CAA de MARSEILLE, 7ème chambre, 21/04/2023, 21MA02861, Inédit au recueil Lebon

Information de la jurisprudence
Date de décision21 avril 2023
Num21MA02861
JuridictionMarseille
Formation7ème chambre
PresidentMme HELMLINGER
RapporteurMme Virginie CIREFICE
CommissaireM. GUILLAUMONT
AvocatsMCL AVOCATS

Vu la procédure suivante :


Procédure contentieuse antérieure :


Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre des armées a rejeté son recours du 21 mars 2018 devant la commission des recours des militaires tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident du 31 mai 2017 dont elle a été victime et, à titre subsidiaire, de désigner un expert pour décrire les pathologies dont elle souffre, dire si ces pathologies sont imputables au service et fixer le taux d'invalidité.


Par un jugement n° 1802987 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 11 mars 2019 du ministre des armées, substituée à la décision implicite contestée, enjoint au ministre des armées de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, la ministre des armées demande à la Cour :


1°) d'annuler le jugement n° 1802987 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 ;


2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon.

Elle soutient que :
- en se fondant sur les dispositions de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre en lieu et place des dispositions des article L. 4138-13 et R. 4138-58 du code de la défense les premiers juges ont commis une erreur de droit ;
- en jugeant que la circonstance que l'accident soit survenu pendant le service impliquait automatiquement son imputabilité au service, les premiers juges ont commis, outre une erreur de droit, une erreur de qualification juridique des faits ;
- Mme B... n'établit pas l'existence d'un lien direct entre son accident de santé et les conditions d'exécution de son service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2022, Mme C... B..., représentée Me Mendes-Constante, demande :


1°) à titre principal, de rejeter les conclusions en appel de la ministre des armées ;


2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;


3°) à titre subsidiaire, dans le cas où le jugement précité serait annulé, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Toulon pour y être à nouveau statué sur sa demande.


Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre des armées ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.





Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Bezol représentant Mme B....




Considérant ce qui suit :


1. Mme B..., lieutenant de vaisseau, entrée en service le 2 mars 1999, était affectée au pôle écoles méditerranées de Saint-Mandrier depuis le 13 juin 2016. Le 31 mai 2017, elle a été admise aux urgences de l'hôpital d'instruction des armées Sainte Anne à Toulon où une dissection carotidienne a été diagnostiquée. Elle a été placée, par une décision du 18 janvier 2018, en congé de longue maladie pour une période de six mois pour une affection non liée au service. Par un recours préalable obligatoire, reçu par la commission des recours des militaires le 21 mars 2018, elle a contesté l'absence de reconnaissance de l'imputabilité de l'accident vasculaire cérébral dont elle a ainsi été victime. Par une décision du 11 mars 2019, la ministre des armées a fait partiellement droit à son recours et a décidé de consulter le comité supérieur médical avant de procéder au réexamen de la situation de Mme B.... Le comité supérieur médical a conclu, le 19 septembre 2019, à l'absence de lien présumé entre le service et l'affection présentée. Par un jugement du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision de la ministre des armées du 11 mars 2019, substituée à la décision implicite de rejet contestée, enjoint à la ministre des armées de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La ministre des armées relève appel de ce jugement.


Sur le bien-fondé du jugement :


2. D'une part, aux termes de l'article L. 4138-13 du code de la défense : " Le congé de longue maladie est attribué, après épuisement des droits de congé de maladie (...), lorsque l'affection constatée met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions et qu'elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. / Lorsque l'affection survient du fait ou à l'occasion de l'exercice des fonctions ou à la suite de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ce congé est d'une durée maximale de trois ans. Le militaire conserve, dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, sa rémunération. (...) ".



3. D'autre part, aux termes, l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, dans sa version issue de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; (...) ".


4. En l'espèce, la décision attaquée par la requérante concerne exclusivement son placement en congé pour longue maladie, dont les conditions de mise en œuvre sont fixées par les dispositions de l'article L. 4138-13 du code de la défense. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 121-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre qui ne porte que sur la détermination du droit à pension d'invalidité des militaires, pour annuler la décision du 11 mars 2019.


5. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon.


6. En premier lieu, aux termes du I de l'article R. 4125-1 du code de la défense : " I.- Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux. / Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense (...) ". Aux termes de l'article R. 4125-10 du même code : " (...) La décision prise sur son recours, qui est motivée en cas de rejet, se substitue à la décision initiale. (...) ".


7. Il résulte de ces dispositions que, pour les décisions individuelles entrant dans leur champ d'application, les décisions prises sur le recours administratif préalable obligatoire se substituent aux décisions initiales et sont seules susceptibles de faire l'objet d'un recours contentieux. Par suite, les moyens de légalité externe, au demeurant non repris en appel, tirés de l'insuffisance de motivation de la décision du 18 janvier 2018 et de l'incompétence de l'auteur de cette décision sont inopérants et ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés.


8. En second lieu, pour l'application de l'article L. 4138-13 du code de la défense, cité au point 2, un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Toutefois, s'agissant, comme en l'espèce, d'un accident vasculaire cérébral, qui est au nombre de ces circonstances particulières, il y a lieu, par exception, de rechercher s'il existe un lien direct entre cet accident et les conditions d'exécution du service. Il appartient au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce.



9. Il ressort des pièces du dossier que le service de santé des armées, saisi par la commission de recours des militaires, a rendu, le 9 octobre 2018, un avis médical précisant que l'affection de Mme B... n'est pas survenue du fait ou à l'occasion de l'exercices des fonctions. Saisi par la ministre des armées, le comité médical supérieur, qui s'est réuni le 19 septembre 2019, a rendu à l'unanimité, après examen de l'entier dossier médical, un avis aux termes duquel " compte tenu des données de la littérature et en l'état des connaissances actuelles, le comité médical supérieur se prononce sur l'absence de lien présumé entre le service et l'affection présentée ". Enfin, la ministre des armées a, pour rejeter la demande de pension militaire d'invalidité, constaté, au vu des différents avis médicaux, et notamment du courrier du professeur A... du 19 juillet 2018 lequel témoigne " que l'infirmité est apparue dans un contexte de myosis et plosis gauches depuis 3 ou 4 jours avec céphalée brutale le 28 mai 2017 alors que la patiente était au repos, faisant ainsi suspecter une maladie génétique ", que l'infirmité invoquée par Mme B... " résulte d'une affection constitutionnelle, sans facteur déclenchant particulier et sans fait de service précis, dont l'évolution est indépendante du service et qui n'a pas été aggravée par lui ". Mme B... soutient, d'une part, qu'elle a subi depuis sa prise de poste en 2011, une surcharge de travail excessive la conduisant à une " exténuation tant physique que psychologique " et, d'autre part, qu'elle a effectué un effort physique violent et exceptionnel en participant, le 23 mai 2017, à un exercice physique de course avec l'état-major des armées alors qu'elle était exemptée de toute pratique sportive compte tenu de son état de fatigue. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son poste était adapté à son grade et ses compétences, ce qui n'est pas infirmé par les formulaires d'évaluation professionnelle, produits par la requérante, indiquant notamment " des attributions très larges " pour lesquelles Mme B... " ne ménage pas sa peine ". Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que Mme B... aurait vécu le 31 mai 2017, ou lors des jours précédents, une situation professionnelle anormale. En outre, elle ne produit aucun document permettant de vérifier un lien entre son état de santé et l'exercice de la séance de course à pied. Dans ces conditions, et alors qu'aucune des pièces versées au dossier ne permet d'établir un lien de causalité direct, la ministre des armées n'a pas commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de la dissection carotidienne dont a été victime Mme B... le 31 mai 2017.


10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin ni de statuer sur la recevabilité de la demande de Mme B... devant le tribunal administratif eu égard à la portée de la décision explicite prise par la ministre des armées, ni d'ordonner une expertise, que la ministre des armées est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a annulé sa décision du 11 mars 2019 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B....


Sur les frais liés au litige :


11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme B... présentées en appel sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à Mme C... B....
Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
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