CAA de PARIS, 6ème chambre, 06/12/2022, 21PA06082, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision06 décembre 2022
Num21PA06082
JuridictionParis
Formation6ème chambre
PresidentM. CELERIER
RapporteurM. Dominique PAGES
CommissaireMme NAUDIN
AvocatsS.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a saisi le Tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation du tableau d'avancement au grade de contrôleur de première classe des douanes et droits indirects établi au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas et, à titre subsidiaire, dans son ensemble ainsi que les nominations subséquentes, et d'autre part, l'annulation de la décision de la direction générale des douanes et droits indirects, révélée par le courriel du 3 juin 2019 par lequel la direction régionale des douanes et droits indirects informe le requérant que les années de service effectuées en qualité militaire n'étaient pas prises en compte dans le calcul de l'ancienneté en catégorie B pour pouvoir postuler au tableau d'avancement.

Par un jugement n° 1908630 du 15 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer les candidatures de M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.


Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour :

1°) d'annuler " le jugement du 18 janvier 2021 rendu par le Tribunal administratif de Lyon ";

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le Tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a retenu l'erreur de droit car les services militaires accomplis par M. B... ne pouvaient être pris en compte au titre du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.


Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, M. B..., représenté par le cabinet Cassel, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3000 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable car le ministre demande l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lyon ;
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance sont infondés.


Par un mémoire en réplique, enregistré le 18 février 2022, le ministre de l'économie, des finances de la relance maintient ses conclusions par les mêmes moyens et en soutenant en outre que la fin de non-recevoir opposée par M. B... doit être rejetée car il demande bien l'annulation du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, la référence à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entrainer une confusion sur l'objet de l'appel.

Par une ordonnance du 19 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
2 septembre 2022 à 12 heures.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la défense ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- le décret n° 95-380 du 10 avril 1995 fixant le statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects ;
- le décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps de sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale ;
- le décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;
-et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er mars 1998, M. B..., alors militaire de carrière de la marine nationale, a été recruté en qualité d'agent de constatation stagiaire des douanes et des droits indirects au titre des emplois réservés sur le fondement de l'article L. 4139-3 du code de la défense. Il a ensuite été titularisé dans le corps des agents de constatation des douanes et des droits indirects à compter du 1er mars 1999 par un arrêté du 13 juillet 2019 et radié des contrôles de l'armée active. Après avoir été promu à différents grades du corps des agents de constatation des douanes et des droits indirects, M. B... a été admis à l'examen professionnel pour l'accès au corps de contrôleur des douanes et des droits indirects et a été nommé au 11ème échelon du grade de contrôleur des douanes et des droits indirects de 2ème classe à compter du 31 décembre 2018. Il a alors postulé au tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de
1ère classe. Toutefois il ne figurait pas dans le tableau d'avancement au grade de contrôleur de 1ère classe arrêté le 3 juin 2009 et par un courriel du même jour, la direction interrégionale des douanes et des droits indirects de Provence-Alpes-Côte d'Azur-Corse lui a indiqué que " suite à une relecture des textes par la DGAFP, les carrières de militaires entrés dans la FP au titre du
L. 4139-1 ou du L. 4139-3 du code de la défense ne sont plus prises en compte en tant qu'ancienneté pour pouvoir prétendre au tableau d'avancement ". M. B... a demandé l'annulation du tableau d'avancement établi au titre de l'année 2019, à titre principal, en tant qu'il n'y figure pas et à titre subsidiaire, dans son ensemble ainsi que les nominations subséquentes. Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 3 juin 2019 établissant le tableau d'avancement pour l'accès au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 et les arrêtés de promotion et de nomination des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019, a enjoint au ministre de réexaminer les candidatures de
M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de M. B....
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. B... :

2. M. B... soutient que la requête du ministre est irrecevable car il demande l'annulation d'un jugement du tribunal administratif de Lyon. Toutefois, dans son mémoire en réplique, le ministre demande bien l'annulation du jugement du 15 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil, la référence à un jugement du tribunal administratif de Lyon constituant une simple erreur de plume qui n'est pas de nature à entrainer une confusion sur l'objet de l'appel. Cette fin de non-recevoir doit donc être rejetée.

Sur les conclusions du ministre de l'économie des finances et de la relance :

