en fauteuil. Elle relève également une spasticité des deux membres inférieurs et ischio-jambiers et triceps sural et que la mise debout est possible avec deux cannes mais que la marche ne se fait qu'en inclinant latéralement le corps pour faire passer une jambe après l'autre en les glissant au sol. Ce diagnostic a été confirmé le 27 février 2020 par le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité qui relève que les troubles sont essentiellement moteurs et non sensitifs. Aucun élément médical n'a été versé au dossier qui serait de nature à établir que M. C..., qui se prévaut de la paraplégie incomplète prévue au c) du guide barème des invalidités et n'a jamais contesté l'intitulé de ses infirmités 1 et 2, souffrirait d'une paraplégie motrice complète des membres inférieurs, seule susceptible de lui ouvrir droit à un taux de 100 %.
7 Par voie de conséquence, faute de bénéficier d'un taux de 100 % pour chacune de ces infirmités 1 et 2, l'intéressé n'est fondé à se prévaloir ni des dispositions de l'article L. 125-11 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre ni des dispositions combinées des articles L. 125-11 et R. 132-6 de ce code. Il n'entre pas dans les prévisions du 1° de l'article L. 132-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et pas dans celles des articles L. 132-1 et L. 132-2 de ce code, et n'est pas davantage fondé à revendiquer la qualité de " grand mutilé " au sens de l'article L. 132-3 de ce code.
8 Par suite, il ne remplit pas les conditions pour bénéficier des majorations de pension et allocations spéciales prévues aux articles R. 131-3 et R. 132-1 du même code, pour les grand invalides et les grands mutilés.
9 Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, dont les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.
La rapporteure,
C. Djebiri
Le président
V.-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter


La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00494 2
al