CAA de DOUAI, 3ème chambre, 02/02/2023, 22DA00227, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision02 février 2023
Num22DA00227
JuridictionDouai
Formation3ème chambre
PresidentMme Massias
RapporteurMme Dominique Bureau
CommissaireM. Carpentier-Daubresse
AvocatsSELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS;SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS;SELARL RESSOURCES PUBLIQUES AVOCATS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'une part, d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 par lequel le président du conseil départemental du Nord a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

II. Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 23 avril 2018 par lequel le président du conseil départemental du Nord l'a radiée des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018, d'autre part, d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de la réintégrer dans ses fonctions, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin, de mettre à la charge du département du Nord la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 février 2022, le 29 août 2022 et le 30 septembre 2022 sous le n° 22DA00227, Mme C..., représentée par Me Myriam Maze-Villesèche, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille ;

2°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de prendre un arrêté reconnaissant l'imputabilité au service de sa maladie dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- la maladie dont elle est affectée est en lien direct avec des conditions de travail pathogènes ;
- cette pathologie ne résulte pas d'un état antérieur susceptible d'expliquer exclusivement l'impossibilité d'exercer ses fonctions.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 juin 2022, le 27 septembre 2022 et le 20 octobre 2022, le département du Nord, représenté par Me Laurent Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 20 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 novembre 2022.


Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 25 % par une décision du 2 décembre 2021 et une décision modificative du 3 mars 2022.


II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 février 2022 et le 29 août 2022 sous le n° 22DA00228, Mme C..., représentée par Me Myriam Maze-Villesèche, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de l'arrêt statuant sur la requête n° 22DA00227 ;

2°) d'annuler le jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Lille ;


3°) d'enjoindre au président du conseil départemental du Nord de la réintégrer dans ses fonctions dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge du département du Nord une somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'elle était en droit de bénéficier d'un congé de longue durée pendant une période totale de huit ans, dès lors que la pathologie dont elle souffre est imputable au service.


Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le département du Nord, représenté par Me Laurent Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la cour, de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- la requête est tardive ;
- les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.


Par une ordonnance du 30 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2022.


Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, au taux de 25 % par une décision du 2 décembre 2021 et une décision modificative du 3 mars 2022.


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,
- les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public,
- et les observations de Me Fillieux, représentant le département du Nord.




Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., qui exerçait les fonctions de secrétaire médico-sociale au sein du service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E... en qualité de rédacteur territorial stagiaire, a bénéficié en raison d'un syndrome anxio-dépressif chronique d'un congé de maladie de longue durée du 22 mai 2012 au 21 mai 2017. Par lettre du 1er septembre 2012, Mme C... a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service de cette pathologie. Sa demande, qui a reçu, le 27 mai 2016, un avis défavorable de la commission de réforme, a été rejetée une première fois par un arrêté du président du conseil départemental du Nord du 13 juin 2016. Par un arrêté du 23 avril 2018, le président du conseil départemental du Nord a radié Mme C... des cadres pour être admise à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité à compter du 1er mai 2018. Enfin, à la suite d'un jugement du 16 avril 2019 du tribunal administratif de Lille annulant l'arrêté du 13 juin 2016 au motif que le département ne justifiait pas de la convocation régulière de l'intéressée devant la commission de réforme, le président du conseil départemental du Nord a de nouveau saisi cette instance consultative, qui a émis, le 13 septembre 2019, un second avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de l'intéressée. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le président du conseil départemental du Nord a rejeté la demande de reconnaissance d'imputabilité au service présentée par Mme C....

2. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00227, Mme C... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2020 du président du conseil départemental du Nord refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre.

3. Par une requête enregistrée sous le n° 22DA00228, Mme C... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres.
Sur la jonction :

4. Les requêtes enregistrées sous le n° 22DA00227 et le n° 22DA00228 sont relatives à la situation d'une même fonctionnaire et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n° 22DA00227 :

5. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".

6. L'application des dispositions de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 mentionnée au point précédent, instituant un " congé pour invalidité temporaire imputable au service " par insertion dans la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires d'un article 21 bis n'est pas possible en l'absence d'un texte réglementaire fixant, notamment, les conditions de procédure applicables à l'octroi de ce nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne sont donc entrées en vigueur, en tant qu'elles s'appliquent à la fonction publique territoriale, qu'à la date d'entrée en vigueur, le 12 avril 2019, du décret du 10 avril 2019 relatif au congé pour invalidité temporaire imputable au service dans la fonction publique territoriale, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique et dont l'intervention était, au demeurant, prévue sous forme de décret en Conseil d'Etat par le VI de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 résultant de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017.

7. En l'espèce, il ressort notamment d'un certificat établi le 22 janvier 2013 par le chef de service du centre médico-psychologique pour adultes de B... qu'à cette date, soit antérieurement à l'entrée en vigueur des dispositions de l'article 21 bis de loi du 13 juillet 1983 issu l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017, le syndrome anxio-dépressif chronique dont souffre Mme C... avait été diagnostiqué. Ainsi, les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 mentionnée ci-dessus sont applicables au présent litige.