3. Aux termes du I de l'article 18 du décret du 10 avril 1995 portant statut particulier du corps des contrôleurs des douanes et droits indirects : " Les conditions d'accès au grade de contrôleur des douanes et droits indirects de 1ère classe (...) sont fixées conformément aux dispositions de l'article 25 du décret n° 2009-1388 du 11 novembre 2009 portant dispositions statutaires communes à divers corps de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique de l'Etat ". Aux termes du I de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009 dans sa rédaction alors applicable : " ' Peuvent être promus au deuxième grade de l'un des corps régis par le présent décret :/ (...) 2° Par la voie du choix, après inscription sur un tableau d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, les fonctionnaires justifiant d'au moins un an dans le 6e échelon du premier grade et justifiant d'au moins cinq années de services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 4131-1 du code de la défense : " I. - La hiérarchie militaire générale est la suivante : 1° Militaires du rang ; 2° Sous-officiers et officiers mariniers ; 3° Officiers ;4° Maréchaux de France et amiraux de France. (...) II. - Dans la hiérarchie militaire générale : (...) 2° Les grades des sous-officiers et des officiers mariniers sont : a) Sergent ou second maître ; b) Sergent-chef ou maître ; c) Adjudant ou premier maître ; d) Adjudant-chef ou maître principal ; e) Major (...) ". Aux termes de l'article L. 4139-1 du code de la défense : " (...) le militaire lauréat de l'un de ces concours, ou admis à un recrutement sans concours prévu par le statut particulier d'un corps ou cadre d'emplois de fonctionnaires de catégorie C pour l'accès au premier grade de ce corps ou cadre d'emplois, est titularisé et reclassé, dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil dans des conditions équivalentes, précisées par décret en Conseil d'Etat, à celles prévues pour un fonctionnaire par le statut particulier de ce corps ou de ce cadre d'emploi.(...)". Aux termes de l'article L. 4139-2 du code de la défense : " I.-Le militaire qui remplit les conditions de grade et d'ancienneté définies par décret en Conseil d'Etat peut, sur demande agréée par l'autorité compétente, être détaché dans un corps ou un cadre d'emplois de fonctionnaire civil relevant d'une administration de l'Etat, d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public, nonobstant les dispositions relatives au recrutement prévues par le statut particulier dont relève ce corps ou cadre d'emplois.(...) A l'issue de la période de détachement, le militaire peut être intégré dans le corps ou le cadre d'emplois d'accueil. (...) III.-Les modalités d'application du I et du II, en particulier les modalités d'assimilation des services militaires du militaire ou de l'ancien militaire à des services effectifs accomplis dans le corps ou cadre d'emplois d'intégration, sont fixées par décret en Conseil d'Etat.(...)". Aux termes de l'article L. 4139-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable : "Le militaire, à l'exception du militaire commissionné, peut se porter candidat pour l'accès aux emplois réservés, sur demande agréée, dans les conditions prévues par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre./ En cas d'intégration ou de titularisation, la durée des services effectifs du militaire est reprise en totalité dans la limite de dix ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi d'accueil de catégorie C. Elle est reprise pour la moitié de la durée des services effectifs dans la limite de cinq ans pour l'ancienneté dans le corps ou le cadre d'emploi de catégorie A ou B." Aux termes de l'article 1er du décret n° 2008-953 du 12 septembre 2008 portant statut particulier des corps de sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale : " Les sous-officiers et les officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale participent, sous le commandement des officiers, à l'encadrement de formations ou unités élémentaires de combat, de soutien ou d'instruction. Ils exercent également dans ces formations et unités des responsabilités de spécialistes dans les domaines techniques ou administratifs. Ils peuvent tenir des emplois de commandement ou de haute qualification dans une spécialité déterminée. Ils peuvent participer au fonctionnement de formations interarmées ou relevant d'une autre armée ou de tout organisme mentionné à l'article R. 4138-30-1 du code de la défense. Les officiers mariniers de carrière peuvent occuper des emplois de chef de service ou recevoir le commandement d'unités spécialisées dont la liste est fixée par arrêté du ministre de la défense ".

5. D'une part, la seule circonstance que l'assimilation des services des militaires au titre de l'avancement ne serait expressément prévue que pour les militaires recrutés, par la voie du détachement, sur le fondement de l'article L. 4139-2 du même code, n'implique pas que les services militaires ne puissent être pris en compte au titre du I de l'article 25 du décret du
11 novembre 2009 précité. D'autre part, la notion de " services effectifs dans un corps, cadre d'emplois ou emploi de catégorie B ou de même niveau " ne fait l'objet d'aucune définition légale ou réglementaire, comme le reconnaissent les deux parties. Mais, par ailleurs, si les corps de la fonction publique militaire ne sont pas classés dans les catégories hiérarchiques prévues par les dispositions de l'article 29 de la loi du 11 janvier 1984 relative à la fonction publique de l'Etat, cela n'empêche nullement par principe que, pour la détermination de services accomplis, les corps de la fonction publique militaire soient assimilés à des corps de la fonction publique de l'Etat. Or, comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, le corps des sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale doit, compte tenu du niveau de recrutement et des missions dévolues à ses membres, être assimilé, pour l'application des dispositions précitées de l'article de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, à un corps de même niveau qu'un emploi de catégorie B. Ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, pour l'application des dispositions précitées de l'article 25 du décret du 11 novembre 2009, les services accomplis par les militaires, en qualité de sous-officier, doivent être pris en compte en tant que services effectifs dans un corps de même niveau qu'un cadre d'emplois ou emploi de catégorie B. M. B... était donc bien fondé à soutenir qu'il justifiait des années requises pour être le cas échéant promu au grade de contrôleur des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019 du fait de ses services effectués dans le corps des sous-officiers et officiers mariniers de carrière des armées et du soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale, et qu'en estimant le contraire le ministre a commis une erreur de droit. Dès lors, le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé le tableau d'avancement litigieux pour erreur de droit, a annulé, par voie de conséquence, les arrêtés de promotion et de nomination de
92 contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 et lui a enjoint de réexaminer les candidatures de M. B... et des quatre-vingt-douze contrôleurs des douanes et droits indirects promus au titre de l'année 2019 au grade de contrôleur de 1ère classe des douanes et droits indirects au titre de l'année 2019.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a partiellement fait droit à la demande de M. B....

Sur les conclusions de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'État versera la somme de 1 500 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. C... B....
Copie en sera adressée au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 décembre 2022.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
T. CELERIER
La greffière,
Z. SAADAOUI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06082