CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 07/02/2023, 21TL00335, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision07 février 2023
Num21TL00335
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurMme Anne BLIN
CommissaireMme TORELLI
AvocatsMANYA

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté en date du 12 décembre 2019 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Perpignan l'a licenciée pour inaptitude physique à compter du 1er janvier 2020, ainsi que la décision du 28 novembre 2019 par laquelle le président de ce centre a fixé le montant de son indemnité de licenciement, dans la mesure où il n'a pas été tenu compte de la période travaillée à temps non complet pour le calcul de son ancienneté, et de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Perpignan une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2000670 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2021, sous le n° 21MA00335 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 11 avril 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL00335, Mme B... A..., représentée par Me Manya, demande à la cour :


1°) d'annuler ce jugement n° 2000670 du 24 novembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Perpignan l'a licenciée pour inaptitude physique à compter du 1er janvier 2020, ainsi que la décision du 28 novembre 2019 par laquelle le président de ce centre a fixé le montant de son indemnité de licenciement ;
3°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Perpignan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Elle soutient que :
- le jugement contesté est entaché d'insuffisance de motivation en ce qu'il se réfère exclusivement aux courriers produits par le centre communal d'action sociale concernant la disponibilité du poste ;
- la décision du 12 décembre 2019 est entachée d'erreur de fait en l'absence de recherche effective d'un poste compatible avec son état de santé qui aurait pu lui correspondre ;
- le calcul de son indemnité de licenciement est manifestement inexact dès lors qu'elle aurait dû être calculée sur la base de 161 mois.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juillet 2022, le centre communal d'action sociale de Perpignan, représenté par Me Joubes de la SELARL Vial Pech de Laclause Escale Knoepffler Huot Piret Joubes, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de Mme A... le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par Mme A... n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de Mme A....

Par ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 18 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Anne Blin, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Moreau substituant Me Manya, représentant Mme A..., et de Me Diaz, représentant le centre communal d'action sociale de Perpignan.
Considérant ce qui suit:

1. Mme A..., agent social au sein du centre communal d'action sociale de Perpignan qui exerçait des fonctions d'aide à domicile à temps non complet, a été placée en congé de grave maladie par arrêté du 12 octobre 2015, prolongé à plusieurs reprises jusqu'au 31 décembre 2018. Par arrêté du 8 janvier 2019, le président du centre communal d'action sociale de Perpignan a placé Mme A... en disponibilité d'office pour une durée de six mois, du 1er janvier au 30 juin 2019. L'exécution de cet arrêté a été suspendue par ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier n° 1900443 du 19 février 2019. Par un jugement en date du 24 novembre 2020 rendu sur sa demande enregistrée sous le n° 1900442, ce tribunal a annulé cet arrêté et enjoint au centre communal d'action sociale de Perpignan de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme A... pour la période courant du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019 et de reconstituer ses droits sociaux auprès des organismes de sécurité sociale et de gestion de retraite auxquels elle est affiliée. Par arrêté en date du 12 décembre 2019, le président du centre communal d'action sociale de Perpignan a, après avis du comité médical rendu le 28 août 2019, prononcé son licenciement pour inaptitude physique à compter du 1er janvier 2020. L'intéressée a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler cet arrêté, ainsi que la décision du 28 novembre 2019 par laquelle le président de ce centre a fixé le montant de son indemnité de licenciement, dans la mesure où il n'aurait pas été tenu compte de la période travaillée à temps non complet pour le calcul de son ancienneté. Elle relève appel du jugement du 24 novembre 2020 qui a rejeté ses demandes enregistrées sous le n° 2000670.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".