8. Pour l'application de ces dispositions, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service. Il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'issue d'un congé parental dont elle avait bénéficié du 11 décembre 2003 au 1er mai 2006, Mme C... a, conformément au vœu de mobilité géographique qu'elle avait formulé, été affectée à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D.... Elle a alors rencontré des problèmes relationnels avec son chef de service, se plaignant d'une surcharge de travail et d'une mise à l'écart en raison desquelles elle a obtenu le soutien d'une organisation syndicale. Constatant que Mme C... présentait un état anxio-dépressif et se trouvait dans l'incapacité psychologique d'assurer son travail, son médecin traitant lui a prescrit le 15 décembre 2006 un arrêt de travail, qui a été renouvelé jusqu'en décembre 2007. Le médecin agréé qui, à la demande de l'administration, a examiné Mme C... le 13 septembre 2007, s'est prononcé en faveur de son maintien en congé de maladie ordinaire jusqu'à ce qu'elle obtienne un changement d'affectation. Par une note de service du 20 décembre 2007, Mme C... a été affectée, à compter du 1er décembre 2007, au service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E....

10. Il ressort également des pièces du dossier qu'en juin 2009, les services du département du Nord ont signalé au procureur de la République la possibilité de " dérives sectaires " au sein de ce service. Un rapport de la direction centrale de la police nationale du 22 avril 2010 et le procès-verbal de synthèse de l'enquête préliminaire confiée aux services de la gendarmerie nationale, rédigé le 31 janvier 2012, ont mis en évidence que l'une des infirmières et l'une des secrétaires médico-sociales du service de prévention santé s'étaient livrées de manière prosélyte, au sein même de ce service, à des pratiques présentées comme relevant de la " psycho-énergétique " et de la " biologie totale ", que leurs agissements avaient créé un clivage entre les agentes du service selon qu'elles s'étaient positionnées comme adhérant ou non à ces pratiques et que les conditions de travail de ce second groupe, dont faisait partie Mme C..., s'étaient fortement dégradées. Cette dernière invoque l'impact sur son état de santé tant de ces événements particuliers que des investigations qui s'en sont suivies et au cours desquelles elle a été entendue par les services de gendarmerie le 6 mai 2011. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a été placée en congé de maladie ordinaire du 13 mai au 28 juillet 2011, sans précision apportée par l'intéressée sur les motifs des arrêts de travail correspondants. Elle fait en revanche valoir que les conditions dans lesquelles s'est déroulé, en août 2011, un entretien avec sa supérieure hiérarchique et la psychologue du travail ont entraîné, pour elle, une décompensation psychique. De nouveaux arrêts de travail ont été prescrits à Mme C... à compter du 19 janvier 2012. Placée, dans un premier temps, en congé de maladie ordinaire, elle a bénéficié, à compter du 22 mai 2012, d'un congé de longue maladie, transformé par un arrêté du 12 septembre 2013 en congé de maladie de longue durée, ultérieurement renouvelé jusqu'au 21 mai 2017. Mme C... a, en outre, adressé au département du Nord un " arrêt de travail initial " pour accident de travail, en date du 10 décembre 2013, se référant à l'entretien du mois d'août 2011.

11. En premier lieu, pour rejeter, par l'arrêté contesté du 17 janvier 2020, la demande d'imputabilité au service de la maladie dont elle souffre présentée par Mme C... dans un courrier du 1er septembre 2012, le président du conseil départemental du Nord s'est fondé sur différentes expertises, en particulier sur le rapport adressé en octobre 2013 par un médecin agréé au médecin du travail et sur un rapport d'expertise collégiale rédigé le 27 février 2016 à la demande de la commission de réforme. Le département du Nord se réfère également, dans ses écritures, à un rapport rédigé le 14 février 2013 par un médecin psychiatre du centre hospitalier de Valenciennes. Ces rapports relèvent l'absence de preuve relative aux conditions de travail auxquelles Mme C... attribue sa pathologie. Toutefois, d'une part, l'existence de relations conflictuelles entre l'intéressée et son chef de service au sein de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D... et l'existence d'un lien entre cette situation professionnelle et les troubles psychiques ayant justifié les arrêts de travail prescrits entre décembre 2006 et décembre 2007 sont établis par les certificats médicaux produits par l'intéressée, ainsi que par le rapport rédigé par un médecin agréé le 13 septembre 2007, et corroborés par les différentes courriers d'intervention rédigés en sa faveur par un représentant syndical. Par ailleurs, l'ambiance très particulière qui régnait au sein du service de prévention santé relevant de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E..., lorsque l'intéressée y a pris ses nouvelles fonctions, est établie par les conclusions des enquêtes de police et de gendarmerie. L'existence d'un lien entre les conditions de travail pathogènes résultant tant de ces événements que des enquêtes policières qui s'en sont suivies et la pathologie anxio-dépressive qui a justifié le congé de maladie de longue durée dont Mme C... a bénéficié du 22 mai 2012 au 21 mai 2017 est établie tant par les certificats médicaux produits par l'intéressée que par un rapport d'expertise médicale rédigé le 24 novembre 2021 par un médecin spécialisé en victimologie, concluant que l'intéressée " est atteinte de troubles psychologiques importants qui semblent dus à la gestion délétère des personnels de la part des cadres administratifs ".

