CAA de TOULOUSE, 2ème chambre, 11/04/2023, 21TL04675, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision11 avril 2023
Num21TL04675
JuridictionToulouse
Formation2ème chambre
PresidentMme GESLAN-DEMARET
RapporteurMme Céline ARQUIÉ
CommissaireMme TORELLI
AvocatsAZZAM SAMY

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes :
- sous le n°2000900, d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2019 par lequel le président de l'établissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- sous le n°2002384, d'annuler la décision du 19 juin 2020 par laquelle le directeur de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a rejeté le recours gracieux qu'elle avait exercé contre l'arrêté du président de cet établissement du 18 avril 2020 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie, d'enjoindre au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale avant dire-droit et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
- sous le n°2003578, d'annuler l'arrêté du 29 mai 2020 par lequel le président de l'Etablissement public de coopération culturelle " Ecole supérieure d'art d'Avignon " a décidé qu'elle ne percevrait plus de demi-traitement à compter du 1er juin 2020, d'enjoindre au président de cet établissement de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions des demandes.
Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 20 novembre 2021 sous le n°21MA04461 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL04461, et des mémoires enregistrés le 22 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de réformer le jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter les requêtes de Mme B... ;

3°) de rejeter les demandes nouvelles de Mme B... comme irrecevables ;
4°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont statué ultra petita en examinant l'imputabilité au service d'une aggravation de la fibromyalgie et de l'état dépressif chronique de Mme B... alors qu'ils étaient saisis d'une demande visant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail ;
- le rapport du docteur H... et le certificat du docteur D... ne sont pas de nature à établir que l'aggravation de l'état de santé de Mme B... est imputable à la dégradation objective de ses conditions de travail ;
- l'avis du docteur C... est fondé sur les certificats des docteurs H... et D..., qui n'établissent pas un lien de causalité entre l'aggravation de l'état de santé de Mme B... et la détérioration de ses conditions de travail ;
- les avis de 17 septembre 2019 et 12 mars 2020 de la commission de réforme sont défavorables à l'imputabilité au service ;
- le certificat médical établi par le docteur I... et mettant en cause l'expertise du docteur F... est de complaisance, de sorte que ni le fait que Mme B... ait critiqué l'expertise du docteur F..., ni le fait que le docteur I... ait produit un certificat de complaisance ne sont de nature à justifier que l'avis de la commission de réforme soit écarté ;
- l'anxiété réactionnelle du 13 août 2018 ne trouve pas sa cause essentielle et déterminante dans les conditions de travail de Mme B... mais dans une circonstance particulière tenant à sa personnalité sensitive dont le vécu d'injustice et de persécution va en s'aggravant avec l'âge ;
- le harcèlement moral est inexistant, il n'a pu être la cause de la détérioration de ses conditions de travail ;
- Mme B... a contribué, par ses critiques incessantes de ses directeurs successifs, à la détérioration des conditions de travail de l'ensemble du personnel de l'école et aux changements de direction dont elle se plaint ;
- l'isolement dans lequel se serait trouvée Mme B... le 13 août 2018 n'est pas de nature à avoir détérioré ses conditions de travail ;
- elle n'a pas été privée de consignes de travail de nature à faire regarder la dégradation de son état de santé comme imputable à l'école ;
- sa maladie n'étant pas d'origine professionnelle, Mme B... ne peut être maintenue à plein traitement ;
- l'arrêté du 20 octobre 2019 refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... est suffisamment motivé et n'est pas entaché d'erreur d'appréciation ;
- la commission de réforme du 17 septembre 2019 était régulièrement composée et son avis est suffisamment motivé ;
- la décision du 19 juin 2020 étant purement confirmative, le moyen tiré du défaut de motivation est inopérant, en tout état de cause, l'arrêté du 18 avril 2020 est suffisamment motivé ;
- la commission de réforme du 12 mars 2020 était régulièrement composée et son avis était motivé ;
- Mme B... ne justifie pas remplir les conditions pour bénéficier de l'indemnité journalière de l'article L.312-1 du code de la sécurité sociale.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022 et un mémoire enregistré le 9 mars 2023, non communiqué, Mme B..., représentée par Me Azzam, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, à ce qu'il soit enjoint à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sans délai sa situation administrative et financière et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon.

Elle fait valoir que :
- les parties ont été informées que le jugement était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 par voie de conséquence de celle du 20 octobre 2019 et du 18 avril 2020 ;
- elle aurait dû conserver l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'elle soit en état de reprendre son service en raison de l'origine professionnelle de sa maladie ;
- elle a bénéficié d'une période indemnisée au titre de la protection sociale des fonctionnaires du 14 août 2018 au 28 novembre 2019 inclus, soit une période inférieure à deux ans lorsque l'école a cessé de l'indemniser, elle aurait dû percevoir des prestations en espèce ou indemnités journalières prévues par l'article 4 du décret 60-58 du 11 janvier 1960.

Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h.

Par une lettre du 15 mars 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret n°60-58 du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Mme B... et l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ont chacune présenté le 17 mars 2023 des observations en réponse à ce moyen d'ordre public.

II. Par une requête enregistrée le 6 décembre 2021 sous le n° 21MA04675 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n° 21TL04675, et des mémoires enregistrés le 17 mai 2022 et le 9 janvier 2023, l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, représentée par Me Urien, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 septembre 2021 en tant qu'il a annulé les arrêtés du 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et lui a enjoint de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière.

Elle soutient que les moyens soulevés dans la requête au fond sont sérieux et de nature à entraîner, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions accueillies par le tribunal administratif.

Par des mémoires en défense enregistrés le 30 décembre 2021, le 19 juin 2022, le 5 juillet 2022 et le 9 mars 2023, ce dernier non communiqué, Mme B... représentée par Me Azam, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de régulariser sa situation administrative et financière et de mettre à la charge de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2023 à 12h.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Céline Arquié, première conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Abadie de Maupéou substituant Me Urien pour l'Ecole supérieure d'art d'Avignon et les observations de Mme B....

Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 30 mars 2023 dans les instances n° 21TL04461 et 21TL04675.
Considérant ce qui suit :


1. Mme B..., adjointe administrative de deuxième classe de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, a demandé que son anxiété réactionnelle à la reprise du travail, déclarée par certificat médical du 5 août 2019, soit reconnue comme imputable au service. Par arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 pris après avis défavorables de la commission de réforme, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la pathologie déclarée par Mme B... et a rejeté, par décision du 19 juin 2020, le recours gracieux formé par l'intéressée contre l'arrêté du 18 avril 2020. Puis, par un arrêté du 29 mai 2020, le président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a mis fin au versement du demi-traitement perçu par Mme B.... Par un jugement nos 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 du président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon, enjoint à l'établissement de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois. L'Ecole supérieure d'art d'Avignon relève appel de ce jugement par la requête n° 21TL04461 et demande qu'il soit sursis à son exécution par la requête n°21TL4675. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par un seul arrêt.


Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 19 janvier 2017, applicable en l'espèce : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ". Aux termes de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite auquel il est ainsi renvoyé : " Le fonctionnaire civil qui se trouve dans l'incapacité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes et qui n'a pu être reclassé dans un autre corps (...) peut être radié des cadres par anticipation soit sur sa demande, soit d'office (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. Mme B... a sollicité la reconnaissance en tant que maladie professionnelle d'un état " d'anxiété réactionnelle à la reprise du travail " déclarée par certificat médical du 5 août 2019. Elle soutient que sa pathologie initiale s'est aggravée en raison de la dégradation de ses conditions de travail du fait de changements de directions répétitifs ainsi que d'affaires de harcèlement et de détournements de fonds publics et invoque la journée du 13 août 2018 où, de retour au service après un arrêt de travail, elle s'est retrouvée seule et livrée à elle-même, sans aucun moyen ni consignes de travail.

5. Il ressort des pièces du dossier, dont certaines sont nouvelles en appel, que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon a connu depuis 2012 d'importantes difficultés de fonctionnement avec des changements répétitifs de direction, qui ont fragilisé le fonctionnement de l'école, entraîné une détérioration importante du climat social et la perte de confiance des agents envers les directions successives. Cependant, Mme B... présente un état dépressif chronique depuis le 1er décembre 2010 survenu sur une personnalité de type sensitif. La commission de réforme a d'ailleurs émis, le 12 mars 2020, un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée, au motif de l'absence de lien de causalité entre l'état de santé de l'agent et son activité professionnelle. Si Mme B... conteste l'expertise du 28 janvier 2020 du médecin psychiatre le docteur F... sur lequel s'est fondé cet avis, qui avait déjà eu à connaître de son état de santé le 11 septembre 2017 et le 25 novembre 2019 et avait conclu à un état d'anxiété chronique avec stress permanent que rien ne permettait de relier par un lien de causalité au travail, les éléments produits, notamment les critiques non étayées émises par un confrère, ne sont pas suffisants pour remettre en cause les conclusions de cette expertise. L'attestation du 12 septembre 2019 du médecin du travail, qui rappelle que Mme B... bénéficie de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé en raison d'une fibromyalgie et d'un état dépressif depuis le 1er décembre 2010, reprend les ressentis de l'intéressée et n'est pas suffisante pour remettre en cause les conclusions de l'expertise. Il en est de même du rapport du docteur H... du 20 mai 2019, lequel souligne au demeurant la personnalité sensitive et le vécu interprétatif persécutoire de l'intéressée. Le rapport du docteur D..., psychologue clinicien, reprend pour sa part les dires de sa patiente et conclut que Mme B... présente un tableau anxio dépressif majeur et qu'un congé pour invalidité imputable au service serait favorable à sa santé. Enfin, l'expertise psychiatrique du 28 décembre 2020 du docteur E..., l'avis de la commission de réforme du 16 juin 2022, l'expertise du 8 juillet 2022 du docteur A..., rhumatologue, sont postérieurs aux décisions attaquées et pour certains insuffisamment circonstanciés. Mme B..., avait par ailleurs elle-même demandé à bénéficier de congés annuels du 12 juillet au 10 août 2018 après son retour de prolongation d'arrêt de travail, période traditionnellement de congé annuel pour l'ensemble des agents de l'école au cours de laquelle elle s'est dès lors trouvée seule dans l'établissement et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'ait pas pu utiliser son compte personnel pour ouvrir une session de travail sur poste informatique ou n'ait pas eu de consigne de travail lors de sa reprise le 13 août 2018. L'ensemble des éléments relatifs à cet état antérieur et préexistant constitue une circonstance particulière conduisant à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, ni d'examiner, ainsi que le sollicite l'école, si le comportement de Mme B... peut ou non conduire à détacher la maladie du service.

6. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur l'erreur d'appréciation commise par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon refusant de reconnaître l'état de santé de Mme B... comme imputable au service à compter du 13 août 2018 pour annuler les arrêtés des 20 octobre 2019 et 18 avril 2020 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme B... ainsi que pour annuler l'arrêté du 29 mai 2020 mettant fin à sa rémunération par voie de conséquence.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens invoqués par Mme B... :

En ce qui concerne l'arrêté du 20 octobre 2019 :

8. L'arrêté du 20 octobre 2019 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
9. Aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instructions, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires. Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ", aux termes de son article 17 : " La commission ne peut délibérer valablement que si au moins quatre de ses membres ayant voix délibérative assistent à la séance. Deux praticiens, titulaires ou suppléants, doivent obligatoirement être présents (...) Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical." et en vertu de l'article 3 du même arrêté : " la commission de réforme comprend " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes [...] ".
10. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 17 septembre 2019 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent.

11. Il résulte des dispositions citées au point 9 que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision attaquée.

12. Mme B... a saisi la commission de réforme d'une demande d'imputabilité au service d'une anxiété réactionnelle à la reprise du travail. Il ressort des pièces du dossier que la commission de réforme qui a émis le 17 septembre 2019 un avis sur l'imputabilité au service de la pathologie dont souffre Mme B..., disposait du rapport du médecin du travail du 12 septembre 2019 auquel était joint une ordonnance d'un psychiatre, et mentionnait avoir disposé de certificats de spécialistes dont deux psychiatres, un algologue, un rhumatologue, un psychologue clinicien et deux kinésithérapeutes, lesquels n'étaient pas joints au rapport mais dont le médecin du travail indiquait qu'ils attestaient que les conditions de travail de Mme B... aggravent son état de santé.

13. Dans ces conditions, compte tenu de l'ensemble des informations dont elle disposait sur l'état de santé de Mme B... et les circonstances de sa demande, la commission départementale de réforme qui s'est réunie le 17 septembre 2019 doit être regardée comme ayant été suffisamment informée, et a pu régulièrement émettre son avis sans s'adjoindre un médecin spécialiste.

14. Il résulte des dispositions citées au point 10 que l'avis de la commission de réforme doit être motivé dans le respect du secret médical. En indiquant que son avis est défavorable " en raison du délai de déclaration de la maladie professionnelle non respecté, la première constatation de la symptomatologie a été identifiée par la patiente le 1er décembre 2010 et le certificat de première constatation de la maladie professionnelle est datée du 5 août 2018 ", l'avis du 17 septembre 2019 de la commission de réforme, satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004.

15. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé.

En ce qui concerne l'arrêté du 18 octobre 2020 et le rejet du recours gracieux :

16. L'arrêté du 18 octobre 2020 vise les textes sur lesquels il se fonde et l'avis défavorable de la commission de réforme qu'il s'approprie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. Il ressort du procès-verbal de la séance de la commission de réforme du 12 mars 2020 qui a examiné la demande de reconnaissance de l'imputabilité de la maladie professionnelle de Mme B... que cinq membres ayant voix délibérative, dont deux praticiens, ont pris part à cette séance. Cette commission a ainsi pu valablement délibérer, alors même qu'un seul représentant de l'administration était présent.

18. En indiquant que son avis est défavorable au motif qu'au regard des documents produits, aucun élément ne permet de relier par un lien de causalité indiscutable l'état de santé de l'agent à son activité professionnelle, l'avis du 12 mars 2020 de la commission de réforme satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004.

19. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé.
En ce qui concerne l'arrêté du 29 mai 2020 :

20. En premier lieu, aux termes de l'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale : " Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale. Cette organisation règle les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux ". Aux termes de l'article L. 142-2 du même code : " Le tribunal des affaires de sécurité sociale connaît en première instance des litiges relevant du contentieux général de la sécurité sociale. (...) " et aux termes de son article L. 321-1-5: " L'assurance maladie comporte (...) 5° l'octroi d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de continuer ou de reprendre le travail (...) ". L'article L. 323-1 du même code dispose que : " L'indemnité journalière prévue au 4° (5°) de l'article L. 321-1 est accordée à l'expiration d'un délai déterminé suivant le point de départ de l'incapacité de travail, et est due pour chaque jour ouvrable ou non. Elle peut être servie pendant une durée maximale (...) ", ladite durée maximale est fixée par le 2° de l'article R. 323-1 du code de la Sécurité Sociale aux termes duquel : " Pour l'application du premier alinéa de l'article L. 323-1 (...) 2° la durée maximale de la période pendant laquelle l'indemnité journalière peut être servie est fixée à trois ans (...) ".

21. En second lieu, aux termes de l'article 1er du décret n° 60-58 précité du 11 janvier 1960 relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas un caractère industriel ou commercial : " Le présent décret fixe le régime de sécurité sociale applicable, en matière d'assurance maladie, maternité, décès et invalidité (allocation temporaire et soins), aux agents permanents des communes, affiliés à la caisse nationale des agents des collectivités locales ou à un régime spécial de retraites ". Aux termes de l'article 4 du même décret : " 1° En cas de maladie, l'agent qui a épuisé ses droits à une rémunération statutaire, mais qui remplit les conditions fixées par le code de la sécurité sociale pour avoir droit à l'indemnité journalière visée à l'article L. 283 b dudit code, a droit à une indemnité égale à la somme des éléments suivants : (...) 2° Lorsque l'agent continue à bénéficier, en cas de maladie d'avantages statutaires, mais que ceux-ci sont inférieurs au montant des prestations en espèces de l'assurance maladie, telles qu'elles sont définies au paragraphe 1er du présent article, l'intéressé reçoit, s'il remplit les conditions visées audit paragraphe, une indemnité égale à la différence entre ces prestations en espèces et les avantages statutaires ".

22. Il résulte de ces dispositions d'une part qu'en ce qui concerne les fonctionnaires ou agents de l'Etat et des collectivités publiques, le critère de la compétence des organismes du contentieux de la sécurité sociale est lié, non à la qualité des personnes en cause, mais à la nature même du différend et d'autre part que les indemnités prévues aux paragraphes 1er et 2 de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960, indépendantes du statut des fonctionnaires territoriaux, sont des prestations du régime spécial de sécurité sociale applicable à ceux-ci. Par suite, il n'appartient qu'aux juridictions du contentieux de la sécurité sociale de statuer sur les recours dirigés contre les décisions des autorités administratives se prononçant sur les droits ouverts aux ressortissants de ce régime.

23. Si Mme B... sollicite l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret susvisé du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale, de telles conclusions relèvent de la compétence des juridictions du contentieux de la sécurité sociale et doivent ainsi être rejetées comme étant portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
24. A supposer par ailleurs que Mme B... ait entendu soulever le moyen tiré du détournement de pouvoir, ce dernier n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien -fondé.

25. Il résulte de tout ce qui précède que l'Ecole supérieure d'art d'Avignon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 20 octobre 2019, 18 avril 2020 et 29 mai 2020 et enjoint au président de l'Ecole supérieure d'art d'Avignon de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie de Mme B... à compter du 13 août 2018 et de régulariser sa situation administrative et financière dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.


Sur les conclusions de la requête n° 21TL04675 :

26. La cour statuant au fond par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Nîmes, les conclusions de la requête n° 21TL04675 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

27. Mme B... étant la partie perdante, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par l'Ecole supérieure d'art d'Avignon au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes n os 2000900, 2002384, 2003578 du 23 septembre 2021 est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Nîmes sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions dirigées contre l'arrêté du 29 mai 2020 en tant qu'il ne prévoit pas le versement des prestations prévues par les dispositions de l'article 4 du décret du 11 janvier 1960 combinées à celles des articles L. 323-1 et R. 323-1 du code de la sécurité sociale sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 21TL04675.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B... et à l'Ecole supérieure d'art d'Avignon.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
M. Teulière, premier conseiller,
Mme Arquié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
C. Arquié

La présidente,





A. Geslan-Demaret
La greffière,





M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la préfète de Vaucluse en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


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Nos 21TL04461, 21TL04675