3. Il résulte de l'examen du jugement attaqué qu'il précise les motifs pour lesquels le centre communal d'action sociale de Perpignan était dans l'impossibilité de procéder au reclassement de Mme A... au vu des courriers qu'il avait adressés au centre de gestion de la fonction publique territoriale ainsi qu'à plusieurs collectivités. Le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit dès lors être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale applicable à l'espèce : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emplois, emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Selon l'article 1er du décret du 30 septembre 1985 relatif au reclassement des fonctionnaires territoriaux reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial ne lui permet plus d'exercer normalement ses fonctions et que les nécessités du service ne permettent pas d'aménager ses conditions de travail, le fonctionnaire peut être affecté dans un autre emploi de son grade après avis de la commission administrative paritaire. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Lorsque l'état physique d'un fonctionnaire territorial, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas d'exercer des fonctions correspondantes aux emplois de son grade, l'autorité territoriale (...), après avis du comité médical, invite l'intéressé soit à présenter une demande de détachement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois, soit à demander le bénéfice des modalités de reclassement prévues à l'article 82 de la loi n° 84 53 du 26 janvier 1984 ". Aux termes de l'article 32 du décret du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et éventuellement de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité territoriale ou l'intéressé jugent utile de le provoquer, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend celles-ci dans les conditions fixées à l'article 33 ci-dessous. Si, au vu des avis prévus ci-dessus, le fonctionnaire est reconnu inapte à exercer ses fonctions, le congé continue à courir ou, s'il était au terme d'une période, est renouvelé. Il en est ainsi jusqu'au moment où le fonctionnaire sollicite l'octroi de l'ultime période de congé rétribuée à laquelle il peut prétendre. Le comité médical doit alors donner son avis sur la prolongation du congé et sur la présomption d'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. S'il y a présomption d'inaptitude définitive, la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales se prononce, à l'expiration de la période de congé rémunéré, sur l'application de l'article 37 ci-dessous. [...] " Par ailleurs, aux termes de l'article 37 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret n° 85-1054 du 30 septembre 1985 susvisé, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme prévue par le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. (...) ". Aux termes de l'article 36 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si, en raison de l'altération de son état de santé, cet agent ne peut plus exercer d'activité et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement. Il peut alors être mis à la retraite pour invalidité.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... était inapte à l'exercice de ses fonctions d'aide à domicile, ainsi que l'a estimé à trois reprises le comité médical départemental dans ses avis rendus les 19 décembre 2018, 30 janvier et 28 août 2019. Toutefois, selon les deux premiers avis émis, l'intéressée n'était en revanche pas inapte à toutes les fonctions. Le centre communal d'action sociale était par conséquent tenu de chercher à la reclasser dans un autre emploi. Si le tableau des effectifs produit par le centre communal ne permet pas de justifier de l'absence de poste vacant correspondant au grade de Mme A..., celle-ci ne conteste pas utilement qu'aucun emploi n'était vacant au sein des services du centre communal et qu'elle n'était pas susceptible de bénéficier d'un poste en reclassement au sein de celui-ci. Il ressort ensuite des pièces produites que le centre communal a saisi le centre de gestion de la fonction publique territoriale par courriers des 7 mars et 30 juin 2019 et transmis la candidature de Mme A... pour un poste d'agent administratif ou d'agent d'entretien. Par des courriers en date du 7 mars 2019, le centre communal a également saisi la commune de Perpignan, Perpignan Méditerranée Métropole, l'Office public de l'habitat Perpignan Méditerranée et le syndicat mixte pour la restauration collective, l'animation pédagogique et le transport Pyrénées-Méditerranée dans le cadre de recherches de solutions en vue d'un reclassement externe de l'intéressée. Au vu de ces démarches, alors même qu'aucun poste n'a pu être proposé à Mme A..., le centre communal a effectivement satisfait à ses obligations de reclassement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le centre communal d'action sociale de Perpignan n'aurait pas sérieusement cherché à procéder à son reclassement avant de prendre la décision en litige. Le moyen tiré de l'erreur de fait dont serait entachée la décision du 12 décembre 2019 doit dès lors être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article 31 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet : " Sont pris en compte, pour déterminer le montant de l'indemnité, les services accomplis à temps complet auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public territorial, et qui n'ont pas déjà été retenus pour le versement d'une indemnité de licenciement. Toutefois, lorsque le fonctionnaire concerné reste titulaire d'un ou de plusieurs autres emplois, sont seuls pris en compte pour déterminer le montant de l'indemnité, les services accomplis dans l'emploi transformé ou supprimé. Les services effectués à temps non complet ou à temps partiel sont pris en compte pour leur durée effective. La durée effective est égale à la période de services effectuée à temps non complet ou partiel multipliée par le quotient obtenu en divisant la durée hebdomadaire de services du fonctionnaire par celle d'un fonctionnaire à temps complet exerçant à temps plein les mêmes fonctions. Tout autre service, civil ou militaire, n'entre pas en ligne de compte. ". Aux termes de l'article 32 du même décret : " Le mois de traitement, tel qu'il sert de fondement au calcul de l'indemnité, est égal au dernier traitement indiciaire mensuel que l'agent aurait perçu s'il avait été employé à temps complet, net des retenues pour pension et cotisations de sécurité sociale, et augmenté, s'il y a lieu, de l'indemnité de résidence, à l'exclusion de tout autre élément de rémunération. Lorsque le dernier traitement de l'agent est réduit de moitié en raison d'un congé de maladie ou de grave maladie, le traitement servant de fondement au calcul de l'indemnité de licenciement est sa dernière rémunération à plein traitement. ". Aux termes de l'article 41 du même décret : " Le fonctionnaire licencié pour inaptitude physique perçoit une indemnité de licenciement. L'indemnité de licenciement est égale à la moitié du traitement mensuel défini à l'article 32 pour chacune des douze premières années de services et au tiers de celui-ci pour chacune des années suivantes, sans pouvoir excéder douze fois le montant de ce traitement. Le nombre d'années de services est déterminé dans les conditions prévues à l'article 31. Toute fraction de services égale ou supérieure à six mois est comptée pour un an. Toute fraction de services inférieure à six mois n'est pas prise en compte. Pour les agents qui ont atteint l'âge de soixante ans révolus, l'indemnité de licenciement est réduite de 1,67 % par mois de services au-delà du soixantième anniversaire. ".

8. Si Mme A... soutient que le calcul de son indemnité de licenciement est manifestement inexact dès lors qu'elle aurait dû être calculée sur la base de 161 mois, il ressort cependant des pièces du dossier qu'elle a été recrutée par le centre communal d'action sociale en tant que contractuelle le 9 décembre 2002 et non le 9 août 2002 comme elle le prétend. Mme A... ayant exercé ses fonctions sur la base d'un temps de travail de 27/35ème jusqu'au 31 décembre 2019, il ne ressort pas des pièces produites qu'en fixant la durée effective de ses services à 157 mois, le président du centre communal aurait entaché sa décision d'erreur de droit au regard des dispositions énoncées à l'article 31 du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre communal d'action sociale de Perpignan, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, et la charge des dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre des frais exposés par le centre communal d'action sociale de Perpignan et non compris dans les dépens.



D E C I D E :



Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Perpignan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre communal d'action sociale de Perpignan.


Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Blin, présidente assesseure,
M. Teulière, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.


La rapporteure,





A. Blin


La présidente,





A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat



La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.





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