12. En second lieu, les rapports médicaux sur lesquels s'est fondée l'administration, qui relèvent l'existence de troubles antérieurs présentés par Mme C..., comportent des imprécisions et des confusions en ce qui concerne la chronologie des mutations successives de Mme C... à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D..., puis à l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E.... Par ailleurs, les troubles anxio-dépressifs dont Mme C... a souffert à l'occasion de sa première affectation présentent, ainsi qu'il a été dit au point précédent, un lien avec les conditions de travail qu'elle a rencontrées à cette occasion. Toutefois, il ressort également du compte-rendu d'examen clinique détaillé, indépendant de la chronologie des faits, figurant dans le rapport rédigé le 14 février 2013 par un médecin psychiatre, que Mme C... présente de nombreux traits de la personnalité du registre névrotique, décompensés à la suite des difficultés professionnelles rencontrées. L'existence de ces troubles de la personnalité de Mme C... est confortée par les éléments relevés tant dans le rapport émis, le 13 septembre 2007, par le premier médecin agréé consulté sur sa pathologie, que dans le rapport rédigé, en octobre 2013, par le médecin agréé qui l'a rencontrée en juin et en octobre 2013. Les troubles névrotiques dont elle souffre sont également relevés dans le rapport collégial du 27 février 2016. Ces constats ne sont contredits par aucun élément d'ordre médical figurant dans les autres pièces versées au dossier, en particulier dans le rapport d'expertise médicale rédigé le 24 novembre 2021. Ainsi, les troubles de la personnalité du registre névrotique présentés par Mme C... constituent un élément de nature à détacher du service la pathologie anxio-dépressive chronique dont elle demande la reconnaissance comme maladie professionnelle, alors même qu'il ressort des entretiens d'évaluation produits par l'appelante qu'ils ne s'étaient pas manifestés dans le cadre professionnel antérieurement à son retour de congé de maternité en 2006.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 à 12, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Nord, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 2002726 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 17 janvier 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie dont elle souffre, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 22DA00228 :

14. D'une part, aux termes de l'article 30 du décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. (...) La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. (...) ". Aux termes de l'article 39 de ce même décret : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'une invalidité ne résultant pas du service peut être mis à la retraite par anticipation soit sur demande, soit d'office dans les délais prévus au troisième alinéa de l'article 30. (...) ".

15. D'autre part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 10 de l'ordonnance du 19 janvier 2017 portant diverses dispositions relatives au compte personnel d'activité, à la formation et à la santé et la sécurité au travail dans la fonction publique : " Le fonctionnaire en position d'activité a droit : / (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. (...) / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. (...) ". Ces dispositions sont, comme il a été dit au point 7, applicables à la situation de Mme C....

16. Ainsi qu'il a été dit au point 12, les conditions de travail auxquelles Mme C... a été confrontée, successivement, au sein de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de D... et du service de prévention santé de l'unité territoriale de prévention et d'action sociale de E... ne peuvent être regardées comme étant directement à l'origine de la pathologie anxio-dépressive chronique dont elle demande la reconnaissance comme maladie professionnelle. En l'absence d'imputabilité au service de cette pathologie, Mme C... n'est pas fondée à soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres à compter du 1er mai 2018, qu'en application des dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, elle aurait dû bénéficier d'un congé de longue durée pendant une période de huit ans, soit jusqu'au 21 mai 2020.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 15 et 16, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le département du Nord, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1908047 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du président du conseil départemental du Nord du 23 avril 2018 prononçant sa radiation des cadres à compter du 1er mai 2018, ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais relatifs aux instances d'appel :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais, non compris dans les dépens, exposés par Mme C... dans les instances n° 22DA00227 et n° 22DA00228, soient mis à la charge du département du Nord qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme C..., sur le même fondement, les frais exposés par le département du Nord dans le cadre de ces deux instances.






DÉCIDE :


Article 1er : Les requêtes de Mme C... sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées devant la cour par le département du Nord sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., au département du Nord et à Me Myriam Maze-Villesèche.


Délibéré après l'audience publique du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Nathalie Massias, présidente de la cour,
- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,
- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.


La rapporteure,
Signé : D. Bureau
La présidente de la cour,
Signé : N. Massias
La greffière,
Signé : C. Huls-Carlier


La République mande et ordonne au préfet du Nord ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


Pour expédition conforme,
La greffière
C. Huls-Carlier




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Nos 22DA00227, 22DA00228