Conseil d'État, 2ème chambre, 19/10/2022, 451266, Inédit au recueil Lebon
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 31 mars 2021, 30 juin 2021, 4 novembre 2021, 17 décembre 2021 et 3 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association " Les Oubliés de la Nation " demande au Conseil d'Etat :
1) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 10 février 2021 par laquelle le Premier Ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du décret n° 2016-331 du 18 mars 2016 relatif à la mention " Mort pour le service de la Nation ".
2°) d'abroger l'article R. 513-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en tant qu'il se borne à permettre au ministre compétent d'attribuer cette mention aux militaires décédés des suites de l'acte volontaire d'un tiers et dans l'accomplissement de leurs fonctions dans des circonstances exceptionnelles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 ;
- le décret n° 2022-618 du 22 avril 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Munier-Apaire, avocat de l'association " Les Oubliés de la Nation " ;
Considérant ce qui suit :
1. L'association " Les Oubliés de la Nation " a saisi le Premier ministre d'une demande d'abrogation du décret du 18 mars 2016 relatif à la mention " Mort pour le service de la Nation " en tant qu'il réserve aux seuls militaires et agents publics décédés des suites de l'acte volontaire d'un tiers ou du fait de l'accomplissement de leurs fonctions dans des circonstances exceptionnelles la possibilité de se voir attribuer cette mention. L'association demande l'annulation de la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté cette demande ainsi que l'abrogation de l'article R. 513-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre dans sa rédaction issue du décret du 18 mars 2016 mentionné ci-dessus.
2. Lorsque, postérieurement à l'introduction d'une requête dirigée contre un refus d'abroger des dispositions à caractère réglementaire, l'autorité qui a pris le règlement litigieux procède à son abrogation expresse ou implicite, le litige né de ce refus d'abroger perd son objet. Il en va toutefois différemment lorsque cette même autorité reprend, dans un nouveau règlement, les dispositions qu'elle abroge, sans les modifier ou en ne leur apportant que des modifications de pure forme.
3. Aux termes de l'article L. 513-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction issue de la loi du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels : " Le ministre compétent peut décider que la mention " Mort pour le service de la Nation " est portée sur l'acte de décès : 1° D'un militaire tué en service ou en raison de sa qualité de militaire du fait de l'acte volontaire d'un tiers ;/2° D'un autre agent public tué en raison de ses fonctions ou de sa qualité du fait de l'acte volontaire d'un tiers. (...) " Aux termes de l'article R. 513-1 du même code, dans sa rédaction issue de l'article 1er du décret du 18 mars 2016 : " Les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 513-1 du présent code peuvent bénéficier de la mention " Mort pour le service de la Nation " si elles sont décédées des suites de l'acte volontaire d'un tiers. / Peut également bénéficier des dispositions du premier alinéa un militaire ou un agent public décédé du fait de l'accomplissement de ses fonctions dans des circonstances exceptionnelles. / La preuve de la cause du décès du militaire ou de l'agent public peut être rapportée par tout moyen. "
4. Il ressort des pièces du dossier que les deux premiers alinéas de l'article R. 513-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ont été supprimés par le 1° de l'article 11 du décret du 22 avril 2022 relatif à la mention " Mort pour le service de la République " et à la qualité de " pupille de la République ". L'unique alinéa de cet article dispose désormais que la preuve de la cause du décès du militaire ou de l'agent public mentionnés aux 1° et 2° de l'article L. 513-1 du même code, dispositions législatives elles-mêmes modifiées par la loi du 25 novembre 2021, peut être rapportée par tout moyen.
5. Dès lors, la requête présentée par l'association " Les Oubliés de la Nation " est devenue sans objet.
6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'association " Les Oubliés de la Nation " au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de l'association " Les Oubliés de la Nation ".
Article 2 : Les conclusions de l'association " Les Oubliés de la Nation " présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'association " Les Oubliés de la Nation " et au ministre des armées.
Délibéré à l'issue de la séance du 15 septembre 2022 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat-rapporteur.
Rendu le 19 octobre 2022.
Le président :
Signé : M. Nicolas Boulouis
Le rapporteur :
Signé : M. Yves Doutriaux
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard